Réflexions en cours

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dimanche 31 août 2008

Le redécoupage électoral

Cela fait un certain temps que le Conseil Constitutionnel réclame un redécoupage de la carte électorale, pour que les différentes circonscriptions représentent chacune un nombre plus proche d'habitants. Le dernier découpage de 1986 avait été nécessaire car le gouvernement de Jacques Chirac remettait en cause la proportionnelle instaurée par François Mitterrand, d'où le retour aux circonscriptions. Mais les différences démographiques se sont accentuées, et aujourd'hui, les circonscriptions sont trop peu semblables en termes de population, quantitativement parlant. Ce genre de réformes ne peut être fait à l'approche des élections, sous peine de voir poindre l'accusation d'interventionnisme ministériel dans les règles du jeu électoral. Le secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux collectivités territoriales Alain Marleix est chargé de ce redécoupage, mais il est d'ores et déjà accusé de vouloir privilégier son camp, l'UMP, en faisant du sur mesure au service de ses députés. L'accusation est traditionnelle, et aurait certainement été lancée par l'UMP si ce fut le PS qui s'en était chargé.

Seulement, aussi tenté Alain Marleix puisse être de profiter de son pouvoir pour faire plaisir à ses amis, il risque de voir ses marges de manoeuvre limitées : les circonscriptions doivent englober des cantons entiers contigüs au sein du même département. Et en créant des circonscriptions imperdables pour la droite, il serait obligé d'en faire également, en négatif, des imperdables pour la gauche, où se retrouveraient tous les cantons penchant à gauche ne faisant pas partie des premiers. En outre, Alain Marleix n'a pas le pouvoir de forcer les électeurs à voter pour un camp ou dans l'autre, et jusqu'à présent, l'alternance a le plus souvent été la règle.

Cela n'enlève en rien le caractère sensible de l'opération, celle-ci reste un des plus grands enjeux politiciens du moment. En effet, les députés actuels, de gauche comme de droite, sont par définition contents de leur circonscription, puisqu'elle a voté pour eux. En changer la composition apporte une touche d'inconnu par les nouvelles populations qui rentront en compte, et qui représentent donc une menace potentielle pour la réelection. Si au niveau national, cela s'équilibrera globalement, les députés sortants craignent de mauvaises surprises individuellement. Toutes les circonscriptions n'ont pourtant pas à être redécoupées, seules celles s'éloignant trop de la moyenne doivent être concernées. Ceux qui seront surtout les mieux lotis, ce sont surtout les départements qui n'étaient pas assez bien représentés jusqu'à présent.

vendredi 22 août 2008

La lutte entre les consommateurs et les entreprises

Karl Marx avait fait le fond de commerce de son idéologie d'une lutte entre le prolétariat (soit les salariés) et la bourgeoisie (l'employeur en dernier ressort) vis-à-vis de la valeur ajoutée. Si l'idéologie marxiste est historiquement disqualifiée, l'idée d'un conflit naturel entre les actionnaires et les employés perdure et refait surface dans les esprits de temps à autres. Elle est parfois pertinente dans certains cas mais elle ignore généralement que les deux parties ont un intérêt commun : assurer la survie et le développement de l'entreprise, ce qui permet déjà à cette plus value d'exister. Pour pouvoir se la disputer, encore faut-il qu'il y en ait une. Et dans une économie où les entreprises sont en concurrence les unes avec les autres, cela n'est pas forcément assuré. Par contre, il peut y avoir une autre grille d'analyse sur les questions de fond tels que le chômage, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises : celle d'un conflit naturel entre consommateurs et entreprises.

