Le nouveau traité franco-britannique en matière de défense permet d'envisager de nombreux postes d'économie pour les deux pays, notamment en mettant en commun certaines infrastructures, et en faisant jouer des économies d'échelles pour une partie des achats. Les points de collaboration prévus sont nombreux, et celui qui a le plus fait parler de lui est la coopération sur les forces nucléaires. Un autre point important est la décision de favoriser l'interopérabilité entre avions et porte-avions des deux pays. Concrètement, il s'agit déjà d'installer des catapultes sur le prochain porte-avions britannique, le Queen Elizabeth, pour que les avions français puissent y opérer. Les avions des deux armées pourront ainsi utiliser le Queen Elizabeth ou le Charles de Gaulle indifféremment, et à terme la façon d'opérer des flottes d'accompagnement se rapprochera.

Il est néanmoins loin d'être certain qu'un pays accepte d'envoyer son propre porte-avions sur le théâtre d'une crise qui concerne exclusivement l'autre pays. Certes, depuis désormais bien longtemps, les intérêts des deux puissances convergent largement. Mais les questions de souveraineté nationale ne manqueront pas de se poser. En ne disposant que d'un seul porte-avions, un pays ne dispose d'une telle force de frappe qu'une partie du temps. Les périodes d'entretien, faites au port d'attache, sont en effet longues et fréquentes. Normalement, le but est donc d'en avoir deux, pour être sûr d'en avoir toujours un à disposition. C'était jusqu'à présent la politique de la France, avec le Foch et le Clemenceau. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les coûts de construction d'un porte-avions sont exorbitants. L'échelle est le milliard d'euros. Le porte-avions nucléaire français, le Charles de Gaulle a coûté bien cher et l'Etat français est réticent à mettre l'argent d'un deuxième sur la table. Au sein de l'armée, certains craignent que les crédits qui y seraient engagés ne soient trouvés au détriment des autres forces.

Du côté anglais, la question se pose désormais en des termes à peu près semblables. Le gouvernement travailliste avait décidé de construire deux nouveaux porte-avions pour relever ceux arrivant à bout de course. La construction du Queen Elizabeth a ainsi débuté l'an dernier. Mais l'arrivée des tories a changé la donne. Leur volonté de réduire la dépense publique a mis un point d'interrogation sur le deuxième, le Prince of Wales. Aux dernières nouvelles, sa construction devrait bien avoir lieu. Il est en effet bien plus économique de construire deux porte-avions à la suite que d'en construire un. Une annulation renchérirait le coût du Queen Elizabeth, et un tel désengagement serait coûteux en soi. L'idée des tories est donc de construire ce deuxième porte-avions, avant de décider ce qui pourrait en être fait. Une idée est de le vendre. Mais il pourrait aussi être utile militairement à la Grande Bretagne.

On peut en effet envisager que le Prince of Wales (ou quelque soit son nom) serve tant les marines britannique que française. La solution serait alors une forme de garde partagée : équipée de la même façon que le Queen Elizabeth ou le Charles de Gaulle, il pourrait être opéré par les Britanniques ou par les Français indifféremment. Il serait dans ce cas à la disposition du pays dont le porte-avions serait en période de maintenance, de telle manière que la France et la Grande-Bretagne aient toujours chacun un porte-avions immédiatement projetable selon sa volonté. Le coût serait divisé entre les deux pays, ne payant chacun la moitié des frais qu'ils auraient du engager pour obtenir la même prestation seule. Voilà des avantages qui poussent à étudier cette solution. Ce nouveau traité franco-britannique permet au moins d'en envisager l'hypothèse.