jeudi 31 août 2006
La crise du Liban
Par xerbias, jeudi 31 août 2006 à 23:53 :: Monde
Mis à part la coupe du monde de football, l'autre événement marquant de cet été fut la crise au Liban. Nouvel épisode des nombreuses guerres qui accablent le proche orient, elle a été marquée par la culpabilité de tous les protagonistes. En effet, si les actions pouvaient être légitimes, leur mise en application s'est révélée désastreuse.
Reprenons depuis les origines immédiates : le retrait d'Israël du sud du Liban, et ce sans contrepartie. Ce geste de paix ne fut pas reconnu par le Hezbollah, et même mal interprété : les militants du "parti de Dieu" y virent un signe de faiblesse de la part de l'Etat hébreu devant la résistance armée qu'ils orchestraient. Déterminés par une haine tenace d'Israël, ils prirent comme prétexte le fait que les terres occupées par les fermes de Chebaa restaient sous gestion israélienne pour continuer les hostilités en envoyant des roquettes sur des zones peuplées de civils israéliens. Cette situation était intolérable pour Israël, mais la goutte d'eau qui fit déborder la vase fut l'enlèvement de soldats de l'armée israélienne par le Hezbollah, et leur détention au Liban dans l'optique d'un hypothétique échange de prisonniers. Evidemment, l'idée était dénuée de sens dans la mesure où accepter de négocier lors de prise d'otages revient à les encourager. Mais Israël ne pouvait pas se permettre de laisser perdurer des attaques aussi sournoises. C'est ainsi que la décision d'entrer dans le Sud Liban afin de neutraliser le Hezbollah fut prise.
Ces opérations furent fortement soutenues par les Etats-Unis au nom du droit de chaque pays de se défendre face aux agressions extérieures, et ici Israël était bien en situation de légitime défense. Le Hezbollah est bien un groupe terroriste : ce parti islamiste dispose d'une branche armée dont l'usage de la force n'est pas décidé par le gouvernement d'un pays. En effet, l'armée libanaise, la seule légitime pour défendre le territoire n'a pas été du tout impliquée ni avant, ni pendant la crise. La milice du Hezbollah elle se montre hyperactive sur la zone dont elle détient le contrôle, et n'hésite pas à s'en prendre aux civils, considérant que chaque Israélien est coupable d'être présent sur ces terres autrefois arabes. L'objectif est donc bien de répandre la terreur parmi la population israélienne, ce qui constitue la définition même du terrorisme. Celui-ci étant basé dans une zone frontalière, il devenait nécessaire pour Tsahal d'intervenir pour démanteler la partie armée de cette organisation hostile.
Mais ce qui a causé problème fut le mode opératoire de l'intervention. Depuis la dernière décennie, il semble régner une idéologie selon laquelle il est possible de mener une guerre "propre", sans perte de troupes, par l'usage intensif et précis de la force de frappe aérienne. Le malheur est que les bombardements sont loin d'être aussi précis qu'on le souhaite, et cela même lorsqu'il s'agit d'objectifs militaires clairement déterminés. Alors dans le cas du Hezbollah, qui utilise la stratégie de la guérilla, et donc est constamment caché et dissimulé dans la population civile, il est presque impossible de toucher l'un sans toucher l'autre. Cette façon de faire entraîne donc nécessairement la mort de nombreux innocents, ce qui est une faute morale. C'est aussi une faute stratégique, dans la mesure où la médiatisation de ces carnages amène la désapprobation des opérations par l'opinion publique internationale, relayée par les différents gouvernements. Il aurait été préférable d'opérer par commandos hautement mobiles et adaptables, plus adaptés à la lutte contre la guérilla et à la neutralisation de tels groupes armés. Mais l'inconvénient cette fois sont les nombreuses pertes militaires inéluctables au combat rapproché. C'est un prix à payer pour s'assurer de l'efficacité du démantèlement des forces ennemies.