En effet, le consommateur cherche fort rationnellement à maximiser son pouvoir d'achat. Pour cela, il veille à acheter les produits meilleurs marché, faisant un arbitrage entre qualité et prix, sélectionnant ses produits et services suivant l'importance de leurs différents facteurs. Logiquement, il voit d'un mauvais oeil l'inflation, lorsqu'il voit le niveau général des prix augmenter, c'est systématiquement une perte de pouvoir d'achat si son salaire est constant pendant ce temps. C'est de cette manière que la question du pouvoir d'achat est devenue si majeure en France. Or du côté des entreprises, si le renchérissement du prix des matières premières peut être une vraie raison dans certains cas, l'augmentation des prix de ces derniers temps a surtout été une façon d'accroître la plus value réalisée sur les différents produits d'une manière plus ou moins honnête. Cela peut être une façon de maximiser les dividendes pour les actionnaires, mais en assurant la prospérité de l'entreprise, des emplois peuvent être créés ou sauvegardés, et les bons résultats peuvent tout à fait rejaillir sur les employés. Donc, les consommateurs veulent des prix toujours plus bas, quitte à ce que les produits soient fabriqués à bas coûts à l'étranger. Mais les salariés veulent des salaires toujours plus hauts, refusant évidemement de perdre leur emploi dans le cadre d'une délocalisation. Au bout du compte, les salariés sont des consommateurs, et il naît de ces situations une schizophrénie indubitable, la personne recevant de l'argent ayant des intérêts contraîres à cette même personne qui en dépense.

Toujours est-il qu'actuellement, il y a bien moins d'entreprises que de salariés. Sur chaque produit grand public, seules quelques entreprises doivent le plus souvent répondre à la demande de millions de consommateurs. Ces oligopoles créent une distortion de concurrence vis-à-vis des acheteurs, et ceux-ci sont obligés de subir les augmentations décidées par les entreprises. Celles-ci s'entendent plus facilement à faire monter les prix que les consommateurs n'arrivent à les faire baisser. Entre le consommateur et les entreprises, la relation est aujourd'hui déséquilibrée. Peut être que les consommateurs doivent à leur tour prendre conscience de leur intérêt commun pour limiter les excès, en attendant que de nouvelles entreprises favorisent la concurrence auprès des oligopoles.

mardi 19 août 2008

La foi dans le progrès politique

Au Panthéon, les tombeaux de Jean-Jacques Rousseau et de Voltaire se font face, à l'entrée de la crypte. Les révolutionnaires ont estimé que ces deux philosophes avaient tous deux inspirés le mouvement qui mit fin à la monarchie absolue pour mettre en place une république démocratique. Pourtant, Rousseau et Voltaire avaient des visions du monde très différentes, bien qu'ils soient considérés comme relevant de la philosophie des Lumières. Rousseau voyait le monde comme il voyait sa vie : une enfance pleine d'innocence, malheureusement attaquée par la corruption du monde moderne. Ainsi, le monde était autrefois universellement bon, avant que la civilisation ne le ruine. Dans son esprit, l'individualisme attaque gravement le bonheur des hommes : la différence entre les positions des différentes personnes créé l'oppression. L'établissement d'un contrat social entre les hommes permet un pouvoir politique admis par tout à chacun, et donc légitime. Celui qui obéit à la loi ne fait qu'obéir à sa propre volonté. Voltaire, lui, considère que la chance de l'homme face à un monde parfois absurde est sa raison : chaque être humain est rationnel et peut comprendre le besoin de défendre l'intérêt de tous, favorisant ainsi les libertés individuelles et la priorité accordée à l'homme. Voltaire se révèle être ainsi un humaniste ayant une foi profonde dans le progrès.

Les deux conceptions s'opposent donc sur un point : Rousseau voit dans la modernité une corruption des sentiments, quand Voltaire voit surtout les bienfaits apportés par le progrès. Et malgré leurs incompréhensions, ils sont sur certains aspects compatibles, à condition de ne reprendre que les conclusions de leurs raisonnements : un contrat social entre hommes rationnels peut être bénéfique à la vie commune des hommes. Et c'est bien ce qu'en a retenu l'Histoire. Mais cette idée de démocratie à la française a été influente à travers le monde, le choc de la Révolution étant profond bien au-delà des frontières françaises. Et avec elle, ont été exportées ces deux approches. Il n'est dès lors pas étonnant que dans les mouvements de gauche, l'on retrouve une inspiration plus profondément rousseauïste : le marxisme notamment s'appuie notamment sur l'idée que l'homme est fondamentalement bon mais oppressé, le mythe du bon sauvage, la prééminence du pouvoir collectif sur celui individuel. Il n'est dès lors pas étonnant qu'avec l'arrivée d'une société sans classe corresponde la fin de l'Histoire selon Marx, vu la réticence de Rousseau au progrès. On retrouve également cette même façon de pensée chez Robespierre, qui n'a pas hésité à faire régner la Terreur pour combattre les ennemis de la République : dans son optique, l'intérêt collectif justifiait tous les sacrifices. Et de cette façon, avec chaque teinte du socialisme, correspond un fond de cette idéologie qui rappelle la pensée de Jean-Jacques Rousseau.

