Au 1er janvier 2011, l'Estonie rejoint l'euro, et est le premier des pays baltes à adopter la monnaie unique. Pour cela, elle a du scrupuleusement observer les critères de Maastricht, et sa dette publique, à environ 8 % du PIB, laisse rêveur bien d'autres pays qui seraient déjà content de n'en avoir que 60 %. Il n'y a pas de secrets, ces bons résultats s'expliquent par la rigueur budgétaire pratiquée par l'Estonie. Elle sera heureuse à l'avenir de ne pas avoir à payer les conséquences de dépenses inconsidérées de sa part. Pour les pays qui utilisent déjà l'euro depuis plusieurs années, cette nouvelle entrée est l'occasion de souhaiter la bienvenue au club, la zone euro. Cette nouvelle étape permettra à l'Estonie d'avoir son mot à dire dans les réunions de la Banque Centrale Européenne (BCE), et permet également la concrétisation de l'euro pour la population, via le changement des pièces et des billets.

Pour le reste, l'Estonie bénéficiait déjà des avantages (et incidemment des contraintes) de l'euro auparavant. En s'inscrivant dans le mécanisme de taux de change européen (MCE II) en juin 2004, elle s'engageait déjà à faire converger ses fondamentaux économiques (tels que la dette publique ou l'inflation) avec ceux de la zone euro, dans le but que son ancienne monnaie, la couronne, ne varie que dans une fourchette de plus ou moins 15 % vis-à-vis de l'euro (par rapport à un cours pivot). Dans les faits, la réussite d'une telle politique lui garantit une stabilité effective de sa monnaie, la couronne ne fluctuant plus que très peu par rapport à la monnaie unique. Avoir la même monnaie permettra à l'Estonie de ne plus avoir à se soucier de changes du tout.

On peut d'ailleurs remarquer que d'autres pays ont arrimé leur monnaie à l'euro pour bénéficier d'une excellente stabilité. Les autres Etats baltes, la Lituanie et la Lettonie, ont rejoint le MCE II respectivement en 2004 et 2005, voyant leur monnaie ne varier que de moins d'1 % dans les faits par rapport à l'euro. Le Danemark, qui avait spectaculairement rejeté l'adoption de l'euro par référendum, en bénéficie tout de même largement, étant présent dans le MCE II. La conservation de sa monnaie est en fin de compte de l'ordre du symbole, le principal problème étant que le Danemark subit les décisions de la BCE et ne peut y prendre part. D'une manière générale, de nombreux pays en quête de stabilité financière ont pris l'initiative de fixer le cours de leur monnaie à l'euro. Et cela démontre bien la réussite de l'euro.

Bien que très critiqué, il faut en effet le dire : l'euro est une formidable réussite. Il permet des transactions bien plus faciles, de ne plus soucier des taux de change, que l'on soit une entreprise, un voyageur ou un consommateur qui achète à l'étranger. Bien sûr, l'euro est une source de soucis politiques pour les pays qui l'ont adopté, mais chaque pays doit se soucier de sa monnaie. L'autre monnaie de référence, le dollar, connaît ses propres problèmes avec les déficits gigantesques des Etats-Unis. Et bien que les difficultés actuelles de l'euro soient réelles, il n'y a pas lieu d'avoir des réactions exagérées comme certaines sont dans l'air. L'euro ne s'écroulera pas car aucun pays n'y a intérêt. Il y a toujours eu des problèmes de taux de change, contre lesquels on a chaque fois voulu se prémunir de différentes façon.

Ce fut d'abord en visant une convertibilité fixe avec l'or, puis en fixant le cours des monnaies avec le dollar. Avant l'euro, les crises monétaires se soldaient par des dévaluations qui n'avaient rien de solutions vraiment enviables à long terme. Aujourd'hui, à l'heure où les cours de change flottants mettent en exergue la folie des marchés financiers, l'euro est un rempart qui déplace à distance ce genre de problèmes. Comme toujours, on peut se plaindre, mais il reste que cette vertu n'est pas assez reconnue. En fin de compte, les variations brutales de l'euro avec le dollar sont la principale difficulté actuelle, illustratrice de la nature irrationnelle des marchés financiers. Alors que ce fut autrefois le cas, on ne peut que regretter qu'il n'y ait plus une certaine stabilité à ce niveau-là.