Lors des universités d'été de l'UMP le week-end dernier, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours conservateur, prônant le respect des maîtres et de l'autorité et remettant en cause l'héritage de mai 68. Ce n'est pas le premier à s'attaquer à cet héritage : Luc Ferry l'a fait longuement avant lui, ainsi que de nombreux intellectuels qui en retour se virent affublés du sobriquet de "néo-réacs". 37 ans après mai 68, il faut bien avouer que le souvenir de ces événements prend une apparence différente. Pour ceux qui y ont participé, mai 68 reste associé à un mouvement spontané, libérateur de la jeunesse, où le foisonnement des idées laissait entrevoir un monde meilleur. Dans l'oeil de l'historien, ce ne sont que des témoignages partiels. A la même époque, une intense agitation sociale avait lieu en Europe et en Amérique. En l'occurrence, le mouvement soixante-huitard était traversé par des influences marxistes, se divisant entre le gauchisme, le stalinisme et le maoïsme. L'affrontement des étudiants contre les forces de l'ordre montrait même une tendance anarchiste. L'héritage de mai 68, c'est avant tout une doctrine permissive, ce qui n'a que peu de rapport avec la vraie liberté.

"Il est interdit d'interdire". Le mot humoristique lancé par Jean Yanne est devenu un slogan terrifiant dans les conséquences de l'idéologie qu'il représente. Une liberté absolue n'a pas de sens, un monde sans loi n'est qu'un monde où règne la loi du plus fort. Le véritable critère pour juger du degré de liberté nécessaire est "la liberté des uns commence là où celle des autres finit". En d'autres mots, à la base il est permis de faire tout ce qui ne gêne pas autrui. D'autres restrictions peuvent être amenées dans les cas où certaines actions nuisent à la personne qui les commet, comme l'usage de la drogue. Mai 68 était loin d'aller dans ce sens. Au contraire, ces jeunes révoltés ont grandi en devenant des adultes parfois irresponsables en développant une culture de la facilité, du refus des contraintes et de méfiance envers toutes formes d'autorités, y compris lorsque cela devait être à leur tour de l'exercer envers leurs enfants. Ceux-ci ont donc grandi avec l'idée que tout était permis, et que s'ils étaient confrontés à un problème, c'est qu'il venait de la société, avant même de se demander quel y était leur rôle. De même, le corps professoral, autrefois marqué par la doctrine radicale qui prônait l'éducation comme moyen de créer des citoyens, est désormais davantage marqué par la doctrine gauchiste, où l'Etat doit absolument tout apporter sur un plateau à chacun, et où d'un point de vue culturel tout se vaut. La tolérance, règle de vie permettant de vivre ensemble, est devenue pour les soixante-huitards un mot d'ordre absolu sans distinction. Une fois qu'ils ont disposé de responsabilités, l'application de cette pensée a permis le développement d'un manque de respect global envers la société, pourtant communauté de tous ceux qui y vivent.

Du reste, ce n'est pas le seul aspect négatif de mai 68. Il en reste également une certaine faiblesse face aux émeutes, une augmentation des salaires inutile, car effacée par l'inflation qu'elle a générée, une culture de la grève et de méfiance envers le secteur privé, et plus généralement envers le travail, ainsi qu'une réforme des universités qui a considérablement affaibli ces dernières. L'éclatement des universités les rend moins visibles à l'international, alors que la question de leur financement n'a toujours pas été réglée. La suppression d'exigences particulières à l'entrée de l'université mis à part l'obtention d'un bac déprécié rend presque inutile les deux premières années de fac, qui servent depuis comme nouveau moyen de sélection des étudiants pouvant accomplir des études longues.

En revanche, les apports positifs de mai 68 apparaissent extrêmement maigres, s'ils existent. Le jugement de l'Histoire apparaît donc sévère pour mai les événements de mai 68 et leurs conséquences. Se rendre compte de cela permet au moins d'avoir la volonté des les corriger.