Ceux qui se considèrent comme étant davantage les héritiers de Voltaire ont une approche bien différente. Celle-ci reconnaît l'intérêt et le mérite des libertés individuelles, tout en faisant de l'intérêt général un des objets de ces libertés individuelles. Historiquement, il y a bien un progrès tant politique que technique. Il permet de meilleures conditions de vie, et donc une humanité plus heureuse. Ce progrès est le résultat de la Raison utilisée à bon escient. Nul besoin de coercition, mais seulement de conviction. Et dans les faits, malgré les accidents de parcours, les hommes vivent de plus en plus longtemps, sont plus nombreux, tendent à bénéficier de facilités comme l'eau courante, l'électricité, le chauffage... Petit à petit, les démocraties sont plus nombreuses à travers le monde, diminuant ainsi le nombre de régimes basés sur l'oppression. Et face aux défis graves que doit relever l'humanité aujourd'hui, tels que les enjeux environnementaux, il y a un espoir que la mobilisation de tous et le progrès permettent de surmonter chaque difficulté avec le temps.

Rousseau aura été une étape utile dans la pensée politique, mais avec Voltaire, vient la foi de l'homme dans le progrès, et notamment le progrès politique. Chacun peut et doit apporter sa part à la communauté, et si le sentiments restent un moteur puissant de l'humanité, la Raison forme une base commune à tous, et permet la communication et ce travail pour le progrès. Voilà la méthode qui doit nous animer pour changer la société.

dimanche 10 août 2008

Pas de paix olympique en Géorgie

L'offensive de l'armée russe menée en Géorgie rappelle au monde la façon dont fonctionne la Russie : elle veille jalousement, par la force s'il le faut, à ses intérêts. La situation actuelle en Ossétie du sud est emblématique. Il s'y est trouvé une communauté russe désirant être rattachée à Moscou plutôt qu'à Tbilissi, et prête à prendre les armes pour faire sécession. Le pouvoir géorgien a préféré prendre la main, et y envoyer des troupes pour garder le contrôle de l'Ossétie du sud. La Russie a réagi en attaquant ces troupes, en rentrant militairement en Géorgie, arguant du besoin de protéger la communauté russe. Et tout cela alors que les Jeux Olympiques débutaient, rendant à nouveau inopérant l'ancienne idée de paix olympique censée se dérouler pendant les Jeux. Mais les conséquences sont plus graves que la simple violation de la trêve olympique.

La Russie pourrait argumenter sur le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, celui qu'ont utilisés plusieurs ethnies yougoslaves pour se libérer de la tutelle serbe et indirectement, russe. Dans ce cas, les Ossètes pourraient vouloir faire partie de la Russie plutôt que de la Géorgie. Mais une intervention militaire ne pouvait se justifier sur cette seule base. Lorsque l'OTAN est intervenu au Kosovo, c'était pour faire cesser des massacres qui s'y déroulaient, et non pour seulement appuyer un camp contre un autre. La Russie peut bien avoir des troupes servant vaguement à maintenir la paix dans la région, elles servent uniquement à répondre aux préoccupations russes. En envahissant la Géorgie, il y a une violation caractérisée de territoire qui est très grave : elle montre que la Russie n'a que faire de la souveraineté des autres pays, et qu'elle n'hésite pas à se servir d'une armée encore puissante pour imposer son point de vue. Au niveau de la paix mondiale, cela n'a rien de rassurant. La Géorgie a un gouvernement réputé proche des pays occidentaux, la preuve en est qu'elle souhaite rejoindre l'OTAN. La Russie est contre cela, et contre ce gouvernement. Elle a les moyens de réduire en cendres la Géorgie, elle ne s'en prive pas tant qu'elle n'est pas arrivée à ses fins.

