La nouvelle loi hongroise sur les médias a suscité l'émotion à travers l'Union Européenne, de nombreux pays s'inquiétant ouvertement d'une loi liberticide. Cette agitation se produit au moment précis où la Hongrie récupère la présidence de l'Union Européenne. C'est en fait un exercice récurrent, puisqu'il se trouve fréquemment un pays pour jouer au mouton noir (ou à qui on fait jouer ce rôle). On se souvient par exemple comment la présidence tchèque du premier semestre 2009 fut marquée ses propres démons. L'Autriche, autrefois, se plaça également dans cette position avec l'épisode Jörg Haider. Un de ces pays dont on n'entend plus parler est la Pologne. Il y a quelques années, la Pologne s'était placée en mauvais élève de la construction européenne, le pouvoir polonais en place pourrissant les sommets européens de la même manière qu'il menait une politique erratique à l'intérieur de ses frontières. Les jumeaux Kaczynski, s'étant emparés de la Présidence de la République et du poste de Premier ministre, s'étaient embarqués dans un programme conservateur idéologique, qui n'a en fin de compte rendu service à personne.

Exténués par un flot ininterrompu de polémiques absurdes, telles que la chasse aux sorcières communistes, les électeurs polonais ont choisi de ne pas renouveler leur confiance dans le parti Droit et justice lors des élections législative de 2007, ce qui permit au leader du parti plus modéré Plateforme civique, Donald Tusk, de remplacer Jaroslaw Kaczynski au poste de Premier ministre. La cohabitation avec le Président, Lech Kaczynski, n'était pas des plus simple. Celui-ci continuait à poser des difficultés au niveau européen, notamment lorsqu'il s'est invité à un sommet contre l'avis de son Premier ministre, et força le ministre des Affaires étrangères à lui laisser son siège. Son mandat arrivait à échéance en 2010, et ses chances de réélections étaient minces. L'accident d'avion dont il fut la victime poussa naturellement son frère à reprendre le flambeau, et à se porter candidat à sa place. Il ne bénéficia pourtant pas de la vague d'émotion que la mort de Lech avait entraîné, et c'est à nouveau le candidat de la Plateforme civique, Bronisław Komorowski, qui l'emporta.

Depuis, la Pologne ne fait plus parler d'elle. Il s'avère que c'est plutôt bon signe. Au niveau intérieur, la Pologne connaît une croissance économique appréciable, et le climat politique s'est un peu assaini du fait que Jaroslaw Kaczynski ne bénéficie plus d'une tribune aussi élevée pour manifester ses aigreurs. Au niveau extérieur aussi, la transformation est spectaculaire. La Pologne a un rôle constructif dans l'Union Européenne, et ses relations avec l'Allemagne et la Russie se sont un peu améliorées. Bien sûr, des siècles de méfiance ne se lèvent pas facilement, comme le révèle encore le mauvais accueil fait au rapport russe sur l'accident d'avion de Lech Kaczynski, mais au moins la Pologne souhaite discuter plus calmement.

Si l'Europe est prompte à pointer du doigt des canards boiteux, on peut également se réjouir lorsqu'un pays progresse discrètement. Et à ce niveau là, on ne peut que remarquer que la plupart des pays de l'Europe de l'est ont quand même fait un travail de reconversion fantastique depuis la chute de l'empire soviétique. Ils ont, il est vrai, été bien aidés par l'Union Européenne, et la Pologne encore plus que d'autres. Et au sujet de la Hongrie qui préoccupe actuellement, il y a des raisons d'être également optimiste. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, est un homme habile et expérimenté, qui sait défendre des positions fermes de façon bien plus raisonnable que ne le faisaient les frères Kaczynski en Pologne. C'est déjà ça.