Réflexions en cours

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mardi 29 mars 2011

La panique du castor

Pour de nombreux observateurs, la défaite de la CSU (la première sur plusieurs décennies) dans l'élection de dimanche dernier dans le Bade-Wurtemberg est liée à un soudain regain d'intérêt pour les politiques écologistes. La victoire des Verts s'expliquerait ainsi par la crainte renouvelée de la population envers l'énergie nucléaire, suite aux troubles de la centrale de Fukushima. L'année dernière, Angela Merkel avait décidé dans un climat de politique de prolonger de plusieurs années la durée de vie des centrales nucléaires allemandes. Suite aux événements japonais, elle a fait un violent volte-face en suspendant l'exécution de cette mesure, et en décidant même de mettre à l'arrêt 7 des 17 réacteurs allemands. Peut-être prévoyait-elle déjà les effets électoraux qu'aurait son choix du nucléaire dans l'élection prochaine du Bade-Wurtemberg... Toujours est-il que ce fut bien une décision prise dans la panique et ne se justifiant absolument pas, le tremblement de terre n'ayant aucunement endommagé les installations européennes. Des contrôles de sécurité dans l'immédiat, puis l'implémentation de nouvelles mesures tenant compte des leçons apprises à Fukushima auraient suffi.

La victoire des Verts était de toute façon probable bien avant le tremblement de terre japonais. Cela fait des mois que la capitale de ce Land, Stuttgart, est l'objet d'un conflit intense sur l'opportunité de construire une nouvelle gare souterraine très moderne. Les Verts la rejetaient, la CDU en faisait la promotion, ce qui la rendait très impopulaire. Mais le mouvement de panique d'Angela Merkel montre bien la peur profonde d'une grande partie des Allemands pour l'énergie nucléaire. Les Français en ont un avant goût à l'occasion des convois "Castor" pour le retraitement des déchets nucléaires, entre l'Allemagne et la Hague. Ce sont à chaque fois l'occasion de manifestations et de tentatives de sabotages qui débordent même sur le territoire français. "Castor" est devenu un symbole des liens difficiles de l'Allemagne avec sa filière nucléaire. Et les Verts français se montrent aussi très hostiles au nucléaire.

Les écologistes allemands préfèrent mettre l'accent sur les énergies renouvelables. L'avancée de l'Allemagne en matière d'énergie éolienne est grande, on peut difficilement le contester. Mais c'est le pylône éolien qui cache les cheminées des centrales thermiques. Alors que le débat politique semble être sur le choix entre nucléaire et énergies renouvelables, il s'avère qu'il y a en fait un vrai choix collectif pour les énergies fossiles en matière de production d'électricité. On le voit sur ce graphique :



On le voit, la France a trois fois plus recours au nucléaire que l'Allemagne. L'essentiel de la production électrique allemande vient du charbon, du pétrole et du gaz, ce qui en fait un pays bien plus pollué par le dioxyde de carbone que la France. L'énergie hydroélectrique y est moins développé, les autres sources renouvelables y prospèrent davantage, mais leur poids est bien loin d'être aussi important que le nucléaire ou les énergies fossiles. Les éoliennes sont impeccables sur le plan environnementales, mais l'électricité produite coûte plus cher, et surtout ça ne suffit pas.

En remettant en cause l'énergie nucléaire, l'Allemagne risque donc de dépendre davantage de ses centrales thermiques, hautement polluantes, et aux dangers bien moins contrôlables. Il y a non seulement le réchauffement climatique, mais aussi les dangers sur la santé de la population. C'est certes moins spectaculaire qu'une explosion à une centrale nucléaire, mais il n'est pas certain du tout que ce choix soit meilleur.

Graphique : The Economist

mardi 22 mars 2011

Strasbourg, le combat de trop

Il y a une dizaine de jours le Parlement Européen a voté le regroupement des sessions d'octobre ayant lieu à Strasbourg pour 2012 et 2013. Pour les députés européens, le but est de passer moins de jour dans la capitale de l'Alsace, vu qu'ils préfèrent bien davantage siéger à Bruxelles. Les allers retours entre les deux villes sont coûteux et épuisants pour tous ceux impliqués, c'est vu comme une aberration, un symbole de la gabegie financière que peuvent parfois être les institutions européennes. C'est avec ce genre de choses que les citoyens européens se détournent de la construction européenne. Si la présence du Parlement Européen à Strasbourg est un beau symbole, les grandes transhumances entre Strasbourg et Bruxelles est un symbole particulièrement repoussant. Le Parlement Européen n'a besoin que d'un lieu pour l'ensemble de ses activités.

