Hier, Cesare Battisti a été arrêté au Brésil par la police locale, en vertu de mandat d'arrêt international lancé à son encontre, grâce à des informations provenant de la police française. Son extradition est demandée depuis des années par l'Italie, où il a été condamné il y a une quinzaine d'années pour complicité dans le cadre de plusieurs assassinats dans les années 70. En 2004, la procédure avait été enclanchée à son encontre, et il avait été soutenu de façon surprenante par une certaine partie des intellectuels et des personnalités politiques françaises. Aujourd'hui, on retrouve les mêmes pour le défendre et souhaiter qu'il ne soit pas extradé en Italie. Bernard Henri-Levy, Olivier Besancenot, Bertrand Delanoë ou même François Bayrou en font partie, ce dernier déclarant même en tant que candidat à l'élection présidentielle qu'il voulait que Cesare Battisti ait droit à un nouveau procès. Cesare Battisti a pourtant déjà eu le droit à son procès, et on ne peut pas vraiment dire qu'il ait été empêché d'y aller. Son absence était le résultat de sa propre volonté, de sa fuite permanente par rapport à ses responsabilités, à commencer par son évasion des prisons italiennes en 1981. Comment peut-on dire qu'un procès par contumace est injuste lorsque l'inculpé prend la fuite pour éviter de l'affronter ? Du reste, c'est tout de même de l'Italie dont il est question, un pays démocratique voisin membre de l'Union Européenne. Il n'y a aucun doute sur la légitimité de leur système judiciaire, et ce n'est certainement pas à la France de se mèler des affaires juridiques des pays démocratiques amis.

Il est troublant de constater que quelques Français semblent considérer l'Italie comme un pays qui ne serait pas assez mûr pour prendre ses propres décisions quant à son Histoire, ou de la considérer comme un pays qui serait presque dictatorial lorsqu'elle demande à faire appliquer une peine à ses criminels. Dans le cadre de l'Union Européenne, qui n'est constituée que de pays démocratiques alliés les uns aux autres, les procédures d'extraditions devraient être automatiques. Il était ainsi incompréhensible que la Grande-Bretagne ait refusé à plusieurs reprises l'extradition de Rachid Ramda, accusé d'avoir financé les attentats de 1995 en France, faisant que la procédure a duré une dizaine d'années au bout du compte. Et comment la France aurait-elle réagi si l'Italie avait accueillie Yvan Colonna ou Maurice Papon, les considérant comme des "réfugiés" alors qu'ils ont ou avaient à répondre de leurs actes devant la justice française ? La collaboration des polices et des justices européennes doit être un impératif, et à ce titre on peut aujourd'hui prendre comme exemple celle engagée entre la France et l'Espagne pour lutter contre le terrorisme basque.

Peut être faut-il voir dans les polémiques actuelles une certaine bienveillance de certaines personnes envers le terrorisme d'extrème gauche. La "doctrine Mitterrand", discours stupéfiant de l'ancien Président dénué de valeur juridique visant à protéger les criminels communistes italiens, est ainsi mis en avant pour affirmer que la parole de la France est engagée. C'est surtout lorsque la France refuse que la justice italienne fasse son travail, provoquant l'ahurissement de nos amis transalpins, qu'elle est mise à mal aux yeux du monde. Mais ce sont les mêmes qui défendent les anciens terroristes français d'Action Directe. En fin de compte, ce ne serait qu'une énième émanation du complexe de Jean Val Jean, qui consiste à croire que les criminels sont avant tout des victimes de la société, avec comme conséquence de rejeter la Justice.

Enfin, quelle présomption d'innocence peut on vraiment accorder à quelqu'un qui fuit son procès organisé dans un pays de droits ? La procédure par contumace relève alors de sa propre décision. Le cas est similaire à celui d'Yvan Colonna, qui essaie aujourd'hui de se faire passer pour innocent alors qu'il a soigneusement évité une justice pendant des années, alors qu'il aurait pu démontrer plus tôt sa non-implication dans les faits... s'il croyait vraiment que tel était le cas. L'affaire Battisti laisse en tous cas une certaine amertume, au vu de cette partie de l'"intelligentsia" française qui préfère la défense des criminels en fuite au déroulement de la Justice d'un Etat de droits.