Toute l'affaire a ainsi évolué de la façon la plus sale. Les Libanais apportèrent leur soutien au Hezbollah à 80 %, réduisant à néant les progrès enregistrés lors de la révolution du cèdre, et relativisant aussi l'apparence de peuple libanais pacifique. Du côté d'Israël, l'utilisation de bombes à fragmentations, proches des mines antipersonnelles, a montré un côté odieux de la part de forces censées seulement protéger une nation démocratique agressée. Dès lors, tout cela devait prendre fin. Mais autant faire en sorte que tout n'ait pas été vain. Il s'agissait de démanteler la partie armée du Hezbollah, mais en faisant les choses de façon nette et éthique, en toute transparence par des personnes les plus impartiales possibles. D'où le recours au multilatéralisme, à travers les Nations Unies. Dès le départ, le Conseil de Sécurité de l'ONU s'est saisi de la crise. Mais comme d'habitude, les dissensions furent grandes entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne d'un côté, la Russie et la Chine de l'autre, et entre les deux le camp de la demi-mesure. Si la crise fut aussi longue, c'est qu'il fut difficile d'arriver à un compromis, qui fut finalement trouvé sur l'application de la résolution 1559, prônant le désarmement du Hezbollah. Pour mettre fin à la crise, un accord a été trouvé sur l'envoi de casques bleus en grand nombre pour faire respecter la fin des hostilités. Ceux-ci, provenant d'Europe et de pays musulmans non situés au Proche Orient, doivent désormais assurer la difficile mission de calmer les choses. L'armée régulière libanaise entrera cette fois en action pour désarmer le Hezbollah, ce qui aurait dut être fait depuis longtemps.
Dernière péripétie, une courte polémique sur le nombre de militaires envoyés par la France. La France, disposant d'un lien fort et ancien avec le Liban, a été l'architecte des négociations. Il eut donc été incompréhensible qu'elle n'assure pas sa part d'interventions. Lorsque 200 Français ont été envoyés, le nombre parut insuffisant pour assurer la mission et entraîner d'autres pays à intervenir. Un nouveau procès en couardise fut intenté par les médias étrangers à la France, procès d'autant plus injuste que la France était le premier pays à envoyer des forces en urgence pour permettre le retrait des forces israéliennes, juste le temps pour l'ONU de mettre au point un mandat clair et précis au déploiement des troupes de la FINUL élargie. Ce mandat était nécessaire pour connaître le type de troupes à envoyer, et une fois qu'il a été établi, la France a fait le nécessaire en envoyant des troupes et du matériel en force suffisante.
Au final, si tout se passe comme prévu par l'ONU, chacun pourra se réjouir d'une baisse de tension sur ce théâtre. Mais les événements qu'il aura fallu traverser pour y arriver sont de parfaits contre-exemples de méthodes à appliquer. On ne peut malheureusement qu'espérer que les leçons seront retenues pour les inévitables prochaines crises dans cette partie du monde.
Photo : AFP/Getty Images
Reprenons depuis les origines immédiates : le retrait d'Israël du sud du Liban, et ce sans contrepartie. Ce geste de paix ne fut pas reconnu par le Hezbollah, et même mal interprété : les militants du "parti de Dieu" y virent un signe de faiblesse de la part de l'Etat hébreu devant la résistance armée qu'ils orchestraient. Déterminés par une haine tenace d'Israël, ils prirent comme prétexte le fait que les terres occupées par les fermes de Chebaa restaient sous gestion israélienne pour continuer les hostilités en envoyant des roquettes sur des zones peuplées de civils israéliens. Cette situation était intolérable pour Israël, mais la goutte d'eau qui fit déborder la vase fut l'enlèvement de soldats de l'armée israélienne par le Hezbollah, et leur détention au Liban dans l'optique d'un hypothétique échange de prisonniers. Evidemment, l'idée était dénuée de sens dans la mesure où accepter de négocier lors de prise d'otages revient à les encourager. Mais Israël ne pouvait pas se permettre de laisser perdurer des attaques aussi sournoises. C'est ainsi que la décision d'entrer dans le Sud Liban afin de neutraliser le Hezbollah fut prise.
Ces opérations furent fortement soutenues par les Etats-Unis au nom du droit de chaque pays de se défendre face aux agressions extérieures, et ici Israël était bien en situation de légitime défense. Le Hezbollah est bien un groupe terroriste : ce parti islamiste dispose d'une branche armée dont l'usage de la force n'est pas décidé par le gouvernement d'un pays. En effet, l'armée libanaise, la seule légitime pour défendre le territoire n'a pas été du tout impliquée ni avant, ni pendant la crise. La milice du Hezbollah elle se montre hyperactive sur la zone dont elle détient le contrôle, et n'hésite pas à s'en prendre aux civils, considérant que chaque Israélien est coupable d'être présent sur ces terres autrefois arabes. L'objectif est donc bien de répandre la terreur parmi la population israélienne, ce qui constitue la définition même du terrorisme. Celui-ci étant basé dans une zone frontalière, il devenait nécessaire pour Tsahal d'intervenir pour démanteler la partie armée de cette organisation hostile.
