A l'instar du sommet de Copenhague sur l'environnement, la réunion du G20 à Séoul n'a pas abouti à quoi que ce soit de concret. La séquence a été à peu près la même : les Européens ont été spectateurs de discussions où Barack Obama a tenté en vain de convaincre les Chinois de faire quelque chose qu'ils ne voulaient pas faire. Cela commence à ressembler à un schéma habituel. Ici, la question a été d'ordre monétaire. Le déséquilibre des balances commerciales commence à poser vraiment problème. La balance commerciale américaine est déficitaire vis-à-vis de la Chine, les importations américaines sont donc payées par des dollars que la Chine amasse. Elle les utilise pour acheter des bons du trésor, finançant ainsi le gouvernement américain qui est largement déficitaire. Cela rend forcément les États-Unis mal à l'aise.

Au cours de la dernière décennie, la consommation américaine a été très forte, servant de moteur non seulement à l'économie américaine, mais aussi à l'économie mondiale, via les importations réalisées. Par ricochet, cela a permis à des pays exportateurs de connaître une croissance forte, mais l'on peut se demander ce qu'ils en font. Dans le cas de la Chine, l'argent est utilisé de plusieurs manières. Il y a d'abord l'épargne, en une certaine façon, via l'achat d'obligations d'État et l'augmentation des fonds de réserve en devises étrangères. De nombreuses machines outils sont également achetées à l'étranger. Cela représente un débouché important pour un pays comme l'Allemagne, même si le solde de sa balance commerciale avec la Chine est également déficitaire. La Chine dépense aussi beaucoup pour s'assurer de son approvisionnement en matières premières : pétrole, minerais... En ce qui concerne la nourriture, la Chine n'est pas auto-suffisante, elle est obligée d'en acheter en grande quantité à l'étranger. C'était l'une des causes de la hausse de produits comme le blé ou le lait lors de l'inflation de 2007-2008.

Mais tout cela reste assez faible en fin de compte, et la logique voudrait que le yuan augmente fortement pour compenser un tel déséquilibre entre les importations chinoises et les exportations. La Chine s'y refuse. Les victimes en sont non seulement les autres pays industrialisés, mais aussi la population chinoise. Même si les ouvriers chinois bénéficient d'augmentations salariales chaque année et qu'une classe moyenne se développe, les gains de pouvoir d'achat sont bien plus faibles qu'ils pourraient l'être. En effet, la Chine dispose de réserves financières, les prix des produits de consommation étrangers restent contrôlés grâce à la stabilité du yuan... mais ils ne sont pas achetés, par volonté politique, donc.

Cette consommation manquée pourrait être compensée si une part plus importante du système productif chinois était dédié à satisfaire la demande chinoise plutôt qu'étrangère. Mais cela voudrait dire moins d'exportations et moins de puissance commerciale. En maintenant la consommation chinoise à un niveau inférieur à ce qu'elle pourrait être, non seulement l'inflation demeure à peu près mesurée (limitant les risques de demandes, et donc de troubles politiques provenant de la population), mais la Chine conserve également des moyens de pression sur le reste du monde via les avantages de ses exportations. C'est le cas lorsqu'elle contrôle la dette américaine, ou lorsqu'elle peut se permettre de menacer le Japon de ne plus exporter de terres rares par exemple.

De nombreux pays préfèrent répondre au maximum aux besoins de sa population, sans voir un horizon plus lointain. En Chine, c'est l'inverse. L'État chinois se préoccupe davantage de sa propre puissance au détriment du sort de sa population. On le savait en matière de politique, c'est aussi le cas en matière d'économie.