Réflexions en cours

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lundi 27 octobre 2008

Une nation européenne ?

Actuellement l'un des plus gros problèmes de l'Union Européenne est le décalage entre les institutions et les citoyens : les premières doivent servir les seconds, mais elle a besoin pour cela de pouvoirs. Ces pouvoirs doivent nécessairement être délégués par les différents Etat, et donc, in fine, par les citoyens de chaque pays. Que se passe-t-il alors, quand les habitants de l'Europe n'estiment plus les institutions européennes légitimes pour agir en leur nom, quand ils ne leur accordent pas leur soutien ? L'action politique est à ce moment considérablement ralentie, rencontrant d'innombrables obstacles à chaque étape. L'Union Européenne devient alors une organisation éloignée, aux motivations obscures, qui en se voulant au service de tous, n'obtient plus la reconnaissance de personne. Le fait est que pour les problèmes dont le niveau de résolution le plus pertinent est l'Europe, il doit y a avoir une prise de conscience d'une communauté d'intérêts entre les différents peuples. Mais cet intérêt général européen n'est pas présent dans les esprits, à l'heure actuelle.

Si l'intervention de l'Etat est mieux acceptée lorsqu'elle est effectuée par un gouvernement nationale, c'est parce que la population a conscience de l'intérêt supérieur du pays dans son ensemble. C'est bien évidemment une conséquence de la notion d'Etat nation, qui, à partir du XIXème siècle, est devenue dominante en Europe. Auparavant, l'horizon était moins clair. A l'époque féodale, nombreux étaient ceux qui restaient attachés aux zones proches de leur villages d'origine, ignorant largement ce qu'il y avait au-delà. Ceux qui avaient des métiers plus mobiles se déplaçaient à travers les régions. Les particularités régionales comme les langues ou patois prédominaient. Seules les personnes les plus hautes dans la hiérarchie sociale concevaient avec aise les relations entre royaumes, parfois entre grosses féodalités comme celles formant le Saint Empire Germanique. En France, même si la monarchie absolue avait considérablement renforcé l'unité de la France en tant que royaume, il fallut attendre la révolution pour que l'idée de nation française prenne toute son ampleur. L'Etat jacobin s'est alors appliqué à réduire l'influence des particularismes régionaux pour fonder une nation unie. Certaines identités locales subsistent largement, toutefois.

Un tel effort de centralisation ne s'est pas forcément vu dans tous les pays. Le fédéralisme est aujourd'hui un système efficace dans de nombreux pays qui n'en sont pas moins considérés comme des Etats-nation. Le peuple des Etats-Unis par exemple forment bien une nation, bien qu'il peut y avoir des différences notables entre les modes de vie d'habitants de Californie du Sud et du Wyoming. Certains événements ont formé des étapes fondatrices à la nation américaine. A l'époque des colonies, cette union n'était pas forcément évidente. Mais la révolte commune contre la Grande Bretagne a forgé un lien solide entre les différents Etats. La guerre de Sécession a achevé en fin de compte définitivement l'édification de cette nation américaine. Dans d'autres régions du monde, la nation reste encore une force politique puissante autour de laquelle continuent de se former des Etats.

C'est donc autour de l'idée de nation que s'assemblent les peuples désirant de prendre en main leur destinée. Alors faut-il penser qu'il doit y avoir une nation européenne pour qu'une politique menée au niveau de l'Europe ait une chance de réussir et d'être soutenue par les citoyens ? Cette fois-ci, il ne serait être question d'un conflit avec un ennemi contre lequel faire l'unité, ou tout du moins, pas un conflit armé. Mais face à certains défis, comme ceux économiques actuels, cela pourrait être possible. Une nation européenne pourrait être capable de dire "Nous, peuples d'Europe", en regard du "Nous, le peuple des Etats-Unis" de la déclaration d'indépendance américaine. Il serait illusoire et même dangereux de vouloir briser de force les différences entre les peuples des différents pays d'Europe. Seule la prise de conscience d'un intérêt supérieur commun est nécessaire.