Mais ce qui a causé problème fut le mode opératoire de l'intervention. Depuis la dernière décennie, il semble régner une idéologie selon laquelle il est possible de mener une guerre "propre", sans perte de troupes, par l'usage intensif et précis de la force de frappe aérienne. Le malheur est que les bombardements sont loin d'être aussi précis qu'on le souhaite, et cela même lorsqu'il s'agit d'objectifs militaires clairement déterminés. Alors dans le cas du Hezbollah, qui utilise la stratégie de la guérilla, et donc est constamment caché et dissimulé dans la population civile, il est presque impossible de toucher l'un sans toucher l'autre. Cette façon de faire entraîne donc nécessairement la mort de nombreux innocents, ce qui est une faute morale. C'est aussi une faute stratégique, dans la mesure où la médiatisation de ces carnages amène la désapprobation des opérations par l'opinion publique internationale, relayée par les différents gouvernements. Il aurait été préférable d'opérer par commandos hautement mobiles et adaptables, plus adaptés à la lutte contre la guérilla et à la neutralisation de tels groupes armés. Mais l'inconvénient cette fois sont les nombreuses pertes militaires inéluctables au combat rapproché. C'est un prix à payer pour s'assurer de l'efficacité du démantèlement des forces ennemies.
Toute l'affaire a ainsi évolué de la façon la plus sale. Les Libanais apportèrent leur soutien au Hezbollah à 80 %, réduisant à néant les progrès enregistrés lors de la révolution du cèdre, et relativisant aussi l'apparence de peuple libanais pacifique. Du côté d'Israël, l'utilisation de bombes à fragmentations, proches des mines antipersonnelles, a montré un côté odieux de la part de forces censées seulement protéger une nation démocratique agressée. Dès lors, tout cela devait prendre fin. Mais autant faire en sorte que tout n'ait pas été vain. Il s'agissait de démanteler la partie armée du Hezbollah, mais en faisant les choses de façon nette et éthique, en toute transparence par des personnes les plus impartiales possibles. D'où le recours au multilatéralisme, à travers les Nations Unies. Dès le départ, le Conseil de Sécurité de l'ONU s'est saisi de la crise. Mais comme d'habitude, les dissensions furent grandes entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne d'un côté, la Russie et la Chine de l'autre, et entre les deux le camp de la demi-mesure. Si la crise fut aussi longue, c'est qu'il fut difficile d'arriver à un compromis, qui fut finalement trouvé sur l'application de la résolution 1559, prônant le désarmement du Hezbollah. Pour mettre fin à la crise, un accord a été trouvé sur l'envoi de casques bleus en grand nombre pour faire respecter la fin des hostilités. Ceux-ci, provenant d'Europe et de pays musulmans non situés au Proche Orient, doivent désormais assurer la difficile mission de calmer les choses. L'armée régulière libanaise entrera cette fois en action pour désarmer le Hezbollah, ce qui aurait dut être fait depuis longtemps.
Dernière péripétie, une courte polémique sur le nombre de militaires envoyés par la France. La France, disposant d'un lien fort et ancien avec le Liban, a été l'architecte des négociations. Il eut donc été incompréhensible qu'elle n'assure pas sa part d'interventions. Lorsque 200 Français ont été envoyés, le nombre parut insuffisant pour assurer la mission et entraîner d'autres pays à intervenir. Un nouveau procès en couardise fut intenté par les médias étrangers à la France, procès d'autant plus injuste que la France était le premier pays à envoyer des forces en urgence pour permettre le retrait des forces israéliennes, juste le temps pour l'ONU de mettre au point un mandat clair et précis au déploiement des troupes de la FINUL élargie. Ce mandat était nécessaire pour connaître le type de troupes à envoyer, et une fois qu'il a été établi, la France a fait le nécessaire en envoyant des troupes et du matériel en force suffisante.
Au final, si tout se passe comme prévu par l'ONU, chacun pourra se réjouir d'une baisse de tension sur ce théâtre. Mais les événements qu'il aura fallu traverser pour y arriver sont de parfaits contre-exemples de méthodes à appliquer. On ne peut malheureusement qu'espérer que les leçons seront retenues pour les inévitables prochaines crises dans cette partie du monde.
Photo : AFP/Getty Images