Réflexions en cours

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jeudi 23 juin 2011

Le difficile chemin de la Serbie vers l'Europe

Avec les arrestations de Ratko Mladic et Radovan Karadzic, la Serbie a levé deux obstacles à une adhésion à l'Union Européenne, adhésion qu'elle recherche. Dans ce genre de conditions, il reste encore Goran Hadzic, l'ancien leader des Serbes de Croatie, qui est toujours recherché par la justice internationale. Une fois qu'il sera capturé, s'ouvrira pour la Serbie... tout un nouveau champ d'obstacles. Sa voisine la Croatie, elle, adhérera bientôt à l'Union Européenne. Les négociations sont désormais bien avancé, et l'adhésion devrait être pour juillet 2013. Ce sera peut-être le dernier pays à adhérer avant longtemps.

Contrairement à la Turquie, la Serbie et les autres pays des Balkans ont vocation à adhérer un jour à l'Union Européenne. Géographiquement, ce sont des pays européens. Ils peuvent donc légitimement aspirer à rejoindre l'Union, qui s'adresse à toute l'Europe. Mais l'Union Européenne subit une crise de croissance. Le Traité de Lisbonne a permis de sortir des difficultés institutionnelles, mais l'adhésion de 10 pays en 2004, puis d'encore deux autres en 2007 a rendu la situation compliquée. Les pays de l'Europe de l'est ont posé de nouveaux défis pour l'esprit européen, en privilégiant l'aspect purement libéral de l'Union plutôt que le projet politique. En acceptant l'adhésion de Chypre alors que ses problèmes géographiques et géopolitiques ne sont pas réglés, l'Europe a fait sienne ces difficultés, sans vrai espoir de règlement rapide. Les adhésions roumaines et bulgares s'avèrent aujourd'hui particulièrement, la criminalité et la faiblesse économique de ces pays les mettent à la marge, et demandent des mesures spéciales pour qu'elles n'impactent pas le reste du continent.

A priori, la Croatie ne posera pas de tels problèmes. Tout laisse actuellement penser que ce nouveau membre sera aussi apprécié que la Slovénie, autre pays de l'ex-Yougoslavie qui a adhéré en 2004 et qui a adopté l'euro en 2007. Pour la Serbie, c'est une autre paire de manches. Culturellement, le pays est assez proche de la Russie (les liens historiques et religieux sont forts). La criminalité y est toujours importante, et l'économie, bien qu'en croissance, reste relativement pauvre. Le PIB par habitant y est faible, et le taux de chômage tourne autour des 14 %.

Enfin, on ne peut pas vraiment dire que la Serbie ait définitivement mis derrière elle toutes les tensions nationalistes qui ont ravagé le pays autrefois. Elle ne reconnait pas le Kosovo, et le souvenir de tous ces conflits entraînent des sentiments équivoques. La Bosnie Herzégovine connait des affres semblables, et on se demande parfois si des déplacements de population ne seraient pas l'ultime solution pour régler définitivement ces questions. Ce fut le moyen employé par les Alliés à la fin de la seconde guerre mondiale pour désamorcer les nationalismes, mais la Yougoslavie y avait échappé en se libérant seule de l'oppression nazie.

En fait la question d'une adhésion serbe se pose surtout car c'est le souhait du Président de la République serbe, Boris Tadic. Il est considéré comme pro-occidental parmi les politiciens serbes, et c'est évidemment vu comme une bonne nouvelle dans l'Europe occidentale, qui l'encourage. Néanmoins, les fondamentaux serbes tiennent ce pays encore très éloigné de l'Union Européenne, et Boris Tadic entame un travail de fond qui prendra certainement encore plus d'une décennie, si tout se passe bien.

lundi 13 juin 2011

Un ministère des finances européen ?

En recevant le très réputé prix Charlemagne, le gouverneur de la Banque Centrale Européenne Jean-Claude Trichet a plaidé en faveur d'un ministère des finances européen. Avec la monnaie unique, la mauvaise gestion des finances publiques d'un pays de la zone euro a des conséquences pour ses voisins : les déficits publics entraînent la création d'emprunts qui mettent à mal la stabilité de la monnaie. Un ministre des finances européen pourrait alors surveiller les budgets des pays de la zone euro et prendre les décisions pour un pays qui serait gravement en difficulté. Et même avant la création d'un tel ministère, Jean-Claude Trichet considère qu'un tel mécanisme devrait être mis en place. Faire gérer ses finances publiques par quelqu'un d'un autre pays a de quoi faire grincer des dents. Le budget de l'Etat est une décision régalienne, et ce serait certainement vu comme une perte de souveraineté sur un élément déterminant de la vie d'un pays.

En soi, le raisonnement n'est pas absurde. Dès le départ, la création d'une monnaie unique pour plusieurs pays a supposé la création d'une direction commune de la politique économique. C'était la raison d'être du Pacte de Stabilité et de Croissance et des critères de convergence inscrits dans le Traité de Maastricht. Ces critères n'ont pas été assez respectés par le passé, et c'est pourquoi on étudie désormais des manières de le rendre plus contraignant. La Grèce, qui pose tant de problèmes actuellement, n'avait de toute façon rejoint l'eurozone qu'en 2001 (contre 1999 pour les autres pays), et cela en falsifiant ses comptes publics. Un ministre des finances européen n'aurait pas vraiment pu mieux s'en rendre compte que les institutions européennes actuelles.

En l'état, il est peu probable qu'une telle innovation institutionnelle puisse être adoptée ces temps ci. La question de la légitimité d'une telle direction européenne se poserait immédiatement. Dans l'idée de la construction européenne, il n'y a pas de vraie perte de souveraineté, mais seulement celle d'un partage de souverainetés. Nous mettons tous ensemble en place des règles communes, qui s'appliquent à nous tous. Là, ce serait une contrainte supplémentaire, considérée comme venue de l'extérieure, et où le pays "repris en main" n'aurait pas grand chose à dire. D'ores et déjà, la Commission Européenne est critiquée pour n'être pas issue de l'expression démocratique (elle est bien plus choisie par le Conseil Européen que par le Parlement Européen)...

Il est facile de critiquer l'euro et les contraintes qu'il apporte. Mais depuis la première guerre mondiale et la disparition de l'étalon-or, la question des changes est un problème économique majeur pour l'ensemble des pays de la planète. Il suffit de voir l'effet qu'ont les variations de l'euro avec le dollar, ou bien la surévaluation du yuan, pour se convaincre que les taux de change flottants sont difficilement une solution pleinement satisfaisante. L'euro a permis une stabilité totale pour le commerce entre pays qui échangeaient le plus les uns avec les autres qui sont en Europe. Il y a encore des difficultés certaines, mais le progrès est là. Ensuite, il faudrait en effet une véritable politique économique commune. Qu'un ministre des finances européens se transforme en père fouettard est néanmoins probablement contre-productif.

A vrai dire, il n'y a pas vraiment d'exemple d'un tel dispositif. Aux Etats-Unis, l'Etat fédéral n'a même pas à se soucier des finances publiques de chacun de ses Etats alors que ceux-ci sont souvent en déficits et endettés. Il est vrai que l'Etat fédéral américain a une autre envergure financière que les institutions de l'Union Européenne. Quoi qu'il en soit, un nouveau bond fédéral en Europe ne saurait se faire sans l'adhésion de la population : plutôt que de le lui imposer, il faudrait que ce soit elle qui le demande.

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