Comment faire un nationalisme européen
Par xerbias, lundi 9 juillet 2012 à 23:15 :: Europe :: #781 :: rss
Les fédéralistes européens se heurtent fréquemment à un obstacle de taille : il n'y a pas de nation européenne. Alors que nous nous sommes habitués au cadre de l'Etat nation, les citoyens des pays européens n'ont pas vraiment conscience d'avoir l'avenir en commun. Pire, dans plusieurs pays, dont la France, le nationalisme représente un mouvement important, parfois encore en progression. "Le patriotisme, c'est l'amour de son pays, le nationalisme, c'est la haine des autres pays" dit-on. L'Europe est bien placée pour connaître tous les effroyables dégâts, elle en a payé les conséquences dans deux guerres mondiales qui se sont déroulées sur son territoire. Le nationalisme s'est développé au XIXème siècle. A l'époque, les choses semblaient en apparence plus calmes, mais le long mouvement de formation des nations était comme un marmite qui bouillait de plus au plus, jusqu'à finalement exploser.
La formation d'une nation ne passe heureusement pas forcément par la désignation d'un ennemi à combattre, justifiant que l'on se regroupe comme un peuple uni. Mais l'artifice a été employé par des idéologues apprentis sorciers dans de nombreux cas. En France, pour les révolutionnaires, les nobles, d'abord français, puis étrangers, ont représenté un bouc émissaire justifiant un pays uni, centralisé, au delà des particularismes régionaux. En Grèce, la lutte contre les Ottomans turcs a été le mouvement historique permettant d'arriver à l'indépendance. En Italie, l'unification d'un pays morcelé s'est faite contre la domination autrichienne, dont l'origine remontait pourtant à Charlemagne. Et l'Allemagne divisée a même trouvé en la France un adversaire de circonstance permettant de justifier la création du second Empire allemand en 1871.
Est-il impossible qu'il y ait des nationalistes européens ? Posons la question sous d'autres termes : s'il y avait des nationalistes européens, comment feraient-ils pour lancer un mouvement populaire attisant les passions, menant à l'unité à travers la confrontation contre un adversaire plus ou moins justifié ? Eh bien quand on voit les nationalistes de chaque pays européen, on ne peut évidemment pas dire qu'ils soient très favorables à la construction européenne. Mais un autre de leurs points communs est leur rejet de l'Islam, vue comme une menace pour leurs valeurs nationales individuelles.
L'Histoire est bien sûr instrumentalisée par les nationalistes de tous poils. Et à travers les habituelles simplifications souvent abusives, d'un point de vue historique, les musulmans se retrouveraient facilement à être désignés comme les adversaires séculaires des Européens dans leur ensemble. Les nationalistes présenteraient alors les invasions sarrasines et mahométanes comme un mouvement global contre lequel les Européens se seraient illustrés. La bataille de Poitiers de 732, où Charles Martel porte le coup d'arrêt à l'expansion musulmane dans l'Europe de l'ouest est déjà assez célèbre. L'Espagne mettra des centaines d'années à opérer la reconquête jusqu'au bout de l'Andalousie. Dans l'Europe du sud est, la chute de Constantinople de 1453 est emblématique de la poussée ottomane dans cette région, et est suivie de deux siècles de conflits avec le Saint Empire Romain Germanique. La bataille de Vienne de 1683 est le pendant de la bataille de Poitiers.
Alors que la religion musulmane prenait de l'ampleur autour de la Méditerranée, les royaumes occidentaux ont tenté ce qui peut s'apparenter à des contre offensives, les croisades. Mais alors que les papes appelaient régulièrement à des croisades, d'abord au Proche Orient, ensuite pour secourir l'Empire byzantin attaqué, les rois de l'Europe de l'ouest préféraient guerroyer les uns contre les autres. Cette désunion pourrait alors être présentée comme un facteur nuisible à l'Europe et à ses intérêts, surtout face à un défi commun.
