Depuis 1997, le parti conservateur est dans l'opposition en Grande-Bretagne. La victoire de Tony Blair sur John Major a forcé ce parti, celui de ceux qu'on appelle les "tories" outre manche, à entamer une longue traversée du désert. Il leur est difficile de revenir au pouvoir, alors que le gouvernement semble donner satisfactions aux électeurs. C'est que le blairisme a su appliquer une troisième voie salvatrice pour le pays, bien éloignée de l'ancienne posture que le Labour adoptait dans les années 70 : celle d'un parti contrôlé par des syndicats se situant nettement à la gauche de l'échiquier politique. L'inertie entraînée par les blocages syndicaux et l'absence d'audace des gouvernements successifs avaient porté la Grande-Bretagne à une situation désastreuse à l'époque. Pour sortir de cet extrème, Margaret Thatcher a utilisé des solutions clairement libérales économiquement parlant. Elles l'étaient parfois trop, mais la politique se devait d'être radicale pour sortir des anciens blocages. Le génie de Tony Blair fut de prendre le parti d'adoucir les politiques mises en places par Margaret Thatcher, tout en en conservant la plus grande partie. Ainsi, la Grande-Bretagne put connaître à la fois la prospérité économique et une amélioration des conditions de vie. Dès lors, les tories ne gardaient plus que le côté radical, et se voyaient déposséder de la possibilité de recommander une politique centriste, sinon à s'aligner sur le Labour.

Cela fait donc dix ans qu'ils errent à la recherche d'une nouvelle doctrine politique, changeant de dirigeant au fur et à mesure des défaites électorales. Et depuis 2005, c'est David Cameron qui est responsable de son parti. Sa jeunesse devrait pouvoir donner une impression de renouveau, face à un Gordon Brown au pouvoir depuis 10 ans, et étant plus que lui d'une quinzaine d'années. Mais le parti conservateur a un bilan, même en étant dans l'opposition. Le parti a fortement soutenu l'envoi de troupes en Irak aux côtés des Américains. Et aujourd'hui, c'est l'envoi de ces troupes par le gouvernement travailliste qui est la décision la plus contestée par l'opinion britannique. Difficile pour les conservateurs de se différencier à ce niveau là. Par contre, le domaine où ils se font le plus remarquer est celui de la construction européenne. Si la Grande-Bretagne est eurosceptique en général, le parti conservateur est aujourd'hui le fer de lance de l'opposition à l'intégration européenne. Conformément à la vision de Margaret Thatcher, les conservateurs critiquent l'Union Européenne pour ses politiques communes, ils préféreraient qu'elle se contente d'être un marché commun avec une déréglementation toujours plus poussée. Exactement l'inverse des conceptions qui prédominent de côté-ci de la Manche. A l'heure où Tony Blair semble être le grand ami de Nicolas Sarkozy, le parti conservateur n'a pas vraiment d'échos en France. D'une manière générale, rares sont ceux qui sont enthousiastes vis-à-vis de leur retour au pouvoir.

Les tories pourraient toutefois remporter les prochaines élections générales, pas sur leurs propres propositions, mais comme souvent, en comptant sur l'usure du pouvoir en place. Néanmoins, ils pourraient tout à fait poursuivre la même politique les travaillistes. Après tout, à l'après guerre, les conservateurs mettaient en place des politiques proches de celles défendues par les chrétiens démocrates dans le reste de l'Europe, en dehors des questions internationales. Aujourd'hui, on en est pas si loin en Grande-Bretagne, dans un pays qui semble avoir trouvé la formule magique de la prospérité. Pour ce qui de la construction européenne, on trouve bien quelques conservateurs pro-européens. A vrai dire, l'euroscepticisme des conservateurs n'est que le symptôme de celui de tout un pays. Plutôt que d'espérer que les élites britanniques changent d'avis pour le bien de leur peuple, ce sont surtout les consciences de chaque citoyen qu'il faut faire évoluer, pour qu'ils découvrent où est leur intérêt.