L'idée de nation européenne a déjà été évoquée par le passé, mais la plupart du temps par des groupuscules à l'influence limitée. Cela ne peut difficilement être le résultat d'une construction purement logique, vu qu'elle serait en même temps artificiel. Une nation ne se construit pas autour d'un simple plan de communication, ou aussi facilement que selon les plans d'apprentis sorciers. Une nation se construit d'abord autour de sentiments, et l'Union Européenne est justement à la base un lieu de rationalité uniquement. Face à une technocratie puissante, l'Europe a besoin de sentiments humains pour se donner l'élan dont elle a besoin. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas. Le chemin pour que cela le soit un jour n'est pas évident non plus. Mais l'idée est digne d'intérêts...

jeudi 9 octobre 2008

L'euro cher

Des pays comme le Danemark ou la Suède rechignent encore à passer à l'euro. Ce n'est pas pour sauvegarder l'indépendance de leur politique monétaire, vu que ces deux pays voient leurs monnaies largement sous l'influence des mouvements de l'euro, la couronne danoise restant même dans des marges d'évolution réduites autour de la monnaie européenne, au sein du mécanisme de taux de change européen. Lors des référendums ayant eu lieu sur l'adoption de l'euro, les citoyens concernés ont justifié leurs refus par la volonté de garder leurs particularismes, dont le symbole est la monnaie nationale, ainsi que par la crainte d'une inflation résultant du changement de monnaie. Cette dernière question est d'autant plus aigüe qu'elle s'appuie sur l'expérience des pays ayant déjà effectué le changement de monnaie. Il peut paraître paradoxal de voir en l'euro un facteur d'inflation : la Banque Centrale Européenne a été construite sur une base doctrinaire clairement monétariste, et les présidents de cette institution n'ont pas laissé de doute sur le fait qu'ils étaient prêts à sacrifier la croissance pour combattre l'inflation.

Seulement, avec le recul, il apparaît bien que sur le moment précis du passage à l'euro, certains prix ont augmenté. Entre le 31 décembre 2001 et le 1er janvier 2002, le prix de journaux quotidiens tels que Le Monde, Libération ou Les Echos est passé de 1,14 euro à 1,20 euro, soit une augmentation de plus de 5 % en une seule nuit. De la même façon, plusieurs petits prix ont subitement augmentés. Les coûts du passage à l'euro ont été très réduits pour les entreprises, ils n'ont pu en rien être un facteur d'inflation instantanée. La volonté d'afficher des prix "ronds" ou psychologiques (qui se finissent par ,99) n'est pas une raison suffisante, dans la mesure où ces ajustements auraient très bien pu se faire à la baisse (le journal Le Figaro a lui profité de l'occasion pour descendre son prix à 1 €). Cette hausse de prix a surtout été l'occasion pour les entreprises de tenter de profiter de la perte de repères des prix des consommateurs pour augmenter leur marge. Les consommateurs ont beau ne pas avoir été dupes, ils n'ont pas eu le choix que de voir ces prix augmenter. Dès lors, les véritables coupables apparaissent : ce n'est pas l'euro qu'il faut blâmer, mais bien les entreprises qui ont opéré un mouvement que l'on pourrait comparer à une vaste escroquerie organisée de façon implicite.

Cette situation n'est possible que parce que la concurrence interne est faible : aujourd'hui les entreprises préfèrent garder leurs champs intacts plutôt que de tenter d'en gagner. L'augmentation du bénéfice d'une entreprise ne saurait se faire ni en améliorant les produits, ni en prenant des parts de marché aux concurrents, mais en forçant le consommateur à payer davantage, qui évidemment, le prend mal. L'euro et l'Union Européenne favorisent néanmoins la concurrence, et celle-ci manque grandement, surtout dans les diverses branches du secteur de la distribution. Pour en profiter, le consommateur doit parfois accepter de changer certaines de ses habitudes qui forment des rentes pour entreprises passives.

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