Lorsque Fidel Castro a déclaré, en septembre dernier, que "le modèle cubain ne marche même plus pour nous", le monde entier fut surpris. Cela fait en effet 50 ans qu'il tient Cuba sous sa coupe, y ayant implanté un communisme rigide et doctrinaire. L'un des plus grands promoteurs du communisme fait donc aujourd'hui un constat d'échec. Un constat qui, certes, avait déjà été fait par tous ceux qui ne sont pas communistes. Mais le fait qu'un leader communiste finisse par l'admettre si crument, dans une lucidité soudaine et tardive, représente une nouvelle étape. De fait, au cours du demi-siècle précédent, Cuba s'est fourvoyé. La vie politique n'est qu'une dictature, l'économie est désastreuse, la pauvreté forte. L'indépendance voulue par rapport aux Etats-Unis s'est concrétisée par un blocus douloureux. Le cinéaste américain Michael Moore peut vanter le système de santé cubain, cela ne cache pas le désastre d'un pays totalement dépendant des importations de ses partenaires idéologique, le bloc soviétique hier, le Vénézuela aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, la situation est exsangue, le mirage ne peut plus perdurer, des changements sont impératifs.

Les observateurs internationaux ont ainsi interprété la déclaration de Fidel Castro dans un sens particulier. Ce serait une marque d'appui envers son frère Raul, actuellement au pouvoir, qui est en train de mettre en place des réformes économiques. Celles-ci visent à permettre l'initiative privée et à augmenter la productivité des activités cubaines. Il est donc question de l'introduction d'une dose de capitalisme et de libéralisme dans le système cubain. Et pour l'entériner, un nouveau congrès du Parti Communiste Cubain est prévu pour l'année prochaine, alors qu'il n'y en a plus eu un depuis plus d'une décennie. Le fait que les frères Castro soient ceux qui initient ces changements permettront peut-être de faciliter leur acceptation. Mais la libéralisation est quelque chose de risqué pour un système communisme.

La Nouvelle Politique Economique menée par Lénine avait ainsi donné des résultats encourageants, mais fut finalement durement rejetée. Plus récemment, la Perestroika lancée par Gorbatchev était devenue nécessaire par le fait que l'URSS soit dans l'impasse dans les années 80. Mais la conjonction d'un volet d'ouverture politique avec la libéralisation économique a provoqué un souffle tel qu'il a balayé le système communiste. A la même période, Deng Xiaoping lançait également une libéralisation de l'économie, avec des modalités différentes, mais n'hésitait pas à repousser toute ouverture politique. En 1989, la Chine a choisi la répression à Tien'anmen, lorsque la Russie laissait faire la chute du mur de Berlin.

Aujourd'hui, il reste à voir de quelle façon sera faite la libéralisation du système cubain. L'âge avancé des frères Castro pose à court terme la question de leur succession. Ce pourrait être l'occasion de nouvelles institutions, pouvant accompagner la libéralisation économique lancée actuellement. L'idéal serait évidemment que tout se passe dans le calme, avec l'appui tant des structures internes que de la population. La levée de l'embargo américain serait une bonne façon de récompenser une quelconque ouverture politique. Mais ce ne sera que le début. Il y aura tellement à faire pour redresser ce pays...

Photo : Political Kudzu