En matière de gestion de patrimoine, un adage couramment répété est que la bourse peut être risquée et très volatile à court terme, mais qu'elle restera le placement aux meilleures performances à long terme. Le secret de la réussite serait alors de garder ses valeurs en portefeuille suffisamment longtemps, un laps de temps elles varieront beaucoup, subiront parfois des chutes importantes, mais qu'au final le gain restera tout de même notable. Mais il faudrait savoir dans ce cas quel est exactement le long terme dont il est question. Car lorsque l'on observe avec recul les performances passées de la bourse, c'est une autre histoire qui se joue.

A la dernière clôture enregistrée à la bourse de Paris, le CAC 40 était ainsi de 3865 points. C'est d'ores et déjà moins qu'il y a un an, où il était à 4045 points. Et en regardant plus loin, on s'aperçoit que sur les deux dernières décennies, l'indice phare de la place de Paris a monté et baissé de façon importante, pour toujours se retrouver dans les mêmes eaux où l'on se trouve actuellement. Pour s'en convaincre, quelques exemples : le 30 mars 1998, le CAC 40 arrivait à 3875 points pour la première fois. En presque 13 ans, le CAC 40 a donc... perdu 10 points. Si l'on s'en tient au 13 années pile, le 7 janvier 1998, on était à 2954 points, ce qui représente donc une croissance moyenne annuelle de 2,05 %. En comparant avec un investissement sans risque, le livret A, on se rend compte que celui-ci à l'avantage, avec un taux annuel moyen tournant autour des 2,7 % sur la même période.

Et le CAC 40 a tellement oscillé sur la dernière décennie que la plupart des comparaisons lui sont défavorables. Il y a 10 ans pile, le CAC 40, en pleine bulle de la "nouvelle économie", était à 5539 points (le plus haut sera de 6922 en septembre 2000). Nous sommes évidemment dans le rouge en comparaison. En fait, par rapport à chaque point de repère depuis début 1997, la performance actuelle sera soit en retrait, soit faible par rapport au temps passé. Le CAC 40 tournait autour des 2400 points en janvier 1997, il y est retourné à deux occasions, d'abord en mars 2003, puis plus récemment en mars 2009. Lorsqu'il a dépassé les 6000 points, c'était à chaque fois annonciateur de chute imminente. La fourchette reste donc la même. Où est la croissance durable à long terme ? 13 ou 14 ans ne suffisent pas ?

Ce n'est donc pas la durée le problème. Bien sûr, il faudrait aussi tenir compte du niveau des dividendes pour juger au mieux de l'argent généré par un placement en actions. Mais en finance, une action qui s'apprécie mais ne verse pas de dividende pourra être considérée comme rentable quand même. Et vue les variations extrêmes de celles-ci, et le caractère incertain du niveau de dividende, celui-ci apparaît un peu comme le parent pauvre de la valorisation. Et surtout, lorsque l'on juge de la performance d'un placement, on actualise ses revenus en fonction non seulement du temps, mais aussi du risque pris. Alors si les actions sont moins ou autant performantes qu'un placement sans risque, cela ne vaut plus le coup du tout.

Apparaît alors une autre réalité : dans bien des cas, la vraie façon de gagner en bourse est d'être actif, ce qui veut dire observer attentivement des arbitrages à faire dans le portefeuille pour tenter de surperformer le marché (ou en tout cas gagner davantage que ce que l'indice de référence le laisserait supposer). Ce qui veut tout bêtement dire spéculer à la hausse ou à la baisse... On comprend mieux dans ce cas l'importance prise dans les salles de marchés de produits financiers complexes, ou de méthodes de trading sophistiquées.

Quoi qu'il en soit, la conclusion est donc l'inverse que le présupposé initial. La bourse n'est pas forcément le meilleur des placements à long terme, le risque pris n'en vaut pas la chandelle à long terme, et les actions sont avant tout un moyen de parier son argent sur des durées plus courtes. Les entreprises ont pourtant besoin de financements et d'investisseurs. Les variations erratiques de ces cours de bourse sont par ailleurs en bonne partie plus le résultat de ces mouvements brusques de capitaux sur les différentes actions que de transformations majeures de chacune de ces entreprises à chaque année. Les cours évoluent plus vites que les situations des entreprises, quelque soit le sens. Au bout du compte, les entreprises et les investisseurs à long terme ne peuvent que regretter cette démence financière, et le fait que la variation de la valeur de l'action prenne le pas sur le dividende, le revenu normal d'un investissement dans une entreprise.