Les autorités locales de Strasbourg et le gouvernement français déclarent qu'elles feront tout pour empêcher le déménagement du Parlement Européen à Bruxelles. Dans ce cas, ils doivent s'engager pour tout rapatrier depuis la capitale belge. Cette dernière est certainement mieux pourvue en moyens de communication et en capacité hôtelière, entre autres. Mais le statut de la ville est tout de même sujette à quelques questions. Dans les troubles internes que connaît actuellement la Belgique, le rôle de Bruxelles est d'ores et déjà disputé entre les différentes communautés. Peut-être que cette ville est destinée à devenir une espèce de capitale européenne dépourvue de nationalité, ce serait une solution digne du roi Salomon. Après tout, Washington DC au Etats-Unis n'est pas incluse dans l'un des cinquante Etats que connaît le pays.

Le déménagement de l'ensemble des activités du Parlement Européen à Strasbourg est-elle seulement possible ? Déjà, on peut se dire que l'un des rôles de ce Parlement est de contrôler la Commission Européenne, qui restera elle bien attachée à Bruxelles. Ensuite, il semble bien que Bruxelles est préférée par les députés européens. Strasbourg n'est considérée que comme une forfanterie à laquelle la France est attachée, ce qui n'est pas tout à fait inexact. De toute façon, il faudrait désormais prendre une décision assez rapidement, pour que ne s'éternise pas un combat de trop. Il serait ainsi souhaitable qu'à partir de la prochaine législature, toutes les activités du Parlement Européen soient regroupées dans l'une de ces deux villes, même si ce ne doit pas être Strasbourg. Car c'est bien ce qu'exige l'intérêt général, et c'est pour cela que nous faisons la construction européenne.

dimanche 13 mars 2011

Désintégration turque

Devant plus de 10 000 personnes d'origine turque dans la salle omnisports de Düsseldorf, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan déclare qu'ils appartiennent à la Grande Turquie. Il leur dit que leurs enfants doivent apprendre l'allemand, mais qu'ils doivent d'abord apprendre à bien parler le turc. Il exprime à nouveau son rejet de l'assimilation de la communauté turque en Allemagne, considérant que nul ne saurait les arracher à leur culture. Voilà comment le 27 février dernier, un chef de gouvernement étranger a incité des personnes habitant en Allemagne au nationalisme. Ce faisant, il défend bien sûr ce qu'il considère être les intérêts de son propre pays. Mais cela ne rejoint uniquement les intérêts de l'Allemagne. Alors que Angela Merkel a reconnu l'échec du multiculturalisme il y a quelques mois, Recep Tayyip Erdogan s'est positionné comme le leader de la communauté turque en Allemagne, faisant directement la promotion de la coexistence de plusieurs cultures au sein d'un seul pays.

Et ce n'est pas la première fois qu'il agit ainsi. En novembre 2008, à Cologne, il avait déjà incité (en turc) 20 000 de ses ressortissants à ne pas s'assimiler. Il leur recommander de profiter de l'éducation allemande, mais de toujours rester culturellement turc. Quelques jours plus tard, alors que les milieux politiques allemands s'alarmaient de telles déclarations, Recep Tayyip Erdogan poursuivit sa réflexion devant son Parlement à Ankara : "l'assimilation est un crime contre l'humanité". Rien de moins. En avril 2010, il dit la même chose à Paris devant 6 000 Turcs habitant en France. "Personne ne peut vous demander d'être assimilés. Pour moi, le fait de demander l'assimilation est un crime contre l'humanité, personne ne peut vous dire: renonce à tes valeurs". Il en profita pour souhaiter que les prénoms turcs augmentent dans les pays d'Europe.