D'une manière générale, la Russie continue de considérer tous les anciens pays du bloc soviétique comme étant sous sa tutelle. Le fait que certains d'entre eux choisissent de rallier l'occident via l'OTAN ou l'Union Européenne ne lui plait en aucune façon : elle considère ces pays comme des pays indisciplinés qu'il faudra remettre dans le droit chemin tôt ou tard. La diplomatie très nerveuse employée vis-à-vis de ce qu'il se passe en Serbie, en Pologne, en Ukraine ou en Estonie le montre quotidiennement. Les Russes considèrent la décennie passée sous Boris Eltsine comme une de faiblesse et d'humiliation. Comme en Chine, un sentiment nationaliste est resté après la fin du communisme. Après tout, malgré ses échecs économiques, le système soviétique restait approuvé par la population russe dans la mesure où il permettait la grande Russie dont ont justement voulu se défaire les autres pays qui la composaient. L'Europe a déjà eu l'occasion de se rendre compte de cette funeste menace lorsque la Russie a prouvé qu'elle souhaitait se servir de son rôle de fournisseur de pétrole et de gaz pour faire imposer ses points de vue. La Géorgie, qui voit passer gazoducs et oléoducs en provenance de l'Azerbaïdjan vers l'Europe est stratégique à ce niveau là. Selon l'angle russe, elle ne peut passer à l'Ouest. Et pour celui-ci, le spectre d'une guerre froide débarrassée d'idéologie réapparait, chaque année avec une force plus grande, depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir.

Il est hors de question de prendre ces menaces à la légère. La première des choses à faire, c'est de s'assurer que le régime démocratique géorgien est maintenu, que le président qui en est issu reste au pouvoir jusqu'à la fin de son mandat et que tout se décide en fonction d'élections libres. Et la leçon à en tirer pourrait bien être un grand rappel à l'ordre, à l'heure où la France va vers une réduction des crédits de l'armée, ce ne semble pas être le bon moment pour se relâcher.

mercredi 6 août 2008

L'accord européen sur l'immigration

Il y a de cela un mois, la présidence française de l'Union Européenne s'ouvrait sur la réunion à Cannes des ministres ayant en charge le dossier de l'immigration dans leur pays respectif. Un accord a été trouvé sur ce sujet entre les 27, ce qui de nos jours, est toujours un petit exploit. Le texte de l'accord met en place une coopération entre les différents pays d'Europe à propos de l'immigration extra-communautaire, et présente dans cette optique les lignes directrices d'une ligne politique commune. Celle-ci s'appuie sur plusieurs principes : rejet des régularisations massives, préférence pour une immigration choisie et maîtrisée, la nécessité d'une intégration des immigrés, retour au pays d'origine pour les immigrés illégaux, notamment. Le fait que ce soit Brice Hortefeux qui ait été à la manœuvre pour la conception de cet accord peut laisser penser que ces prises de positions sont celles de Nicolas Sarkozy, et que le but est de les faire adopter à l'ensemble de l'Europe. Mais s'il s'agit bien de la ligne politique du Président français, il ne fut pas difficile de concevoir une collaboration au niveau européen sur l'immigration, dans la mesure où cette ligne était aussi celle de la plupart des pays européens. Il apparaît en fait que les mesures sur l'immigration que voulaient faire adopter Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Intérieur étaient tout à fait semblables à celles appliquées dans le reste de l'Europe. Cela n'a pas empêché certains activistes français d'utiliser les qualificatifs les plus extrêmes pour caractériser cette politique, alors qu'elle était similaire à celles des autres pays développés. Cela permet de mieux comprendre à quel niveau se situe ce débat.

