Contrairement à ce qui est souvent dit, il n'y a pas de perte de souveraineté d'un Etat dans la construction européenne. Il y a un partage de souveraineté : chaque gouvernement participe aux décisions qui affecteront son pays et les autres. Il est donc légitime que lors des élections nationales, les candidats expliquent quel projet européen ils souhaitent et exposent les mesures qu'ils défendront. Seulement, il ne faut pas oublier que ce sont des décisions qui se prennent à plusieurs, et qu'un seul pays ne peut décider à la place des autres. C'est ce que l'on voit actuellement dans la campagne présidentielle.

En affirmant vouloir renégocier les accords de Schengen, quitte à mettre une date butoir, Nicolas Sarkozy a surtout fait un coup politique, purement électoraliste. Mais comme souvent avec lui, le mouvement est savamment calculé pour être en fait aussi réaliste qu'impressionnant. Avec une telle déclaration, il prend en effet peu de risques, puisque les accords de Schengen sont déjà en cours de renégociation, et que leur nouvelle version arrivera certainement avant un an, ce qui rend peu probable l'idée d'un "clash" entre la France et les autres pays de l'Union Européenne à ce sujet.

La volonté de François Hollande de ne pas ratifier le traité budgétaire européen est en revanche bien plus problématique. Déjà, parce que la France a elle-même était aux premiers plan de sa création, ensuite, parce qu'il a été accepté par presque tous les autres pays européens, et enfin, car il vise à régler la crise des dettes souveraines européennes. Depuis l'accord européen à ce sujet, celle-ci s'est d'ailleurs très nettement calmée. Les taux d'intérêts payés lors des emprunts d'Etats ont largement diminué, ce qui montre le retour d'une certaine confiance. Or vouloir renégocier ce traité, alors qu'il est au contraire si urgent de l'adopter partout, c'est justement vouloir réouvrir les plaies de cette crise. Cela n'a rien de responsable.

Surtout qu'il n'y a pas vraiment de raison de le renégocier. Les socialistes refusent l'idée d'inscrire l'interdiction des déficits publics dans la Constitution car ils sont partisans d'un Etat Providence financée par la dette publique. Ce n'est pourtant une politique souhaitable. François Hollande veut qu'un traité budgétaire prenne en compte l'objectif de croissance en plus de celui d'équilibre des comptes publiques. Mais la croissance économique ne se décrète pas. Ce qu'il appelle "politique de croissance", ce sont les sempiternelles "relances" keynésiennes financées par le déficit. Cela ne fonctionne plus aujourd'hui. Aujourd'hui, pour avoir de la croissance, il faut de l'innovation, de la compétitivité, un dynamisme qui ne dépend pas du budget de l'Etat. La croissance économique vient du secteur privé, et les socialistes français tendent à l'oublier systématiquement.

Le reste de l'Europe est conscient de ces principes économiques de base. Chacun voit bien comment la Grèce a été acculé à la misère à force de vivre à crédit. A part la France, les pays européens savent bien que l'équilibre des comptes publics est désormais un impératif. Même la Grande Bretagne, qui n'a pas voulu ratifier ce traité, est favorable à la discipline budgétaire, et tend à vilipender les institutions européennes pour leur propension à la dépense. En cas de victoire de François Hollande, la France serait le seul pays à vivre encore dans l'époque révolue de la dépense publique. François Hollande veut renégocier un traité sans que ce ne soit bénéfique pour personne. Les gouvernements européens en place, ceux avec qui il devrait négocier, sont contre une telle démarche. Il isolerait ainsi la France et nuirait à l'économie européenne. Ce n'est pas souhaitable.