Au cour du mandat de George W. Bush, le néo-conservatisme aura été une force idéologique de premier plan, réussissant à lancer une guerre en Irak alors qu'elle n'était amenée par aucun fait de guerre direct. Les néo-conservateurs sont un courant de pensée puissant, pas forcément dominant dans la population américaine, mais remarquablement bien introduit parmi ses élites. Leur vision du monde part sur la base d'un refus du relativisme moral : ils considèrent que le mal et le bien existent en tant que tels, qu'il est possible de discerner entre les deux, et qu'il faut appliquer le bien contre le mal. Ce qui relève du bien, c'est le droit au bonheur, la liberté, la démocratie... bref, ce qui fait la société américaine. Celle-ci est donc un modèle pour le monde, et les Américains ont comme mission de faire partager leur mode de vie aux pays subissant des dictatures. A ce titre, le rayonnement des Etats-Unis est indispensable pour influencer les autres pays à les suivre, et l'Amérique doit même oeuvrer pour renforcer son hégémonie, et ainsi constituer une force d'attraction suffisante pour entraîner le monde entier derrière elle.

D'un point de vue politique, le néo-conservatisme s'est d'abord constitué dans le cadre de la guerre froide, pour lutter contre l'immobilisme prévalant face à l'URSS. Les néo-conservateurs prônaient la prise d'initiative face à la menace soviétique, et n'hésitaient pas à considérer l'usage de la force militaire comme nécéssaire pour atteindre des buts justes. Ils ne croient d'ailleurs pas au multi-latéralisme, facteur d'inaction et de compromission. Les néo-conservateurs sont idéalistes dans la mesure où ils refusent de laisser leurs idéaux entâchées et où ils considèrent que chaque pays suit le chemin du progrès, mais ils se veulent également réalistes sur les moyens d'arriver à leurs fins, en pensant que seul le rapport de force est de nature à sécuriser des avancées avec les dictatures. Ronald Reagan, en augmentant le budget militaire américain dans les années 80, est ainsi crédité de l'effondrement du bloc soviétique qui n'a pu suivre cet effort.

Après le succès face aux soviétiques, les néo-conservateurs semblaient ne plus avoir d'ennemi. Mais il restaient encore bien des dictatures hostiles aux Etats-Unis à travers le monde. L'Irak, l'Iran, la Corée du Nord, l'Afghanistan, la Lybie... Ils surveillaient chacun de ces pays. La montée de l'islamisme leur a fait prendre conscience d'une nouvelle menace contre le monde libre, et c'est ainsi qu'ils ont pu s'imposer au lendemain du 11 septembre 2001. Et aujourd'hui encore, s'ils ont obtenu que les Etats-Unis agissent directement contre les "Etats voyous", ils ne se méfient pas moins de pays plus imposants, plus solides mais se révélant comme de possibles challengers de la suprématie américaine. La Chine et la Russie sont ainsi à nouveau considérés avec prudence, voire suspection.

L'échec de la guerre en Irak a notablement diminué leur influence. Mais leur doctrine garde une certaine force aux Etats-Unis, et elle reste comme une pensée de fond pour bon nombre d'hommes politiques républicains. Dès lors, il ne serait pas étonnant qu'elle ressurgisse avec toute sa force en cas de crise internationale. Il est difficile de transformer un tel idéalisme en des conceptions plus subtiles.