Il est aussi possible de remarquer que ce succès de la part de la présidence française est aussi le résultat d'une concertation entamée bien avant le début de ladite présidence. D'une manière générale, et en dépit des tensions ponctuelles que peut avoir Nicolas Sarkozy et son gouvernement avec l'Union Européenne, il s'avère que depuis l'année dernières, les ministres français sont bien plus présents à Bruxelles pour mener ce travail de fond qui permet une coopération efficace. Cela montre aussi que cette coopération est encore possible sur des sujets où le niveau européen est pertinent, et qu'une certaine communauté d'idées entre les pays peut exister. Actuellement, il s'avère que les pays européens ont tendance à pencher à droite. Seule l'Espagne a été réticente à propos de ce projet d'accord sur l'immigration, celle-ci étant dirigée par un gouvernement de gauche faisant peu de cas de la maîtrise des ses frontières.

A la fin des années 90, l'Europe semblait davantage pencher à gauche. S'il commence à apparaître des alternances politiques pan-européennes, cela peut alors faciliter l'application de vraies politiques au niveau européen. En 2004, le Parti Socialiste français avait fait campagne aux européennes sur le slogan de l'"Europe sociale". Celle-ci ne restera qu'un slogan, si le PS français reste le seul parti de l'Europe à la vouloir. Cela ne fait que justifier la nécessité pour les différents partis politiques d'Europe de travailler ensemble à des programmes commun à chaque courant de pensée dans l'optique des prochains élections européennes en 2009. Car comme le montre l'accord sur l'immigration, il reste de nombreux champs pouvant bénéficier d'une coopération naissant au sein de l'Union Européenne.

lundi 4 août 2008

Les élections sénatoriales de 2008

La rentrée parlementaire de l'Assemblée Nationale a été avancée de quelques jours avec une session extraordinaire. Certains députés s'en émeuvent, se plaignant pèle mêle de ne pas avoir suffisamment de temps pour travailler sur les textes ou pour s'occuper de leur circonscription. En fait, ce problème de contraintes horaires se pose surtout pour les députés qui cumulent les fonctions et qui n'ont donc pas le temps de tout faire avec application. Mais du côté du Sénat, il n'y aura pas de session extraordinaire : il faudra d'abord attendre que les élections sénatoriales aient lieu, elles doivent avoir lieu le 21 septembre prochain pour une partie d'entre eux. Ils devront ensuite désigner le nouveau président de la haute assemblée, un poste prestigieux pouvant éventuellement servir de chef de l'Etat intérimaire en cas de vacance du pouvoir.

Le Sénat a récemment été sous les projecteurs avec la dernière réforme institutionnelle. Cela fait longtemps que la gauche accuse le Sénat d'être une institution illégitime car structurellement à droite selon eux. La gauche voulait donc de nouvelles règles d'élections des sénateurs la favorisant. Pourtant, en septembre prochain, le nombre de sénateurs socialistes devrait augmenter sans aucun changement de règles. Les victoires de la gauche dans les élections locales lui ont permis de peser davantage dans le corps des grands électeurs votant pour élire les sénateurs. Il est ainsi possible que le Sénat passe à gauche dans un avenir proche. On peut alors parier que la gauche se sentira immédiatement moins pressée pour remettre en cause le rôle du Sénat. Dans les années 30 déjà, les radicaux dominaient le Sénat, avant que ce ne soit les centristes d'une manière plus générale pendant la IVème République et au début de la Vème. Le Sénat centriste s'était opposé à la réforme constitutionnelle du général De Gaulle visant à faire élire le Président de la République au suffrage universel. Celui-ci avait voulu se débarrasser de cette force hostile en projetant de transformer le Sénat en une sorte de vaste Conseil Economique et Social, l'une des propositions de son référendum de 1969 qui échoua. A l'époque, les socialistes s'étaient d'ailleurs opposés à la réforme. Maintenant que ce sont des sénateurs issus des sensibilités gaullistes qui contrôlent le Sénat, ceux-ci ne souhaitent plus qu'on y touche.

