Beaucoup moins polémique que celle entre Suez et Gaz de France, la fusion entre Canal Plus et TPS n'en était pas moins attendue et nécessaire. En effet, d'un point de vue économique, il n'y a pas la place dans un pays pour plusieurs bouquets de télévision par satellite. En Espagne, en Italie ou en Grande Bretagne, de telles situations avaient invariablement conduit à des fusions. Si cela n'avait pas été fait auparavant en France, c'est surtout du fait de l'intransigeance de Patrick Le Lay, le PDG de TF1, qui ne voulait pas en entendre parler, refusant qu'une telle fusion ne se fasse pas entre égaux. Or TPS avait quand même beaucoup moins d'abonnés que CanalSat, ce dernier bouquet ayant été lancé bien avant. Bertrand Méheut, le dirigeant de Canal Plus, était lui favorable à une telle fusion. Il faut dire que la concurrence était coûteuse, en terme de recrutement des abonnés d'abord, mais également dans la lutte pour les exclusivités en matière de cinéma et de sport. La Ligue Professionnelle de Football avait d'ailleurs bien profité de cette concurrence, en faisant monter aux enchères les droits de retransmission de la ligue 1.

Mais désormais le satellite en lui-même doit affronter de nouveaux moyens d'acheminement des chaînes, la TNT d'abord, et surtout la télévision par internet. Tant CanalSat que TPS avaient anticipé ces évolutions en se positionnant sur ces créneaux. Néanmoins, les fournisseurs d'accès à internet ont commencé à commercialiser leurs propres bouquets, en devenant ainsi des concurrents frontaux des bouquets par satellites. En vendant l'abonnement de chaînes thématiques, les fournisseurs d'accès peuvent également vendre des télécommunications téléphoniques à prix réduits, en plus de la connexion à internet évidemment. Cela en fait de redoutables compétiteurs, et avec eux, on ne peut plus douter du fait que même avec des bouquets par satellite fusionnés, la concurrence restera forte.

Même si cette fusion permettra à TPS et à Canal Plus d'être plus forts ensemble, ceux qui en profiteront le plus seront d'abord les consommateurs. En effet, la concurrence était négative pour eux par rapport à la situation antérieure où Canal Plus fournissait à ses abonnés l'intégralité du cinéma et du sport. Avec la concurrence, il y avait plus de contenus, mais il était divisé : un abonné devait souscrire à deux bouquets différents pour avoir tout le cinéma, et tous les événements sportifs. C'était donc bien une dégradation de la situation. Avec la fusion, les abonnés à TPS pourront avoir Canal Plus, et ceux de CanalSat pourront regarder TF1 et M 6 en qualité numérique. Il est donc des cas où la concurrence est défavorable au consommateur, contrairement à ce qu'affirme la doctrine libérale. Et en l'occurrence, on peut se réjouir d'une évolution qui sera favorable tant aux consommateurs qu'aux entreprises concernées.