Réflexions en cours

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jeudi 18 octobre 2007

L'Europe des régions

L'Europe héberge un nombre incroyable de nationalismes régionaux. Depuis l'établissement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui apparaissait en filigrane de la première guerre mondiale, l'heure n'est certes plus aux immenses empires multi-ethniques comme l'était celui d'Autriche-Hongrie, mais il existe toujours des mouvements pour diviser les pays en petits morceaux, afin de correspondre à telle ou telle identité régionale. Cela se passe par exemple en Grande-Bretagne, que certains Ecossais voudraient bien quitter pour créer un Etat écossais indépendant. C'est encore plus visible en Belgique, qui semble plus que jamais menacée de se séparer en deux ou en trois. La Yougoslavie n'en finit plus de se morceler, alors que le Kosovo et le Monténégro sont très tentés de se couper définitivement de la Serbie. Même en Italie, la solidarité entre le Nord et le Sud ne paraît plus être une évidence. La France n'est évidemment pas éloignée de cette tendance, même si elle a fini par s'habituer au bruit de fond produit par les indépendantismes corses/bretons/basques, etc. Les Basques posent d'ailleurs un problème autrement plus grave en Espagne, vu qu'il existe des organisations politiques et terroristes pour œuvrer dans ce sens. Nombreux sont ceux qui considèrent le cas du divorce à l'amiable Tchécoslovaque comme un modèle, et souhaiteraient que leur territoire puisse accéder à l'indépendance de la même façon.

Il faut néanmoins noter qu'en Tchécoslovaquie, un tel divorce fut possible parce que les entités étaient à peu près semblables, aucune ne croyant dominer l'autre. Mais la solution privilégiée pour l'instant est l'établissement de statuts autonomes pour les régions qui souhaitent s'éloigner d'un pouvoir central ne les représentant pas assez bien à leur goût. L'Allemagne est fédérale depuis la dernière guerre mondiale, cette organisation s'est bien appliquée aux Länder venant de la RDA, et aujourd'hui la Bavière est très heureuse de ses particularismes locaux par exemple. En Espagne aussi, le modèle est fédéral, ce qui garantit une autonomie conséquente à chacune de ses régions (appelées justement communautés autonomes). En France, s'il y a un mouvement de régionalisation, aucune région n'est vraiment autonome pour autant. Du reste, l'autonomie ne semble pas toujours suffit, comme on le voit chez les Basques et les Flamands. Alors l'hypothèse de nouveaux Etats en Europe ressurgit, ce qui peut sembler paradoxal alors que le projet de construction européenne a justement pour objet de rassembler les pays sur des dossiers qui nécessitent une coopération extra-nationale.

Un concept théorique possible permettant de concilier les deux tendances serait la mise en place d'une Union Européenne fédérale, qui regrouperait non pas de grands Etats, mais seulement les différentes régions, de tailles similaires, à travers l'Europe. Régions françaises, Länder allemands, communautés autonomes espagnoles, Wallonie, Flandres... Il y aurait des dizaines de ces ensembles à regrouper de cette façon. Et ce d'autant plus qu'ils existent déjà à l'heure actuelle. De fait, cela équivaudrait à une quasi-disparition des Etats regroupant ces régions. Ce serait un autre tort, car l'Histoire a montré que les nations divisées mettaient beaucoup d'énergie à se regrouper. Alors que l'Autriche-Hongrie était un attelage instable, la Prusse, la Bavière et de nombreuses principautés travaillaient à reconstituer l'unité allemande, pendant le XIXème siècle. Il est donc certain que le concept d'Europe fédérale des régions n'est pas viable, mais l'idée de la coopération directe entre les institutions européennes et ces mêmes régions demeure. Et existe déjà, dans une certaine mesure, via les fonds régionaux d'aménagement, l'un des principaux budgets de l'Union Européenne. Face à ces indépendantismes récurrents, cela peut être une voie à explorer avec plus de profondeur.

mercredi 10 octobre 2007

Le principe de subsidiarité

L'un des thèmes qui avaient fait débat lors du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen était le principe de subsidiarité. Celui-ci veut qu'un échelon dans les administrations (ville, pays, Union Européenne, etc.) ne s'occupe d'une question que si les échelons inférieurs sont incapables de le résoudre. Ce principe est presque indissociable des raisons qui poussent justement à la construction européenne : le but est que les pays travaillent sur des politiques communes dans les domaines où, isolés, ils seraient moins efficaces. Ce qui en découle est donc que l'Union Européenne n'a pas à se préoccuper de sujets où une action nationale suffirait. Pourtant, le travail de la Commission Européenne est souvent considéré comme intrusif, ses décisions s'appliquent aux pays comme des ordres tombés du ciel, dont on connaît peu les tenants et les aboutissants. Ce peut être la conséquence d'une mauvaise information vis-à-vis des processus de décisions européens, mais bien souvent, la justification de l'action de la Commission Européenne est floue, et se pose alors la question "En quoi est-ce que cela les regarde ?".

