Maintenant que l'UMP vient de divulguer ses listes de candidats pour les prochaines élections européennes, il est possible de comparer celles présentées par les principaux partis favorables à la construction européenne. Le constat est assez décourageant : la constitution de ces listes marque avant tout une grande légèreté prise avec la démocratie européenne, tant les candidats et leurs points de chute ont été choisis sur des critères ayant peu à voir avec le travail parlementaire et la nécessité de créer un lien entre le peuple et les institutions européennes.

Ainsi, le parachutage est une pratique généralisée. La création de circonscriptions était une chance pour que chaque citoyen puisse mieux identifier ses représentants au Parlement Européen. En effet, trop souvent les gens ont l'impression que les décisions européennes tombent d'en haut, sans pouvoir rien y faire. C'est pour cela, qu'entre autres, ils doivent pouvoir s'adresser à leurs députés au Parlement Européen, et pour cela, ils doivent savoir qui s'occupe d'eux spécifiquement. En mettant des candidats qui ne sont pas originaires de régions pourtant vastes sur les listes, cet objectif est manqué. La probabilité sera forte qu'ils seront par la suite peu en lien avec les territoires qui les ont élus, ce qui favorisera ce sentiment d'abandon. C'est avec une inconséquence flagrante que le Parti Socialiste a envoyé par exemple Vincent Peillon dans le Sud Est et Henri Weber dans le Centre, alors qu'ils étaient auparavant élus dans le Nord Ouest, que le Modem a envoyé Sylvie Goulard dans l'Ouest alors qu'elle n'a jamais habitée dans l'une des trois régions qui forment cette circonscription, ou bien que l'UMP a mis Michel Barnier tête de liste dans l'Ile de France, alors que lui-même souhaitait rester fidèle à la Savoie dont il fut élu jusque là.

Un autre souci est le fait de choisir des candidats sans considération pour l'apport qu'ils auront une fois élus au Parlement Européen. Le député socialiste sortant Gilles Savary, considéré comme l'un des plus travailleurs au Parlement parmi les Français, n'est sur aucune liste, alors qu'il souhaitait continuer. Un autre expert des questions européennes, Alain Lamassoure, a été relégué en troisième place sur sa liste par l'UMP, au profit de Dominique Baudis, considéré comme plus médiatique. Le fait de forcer Rachida Dati à se faire élire à Strasbourg ne rend service ni à elle, ni à l'Ile de France. De son côté, François Bayrou continue lui aussi de recruter des célébrités pour faire office de tête d'affiche pour ses listes. Dans le Sud Ouest, il avait ainsi fait élire Jean-Marie Cavada en 2004, mais cinq ans plus tard, c'est Jean-Marie Cavada qui s'y colle.

Il faut dire que les élections européennes sont souvent une bonne occasion de recycler des personnalités politiques qui n'ont pas réussi à se faire élire ailleurs. Pierre Moscovici, qui était le premier à se dire passionné par l'Europe, a toujours essayé d'échapper au Parlement Européen, dans lequel il se réfugiait lorsqu'il perdait les législatives. En 2007, il a réussi à se faire élire à l'Assemblée Nationale, et démissionna aussitôt de son mandat européen. C'est la même chose pour Vincent Peillon, qui doit sa place de tête de liste sûre d'être élue à ses alliances politiques, mais qui ne réussit pas à se faire élire sur son nom propre malgré ses différentes tentatives. Les candidats Modem relèvent également de cette catégorie : Marielle de Sarnez se présente à toutes les élections, et aurait quitté le Parlement Européen il y a deux ans en cas de victoire aux législatives. Dans le Sud Est, Gilles Artigues est un ancien de l'Assemblée Nationale qui cherche à se recaser après avoir été élu. C'est en fait de façon massive que les candidats présentés par François Bayrou s'avèrent être des vaincus lors d'élections précédentes.

Le pire, c'est lorsque l'opportunisme politique pousse à promouvoir des candidatures de personne ayant même une vision de l'Europe contraire à celle des partis qu'ils représentent. Les Verts, censés être un parti parmi les plus engagés en faveur d'une Europe fédérale, ont fait de José Bové, l'une des personnes les plus hostiles au Traité Constitutionnel Européen, en tête d'une de leurs listes. La différence de position avec celle de Daniel Cohn-Bendit est ici frappante, mais ne semble gêner personne. A l'Est, c'est Jean-François Kahn qui est à la tête de la liste Modem : il partage avec François Bayrou la même obsession anti-sarkozyste, mais ne dit rien sur l'Europe. Et pour cause, vu qu'il soutenait le très eurosceptique Jean-Pierre Chevènement en 2002. Autre ancienne chevènementiste à se retrouver sur des listes de personnes favorables à la construction européenne : Marielle Gallo, qui a comme seul mérite d'être l'épouse d'un écrivain ayant soutenu Nicolas Sarkozy en 2007. Du côté du PS, cela fait bien longtemps que plus personne ne recherche la cohérence en matière d'Europe. Benoît Hamon et Pervenche Berès ont à nouveau une place de choix malgré tous leurs efforts pour saborder l'Europe.

Le vrai problème s'avère être le mode de scrutin à la proportionnelle. Le fait de créer une liste permet d'effacer les questions que l'on pourrait se poser sur les candidats au profit de l'expression d'un suffrage global en faveur de partis politiques. Cela déresponsabilise terriblement les candidats. Ceux qui sont en tête de liste sont certains d'être élus, et n'ont qu'à se concentrer sur les questions purement politiciennes internes à leurs partis pour être sûrs de garder une bonne place lors la prochaine élection. Ceux qui sont en deuxième moitié de liste n'ont absolument aucune chance d'être élus, et se désintéresse également de la campagne électorale. Les quelques personnes qui restent dont l'élection est possible mais pas certaine n'ont pas la visibilité suffisante pour faire la différence. Ce système favorise le mépris des partis politiques envers la constitution de listes sérieuses, alors que les questions européennes sont déjà souvent vues comme peu intéressantes car peu médiatisées. Il n'est alors pas étonnant de voir naître un tel divorce entre le peuple et les institutions européennes. L'Europe mérite mieux.