Karl Marx avait fait le fond de commerce de son idéologie d'une lutte entre le prolétariat (soit les salariés) et la bourgeoisie (l'employeur en dernier ressort) vis-à-vis de la valeur ajoutée. Si l'idéologie marxiste est historiquement disqualifiée, l'idée d'un conflit naturel entre les actionnaires et les employés perdure et refait surface dans les esprits de temps à autres. Elle est parfois pertinente dans certains cas mais elle ignore généralement que les deux parties ont un intérêt commun : assurer la survie et le développement de l'entreprise, ce qui permet déjà à cette plus value d'exister. Pour pouvoir se la disputer, encore faut-il qu'il y en ait une. Et dans une économie où les entreprises sont en concurrence les unes avec les autres, cela n'est pas forcément assuré. Par contre, il peut y avoir une autre grille d'analyse sur les questions de fond tels que le chômage, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises : celle d'un conflit naturel entre consommateurs et entreprises.

En effet, le consommateur cherche fort rationnellement à maximiser son pouvoir d'achat. Pour cela, il veille à acheter les produits meilleurs marché, faisant un arbitrage entre qualité et prix, sélectionnant ses produits et services suivant l'importance de leurs différents facteurs. Logiquement, il voit d'un mauvais oeil l'inflation, lorsqu'il voit le niveau général des prix augmenter, c'est systématiquement une perte de pouvoir d'achat si son salaire est constant pendant ce temps. C'est de cette manière que la question du pouvoir d'achat est devenue si majeure en France. Or du côté des entreprises, si le renchérissement du prix des matières premières peut être une vraie raison dans certains cas, l'augmentation des prix de ces derniers temps a surtout été une façon d'accroître la plus value réalisée sur les différents produits d'une manière plus ou moins honnête. Cela peut être une façon de maximiser les dividendes pour les actionnaires, mais en assurant la prospérité de l'entreprise, des emplois peuvent être créés ou sauvegardés, et les bons résultats peuvent tout à fait rejaillir sur les employés. Donc, les consommateurs veulent des prix toujours plus bas, quitte à ce que les produits soient fabriqués à bas coûts à l'étranger. Mais les salariés veulent des salaires toujours plus hauts, refusant évidemement de perdre leur emploi dans le cadre d'une délocalisation. Au bout du compte, les salariés sont des consommateurs, et il naît de ces situations une schizophrénie indubitable, la personne recevant de l'argent ayant des intérêts contraîres à cette même personne qui en dépense.

Toujours est-il qu'actuellement, il y a bien moins d'entreprises que de salariés. Sur chaque produit grand public, seules quelques entreprises doivent le plus souvent répondre à la demande de millions de consommateurs. Ces oligopoles créent une distortion de concurrence vis-à-vis des acheteurs, et ceux-ci sont obligés de subir les augmentations décidées par les entreprises. Celles-ci s'entendent plus facilement à faire monter les prix que les consommateurs n'arrivent à les faire baisser. Entre le consommateur et les entreprises, la relation est aujourd'hui déséquilibrée. Peut être que les consommateurs doivent à leur tour prendre conscience de leur intérêt commun pour limiter les excès, en attendant que de nouvelles entreprises favorisent la concurrence auprès des oligopoles.