Si la droite et le centre droit devraient sauver leur majorité cette fois-ci, reste donc la question de la présidence pour les trois prochaines années. Jean-Pierre Raffarin et Gérard Larcher semblent être les deux favoris, reproduisant l'affrontement entre centristes et gaullistes au sein du Sénat qui l'a relativement marqué ces dernières décennies. Gérard Larcher peut avoir fait de la conquête du plateau l'objectif de toute une vie, Jean-Pierre Raffarin peut pertinemment faire remarquer que les personnalités politiques de l'UMP qui occupent des postes influents appartiennent tous à une seule sensibilité politique, et que cela créé un déséquilibre. Néanmoins, le premier objectif de l'affaire est surtout de s'assurer que Christian Poncelet ne soit pas reconduit. Celui-ci a 80 ans et perpétue à merveille l'image d'une chambre en pleine léthargie tout en croyant pouvoir faire oublier la transparence de dynamisme de sénateurs usés grâce à des opérations de communication coûteuses. A ce titre, le prochain président du Sénat serait bien inspiré de proposer la fusion de Public Sénat avec La Chaîne Parlementaire de l'Assemblée Nationale, pour commencer.

samedi 2 août 2008

La réalité des enjeux de la vice-présidence américaine

La campagne présidentielle américaine traverse actuellement une période en fait plutôt calme. Entre la fin du suspense dans les primaires et l'officialisation de la désignation des candidats pendants les conventions, chaque candidat peut se consacrer à des tâches de fond qui ne pourront plus être accomplies lors des dernières semaines de campagne. Les candidats peuvent donc se permettre de participer à des levées de fond ou voyager à l'étranger, comme l'avait fait John McCain en mai ou Barack Obama la semaine dernière. L'un des marronniers des journalistes est la spéculation de savoir qui sera désigné comme candidat à la vice-présidence par le candidat titulaire de chaque parti, le but étant que le ticket soit au complet lors de la convention, généralement fin août. Généralement plusieurs critères sont pris en compte, comme le message donné par le duo de personnalités, la possibilité de compléter le candidat titulaire sur un de ses points faibles ou bien l'effet électoral direct, en sélectionnant quelqu'un venant d'une zone géographique différente du candidat dans l'espoir qu'il y rapporte des voix.

Au niveau électoral, le choix du vice-président s'avère en fin de compte assez anecdotique. Ils peinent souvent à laisser une empreinte sur la campagne, et donc ne sont pas un critère important dans le choix des électeurs. Cette faible influence est d'ailleurs un peu aussi attendue : il n'est pas dans l'intérêt d'un titulaire que son suppléant fasse davantage l'actualité que lui. Ainsi, Dick Cheney ou Joe Lieberman ont été très transparents dans les deux dernières campagnes. Qui se souvient encore de Jack Kemp ou de Lloyd Bentsen, candidats à la vice-présidence ces 20 dernières années ? Les seuls cas où les candidats à la vice-présidence passent vraiment à la postérité sont ceux où ils nuisent de façon sérieuse à leur camp. Geraldine Ferraro est la seule femme qui se soit présentée à la vice-présidence en 1984 pour l'un des deux principaux partis, mais elle a surtout embarrassé la campagne de Walter Mondale à cause d'un scandale fiscal. En 1972, le candidat démocrate George McGovern a du changer de "running mate" lorsqu'il s'est avéré que le premier, Thomas Eagleton, avait été traité aux électrochocs pour une dépression, faisant craindre une instabilité mentale.

Une fois au pouvoir, le rôle d'un vice-président est normalement très restreint. Il peut apporter une voix décisive en tant que président du Sénat en cas d'égalité, et doit remplacer le Président si celui-ci vient à mourir ou à quitter le pouvoir. C'est tout. Jusqu'ici, c'est bien Dick Cheney qui a eu le rôle le plus important dans l'histoire des vice-présidents. Il a eu une très grande influence sur l'administration Bush pendant le contrecoup du 11 septembre : étant un néo-conservateur, il a pu s'imposer plus facilement sur les questions de politiques étrangères devant George Bush, peu au fait de ces questions. Rien ne garantit que le prochain ait un rôle aussi important.

Cette année, les enjeux sont assez simples. Barack Obama souhaite-t-il faire campagne et risque de cohabiter à la maison blanche avec une de ses anciennes habitantes, Hillary Clinton ? C'est peu probable. Et pour John McCain, à 72 ans, il peut être amené à rencontrer des problèmes de santé graves au cours des huit prochaines années. Et l'autre nom du ticket peut être amené à le remplacer plus tôt que prévu, et c'est donc d'ores et déjà une responsabilité présidentielle qu'il doit assumer en choisissant son colistier.

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