Dans un tel cadre, le principal élément "unificateur" de l'Europe se trouverait donc être la religion chrétienne, ou au minimum la culture chrétienne. On comprend mieux le débat qu'avait provoqué la possibilité d'inscrire la référence aux "racines chrétiennes de l'Europe" dans le Traité Constitutionnel Européen au moment de son élaboration. Alors que tout débat autour de l'Islam est plus que jamais hautement inflammable, et que l'avenir des pays musulmans autour de la Méditerranée reste incertain, le terrain est probablement propice pour ce genre de mouvement explosif. Il faut donc faire attention : jusqu'à présent, il n'y a pas eu de liaison entre les différents nationalismes "nationaux" des pays Européens. Et pour cause, puisqu'ils sont trop occupés à servir de boucs émissaires les uns aux autres. Mais si un jour ils se trouvent un bouc émissaire commun, le problème du nationalisme changerait totalement de dimension.
La formation d'une nation ne passe heureusement pas forcément par la désignation d'un ennemi à combattre, justifiant que l'on se regroupe comme un peuple uni. Mais l'artifice a été employé par des idéologues apprentis sorciers dans de nombreux cas. En France, pour les révolutionnaires, les nobles, d'abord français, puis étrangers, ont représenté un bouc émissaire justifiant un pays uni, centralisé, au delà des particularismes régionaux. En Grèce, la lutte contre les Ottomans turcs a été le mouvement historique permettant d'arriver à l'indépendance. En Italie, l'unification d'un pays morcelé s'est faite contre la domination autrichienne, dont l'origine remontait pourtant à Charlemagne. Et l'Allemagne divisée a même trouvé en la France un adversaire de circonstance permettant de justifier la création du second Empire allemand en 1871.
Est-il impossible qu'il y ait des nationalistes européens ? Posons la question sous d'autres termes : s'il y avait des nationalistes européens, comment feraient-ils pour lancer un mouvement populaire attisant les passions, menant à l'unité à travers la confrontation contre un adversaire plus ou moins justifié ? Eh bien quand on voit les nationalistes de chaque pays européen, on ne peut évidemment pas dire qu'ils soient très favorables à la construction européenne. Mais un autre de leurs points communs est leur rejet de l'Islam, vue comme une menace pour leurs valeurs nationales individuelles.
L'Histoire est bien sûr instrumentalisée par les nationalistes de tous poils. Et à travers les habituelles simplifications souvent abusives, d'un point de vue historique, les musulmans se retrouveraient facilement à être désignés comme les adversaires séculaires des Européens dans leur ensemble. Les nationalistes présenteraient alors les invasions sarrasines et mahométanes comme un mouvement global contre lequel les Européens se seraient illustrés. La bataille de Poitiers de 732, où Charles Martel porte le coup d'arrêt à l'expansion musulmane dans l'Europe de l'ouest est déjà assez célèbre. L'Espagne mettra des centaines d'années à opérer la reconquête jusqu'au bout de l'Andalousie. Dans l'Europe du sud est, la chute de Constantinople de 1453 est emblématique de la poussée ottomane dans cette région, et est suivie de deux siècles de conflits avec le Saint Empire Romain Germanique. La bataille de Vienne de 1683 est le pendant de la bataille de Poitiers.
Alors que la religion musulmane prenait de l'ampleur autour de la Méditerranée, les royaumes occidentaux ont tenté ce qui peut s'apparenter à des contre offensives, les croisades. Mais alors que les papes appelaient régulièrement à des croisades, d'abord au Proche Orient, ensuite pour secourir l'Empire byzantin attaqué, les rois de l'Europe de l'ouest préféraient guerroyer les uns contre les autres. Cette désunion pourrait alors être présentée comme un facteur nuisible à l'Europe et à ses intérêts, surtout face à un défi commun.
Dans un tel cadre, le principal élément "unificateur" de l'Europe se trouverait donc être la religion chrétienne, ou au minimum la culture chrétienne. On comprend mieux le débat qu'avait provoqué la possibilité d'inscrire la référence aux "racines chrétiennes de l'Europe" dans le Traité Constitutionnel Européen au moment de son élaboration. Alors que tout débat autour de l'Islam est plus que jamais hautement inflammable, et que l'avenir des pays musulmans autour de la Méditerranée reste incertain, le terrain est probablement propice pour ce genre de mouvement explosif. Il faut donc faire attention : jusqu'à présent, il n'y a pas eu de liaison entre les différents nationalismes "nationaux" des pays Européens. Et pour cause, puisqu'ils sont trop occupés à servir de boucs émissaires les uns aux autres. Mais si un jour ils se trouvent un bouc émissaire commun, le problème du nationalisme changerait totalement de dimension.
Commentaires
1. Le lundi 8 octobre 2012 à 15:04, par Marie Way
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