L'Union Européenne voit ses compétences divisées entre les compétences exclusives (dont les Etats ne s'occupent pas), et les compétences partagées (où elle a prééminence sur les Etats). Les compétences exclusives concernent ce qui fait d'elle un marché unique (tarif extérieur, réglementation sur le libre échange interne, concurrence) ainsi que la politique de la pêche. Les compétences partagées sont plus nombreuses, et si elles sont prises dans le sens le plus large, concernent à peu près tout. La Commission Européenne dispose du droit d'initiative, ce qui signifie qu'elle peut agir dans un domaine si elle estime que cela va dans le sens de l'intérêt communautaire, et si cela respecte justement le principe de subsidiarité. Mais c'est elle qui juge si ce principe est respecté. Or avec l'extension de l'Union, il faut trouver un poste de commissaire pour les représentants de chaque pays dans la Commission Européenne. Quitte à créer des domaines d'intervention parfois un peu artificiels. Les commissaires qui sont à de tels postes ont alors comme préoccupation de vouloir prouver l'utilité de leur portefeuille, pour justifier leur existence. Ce qui engendre une inflation réglementaire bien peu encline à respecter le principe de subsidiarité.

Présent dans les textes communautaires depuis le Traité de Maastricht, le principe de subsidiarité aurait du être gravé dans le marbre via le Traité Constitutionnel Européen. Seulement cela n'aurait pas suffi pour autant, dans la mesure où il est nécessaire que la subsidiarité des actions entreprises soit contrôlée pour éviter les dérives. Cela peut être par exemple le rôle du Parlement Européen, qui dispose encore de trop peu de pouvoirs face à la Commission Européenne. Le but étant bien de garantir que les décisions prises soient le plus proche possible du citoyen, au niveau le plus adapté. Paradoxalement, cela peut justement être un moyen de rapprocher les Européens des institutions européennes : en prenant peut-être moins de décisions, mais qui s'imposent davantage par leur pertinence.

jeudi 4 octobre 2007

Relancer l'Europe

A l'occasion des cinquante ans de l'Union Européenne en mars dernier, l'opportunité de porter un regard attentif sur chacun des pays la composant se faisait jour. Le but étant de mieux comprendre les problématiques de ces différents pays pour envisager les pistes d'évolution de l'Union Européenne. Ce tour de l'Europe ayant été pratiquement réalisé sur ce blog, l'heure est à en tirer les leçons, pour ensuite envisager des pistes possibles. Evidemment, les leçons apprises ne sont pas vraiment de grandes révélations, et il n'y a pas de chemin qui résoudrait tout de façon magique dans la construction européenne. On remarque tout de même que les pays qui forment l'Union Européenne peuvent être classés en trois catégories quant à leurs aspirations. Il y a d'une part ceux qui se félicitent avant tout de la zone de libre échange qu'elle représente, et encourage la Commission Européenne à se concentrer sur son travail de dérégulation, poursuivant ainsi la politique libérale que ces pays mettent en œuvre à domicile. Les pays que l'on retrouve dans cette catégorie sont la Grande Bretagne, les pays de l'Europe de l'est et dans une certaine mesure les Pays-Bas. Ils s'opposent nécessairement aux pays qui sont en faveur d'une intégration fédérale, où l'Union Européenne aurait davantage de compétences pour qu'il y ait des politiques communes et donc plus efficaces en de nombreux domaines. Il s'agit là de pays comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, qui ont une véritable foi envers le projet européen. Il y a aussi des pays à la position plus incertaine : la France ne souhaite certainement pas une Europe exclusivement libérale, mais peine à se conformer aux politiques communes qu'elle favorise souvent. C'est alors une conception de l'Europe où chaque pays vient défendre son intérêt particulier qui prévaut, où le but est de recevoir plus que ce qui est donné.

Comment s'étonner, alors, que la construction européenne soit un projet qui aujourd'hui semble largement essoufflé ? Certes, le nouveau traité institutionnel devrait permettre dans peu de temps de sortir l'Union Européenne de l'impasse où les rejets français et néerlandais du Traité Constitutionnel l'avaient envoyée, mais le manque de perspectives du projet européen semble aujourd'hui flagrant. C'est la conséquence de deux maux : le manque de consensus sur le but à atteindre de l'Union Européenne d'une part, et l'éloignement des institutions européennes vis-à-vis du reste de la population d'autre part. Ces maux sont suffisamment profonds pour bloquer la construction européenne pour la décennie à venir, voire au-delà. Raison de plus pour les prendre à bras le corps, et à entamer une réflexion sur d'éventuelles solutions possibles. Sont-ils dépassables, et si oui, comment ? D'une manière générale, quelles peuvent être les pistes d'évolution de l'Union Européenne ? Heureusement, le champ des possibilités reste immense.

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