La CED, une occasion manquée
Par xerbias, dimanche 4 novembre 2007 à 12:37 :: Europe :: #236 :: rss
Au début des années 50, Jean Monnet lança l'idée d'une mise en commun des forces militaires européennes alors que les risques de conflit avec le bloc de l'est étaient extrèmement élevés. L'idée était d'une part d'avoir une alliance très solide entre pays d'Europe occidentale, et d'autre part de permettre le réarmememnt de l'Allemagne en mettant son armée sous un contrôle commun. Ainsi, en même temps que se mettait en place la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) entre la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, une union militaire européenne était en construction entre ces mêmes pays à travers ce qui devait s'appeler la Communauté Européenne de Défense (CED). La discussion sur ce sujet commence en 1950, pour arriver à un accord entre gouvernements le 27 mai 1952. A cette époque déjà , la CED est placée dans le cadre des institutions de la CECA, et fait partie du plan plus vaste que représente l'OTAN, l'alliance de tout le bloc occidental.
Le plan est prometteur, mais s'avère finalement trop ambitieux. En effet, le débat sur l'entrée dans la CED est vif en France, et à l'époque de la IVème République, c'est à l'Assemblée Nationale que se déroulent les échanges verbaux musclés. Si les chrétiens démocrates et une partie des socialistes et des radicaux s'activent en faveur de la ratification du traité en question, les députés communistes luttent contre, principalement parce que l'objectif final est d'avoir les moyens de lutter contre les soviétiques. Ils sont rejoints en cela par les gaullistes, qui souhaitent préserver la souveraineté de la France sur son armée. Même si la France a obtenu de pouvoir ne déléguer qu'une partie de ses troupes à la CED, le fait que la structure soit placée sous commandement américain à travers l'OTAN s'avère fâcheux. Et pour beaucoup de Français, la perspective de réarmer l'Allemagne alors que les souvenirs de la guerre sont encore si frais n'a rien d'évident. C'est ainsi que la CED finit par être repoussée par la France en 1954, et à l'instar de ce qu'il se passera pour le Traité Constitutionnel Européen 50 ans plus tard, c'est tout l'édifice qui s'effondre.
Evidemment, l'Allemagne n'est pas empêchée de se réarmer pour autant. C'était d'une part nécessaire dans le cadre de la guerre froide, et il fallait de plus sortir de ce cadre de défiance entre elle et la France pour faire avancer la réconciliation. Mais la principale victime de l'affaire est la perspective même de politique européenne de la défense. Certes, celle-ci n'a rien d'évident. Et cela d'abord car rares sont les situations de politique étrangère où tous les pays européens parlent d'une même voix, chacun étant tributaire de sa propre tradition dipolomatique et d'impératifs de politique intérieure. Mais il reste que l'idée de politique européenne de défense est pertinente, dans ce qu'elle peut permettre d'atteindre plus facilement une masse critique suffisante en terme de troupes, de faciliter les programmes d'investissements en recherche et en investissement, ou bien d'amplifier la voix de l'Europe qui est bien faible quand elle est divisée sur la scène internationale. Aujourd'hui, chaque armée européenne reconnaît la nécessité d'une mise en commun des forces militaires. Pourtant, si celle-ci est actuellement possible, c'est surtout dans le cadre de l'OTAN, qui reste l'instrument des Etats-Unis. Un instrument qui peut parfois avoir sa pertinence, mais qui limite l'indépendance de l'Europe.
Aujourd'hui, comme à l'époque de la CED, la question de l'OTAN reste donc centrale dans la définition d'une politique européenne de défense. C'est d'ailleurs l'occasion de constater que la question a en fin de compte peu avancé en 50 ans. A ce titre, la CED représente une belle occasion manquée, au vu du retard qui s'accumule sur une problématique pourtant pas négligeable. A l'heure où les institutions européennes semblent devoir se stabiliser après le Traité de Lisbonne, il est temps de travailler sur certains des grands dossiers de politique européenne qui ont été trop oubliés par le passé. La politique européenne de défense en fait partie.
Le plan est prometteur, mais s'avère finalement trop ambitieux. En effet, le débat sur l'entrée dans la CED est vif en France, et à l'époque de la IVème République, c'est à l'Assemblée Nationale que se déroulent les échanges verbaux musclés. Si les chrétiens démocrates et une partie des socialistes et des radicaux s'activent en faveur de la ratification du traité en question, les députés communistes luttent contre, principalement parce que l'objectif final est d'avoir les moyens de lutter contre les soviétiques. Ils sont rejoints en cela par les gaullistes, qui souhaitent préserver la souveraineté de la France sur son armée. Même si la France a obtenu de pouvoir ne déléguer qu'une partie de ses troupes à la CED, le fait que la structure soit placée sous commandement américain à travers l'OTAN s'avère fâcheux. Et pour beaucoup de Français, la perspective de réarmer l'Allemagne alors que les souvenirs de la guerre sont encore si frais n'a rien d'évident. C'est ainsi que la CED finit par être repoussée par la France en 1954, et à l'instar de ce qu'il se passera pour le Traité Constitutionnel Européen 50 ans plus tard, c'est tout l'édifice qui s'effondre.
Evidemment, l'Allemagne n'est pas empêchée de se réarmer pour autant. C'était d'une part nécessaire dans le cadre de la guerre froide, et il fallait de plus sortir de ce cadre de défiance entre elle et la France pour faire avancer la réconciliation. Mais la principale victime de l'affaire est la perspective même de politique européenne de la défense. Certes, celle-ci n'a rien d'évident. Et cela d'abord car rares sont les situations de politique étrangère où tous les pays européens parlent d'une même voix, chacun étant tributaire de sa propre tradition dipolomatique et d'impératifs de politique intérieure. Mais il reste que l'idée de politique européenne de défense est pertinente, dans ce qu'elle peut permettre d'atteindre plus facilement une masse critique suffisante en terme de troupes, de faciliter les programmes d'investissements en recherche et en investissement, ou bien d'amplifier la voix de l'Europe qui est bien faible quand elle est divisée sur la scène internationale. Aujourd'hui, chaque armée européenne reconnaît la nécessité d'une mise en commun des forces militaires. Pourtant, si celle-ci est actuellement possible, c'est surtout dans le cadre de l'OTAN, qui reste l'instrument des Etats-Unis. Un instrument qui peut parfois avoir sa pertinence, mais qui limite l'indépendance de l'Europe.
Aujourd'hui, comme à l'époque de la CED, la question de l'OTAN reste donc centrale dans la définition d'une politique européenne de défense. C'est d'ailleurs l'occasion de constater que la question a en fin de compte peu avancé en 50 ans. A ce titre, la CED représente une belle occasion manquée, au vu du retard qui s'accumule sur une problématique pourtant pas négligeable. A l'heure où les institutions européennes semblent devoir se stabiliser après le Traité de Lisbonne, il est temps de travailler sur certains des grands dossiers de politique européenne qui ont été trop oubliés par le passé. La politique européenne de défense en fait partie.
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