C'est évidemment totalement le contraire de ce qu'il faut faire et souhaiter. Les pays d'Europe souffrent aujourd'hui justement que les dernières vagues d'immigration n'aient pas pu être assimilées au reste de la population, contrairement aux précédentes. Ce n'est pas un problème de religion ou même d'ethnie, mais bien une question de culture. Et en privilégiant la culture d'origine au détriment de l'adoption de celle du pays d'accueil, nous allons tous devant de terribles incompréhensions dont les conséquences apparaissent chaque jour. C'est déjà suffisamment tragique lorsque c'est par manque de volonté de part et d'autre, mais lorsque cela devient une décision consciente prônée par un pays extérieur, il est difficile de ne pas considérer un tel discours comme un acte hostile.

La culture n'est pas liée à une origine ethnique. La culture est déterminée par le milieu dans lequel on vit. Et pour ceux qui vivent en Allemagne, en France, ou un quelconque autre pays, il est normal qu'ils adoptent la culture de leur nouveau pays. L'assimilation n'est en rien un crime, c'est au contraire un impératif.

mardi 1 mars 2011

Proposition pour le prix Nobel : Vaclav Havel

L'Institut Nobel d'Oslo a reçu 241 propositions pour le prix Nobel de la paix 2011. D'après le directeur de l'Institut, bon nombre de candidatures seraient liées aux révolutions arabes actuelles. Pour le moment, on manque encore un peu de recul par rapport à ce qu'il se passe, et ces révolutions ne sont pas sans quelque violence. Ces révolutions rappellent celles de l'Europe orientale en 1989. Ces dernières sont mêmes un modèle en la matière. La révolution de velours en Tchécoslovaquie fut particulièrement exemplaire, le changement de régime s'effectuant sans qu'il y ait mort d'homme. La rumeur (fausse) de la mort d'un manifestant renforça la mobilisation des manifestants sans que cela tourne à l'émeute pour autant.

La révolution de velours fut donc irréprochable, paisible dans la forme qu'elle a prise, démocrate dans les objectifs qu'elle poursuivait. La présence d'une opposition réfléchie pour encadrer les choses facilita certainement les choses. Alexander Dubcek, l'artisan du Printemps de Prague qui avait été écarté du pouvoir par les communistes à sa suite, se rangea rapidement du côté des protestataires. L'organisation du Forum Civique pris rapidement les événements en main. Il était composé des anciens signataires de la Charte 77, du nom d'un appel d'intellectuels tchécoslovaques à la libéralisation du régime en 1977. L'écrivain Vaclav Havel en premier lieu a été entre ces deux événements un militant politique particulièrement actif, passant plusieurs années en prison pour ses convictions.

Peu après la révolution de velours, Vaclav Havel devint Président de la Tchécoslovaquie, alors qu'Alexander Dubcek devint président du parlement. Celui-ci décéda en 1992. Mais Vaclav Havel resta quatorze ans au pouvoir, supervisant la séparation à l'amiable entre la République Tchèque et la Slovaquie en 1992, et menant les négociations de l'adhésion de la République Tchèque à l'Union Européenne jusqu'à son départ de la présidence en 2003. Depuis, il a repris sa carrière d'auteur. Peut-être mériterait-il d'ailleurs le prix Nobel de littérature. Mais ce qui est sûr, c'est qu'au vu de tout ce qu'il a fait pour la paix dans son pays et en Europe, il mérite le prix Nobel de la paix. C'est même étonnant qu'il ne l'ait pas déjà reçu jusqu'à présent. Il est probablement proposé depuis plusieurs années aux membres de l'Institut Nobel. Mais s'il faut être terre à terre, rappelons qu'il a déjà 74 ans, et que le prix Nobel ne peut être décerné à titre posthume.

Ce serait donc une très bonne idée si le prix Nobel de la paix pouvait lui être décerné rapidement. Le pacifisme de la révolution dont il fut l'une des âmes serait un modèle pour toutes les révolutions actuelles dans les pays arabes. Et son combat pour les libertés en pays communiste serait également un exemple pour les activistes chinois ou nord coréens. Un prix Nobel serait le meilleur moyen pour montrer que les idéaux de Vaclav Havel continuent de résonner aujourd'hui.

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