La montée en puissance de la Chine inquiète sur le plan économique, mais aussi sur le plan géopolitique. Son soutien à la Corée du Nord, notamment, fait qu'elle cautionne un élément fortement déstabilisant pour la région pour de mauvaises raisons. Un autre dossier épineux est celui de Taïwan. La Chine a depuis adopté l'attitude du loup convoitant avec attention sa proie. Les causes sont évidemment historiques. A l'origine, la révolution communiste de Mao bouta le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek hors de la Chine continentale. Celui-ci se réfugia sur l'île de Taïwan donc, dernier endroit où il continua à gouverner. Il se posa en tant qu'autorité légitimiste, mais la position de gouvernement en exil fut difficile à assumer avec le temps, et dans les années 70, l'administration chinoise continentale obtint d'être considéré comme "la Chine" par la plupart des pays du monde, les forçant à rompre leurs relations avec Taïwan. Le temps passant, le gouvernement de Taïwan se démocratisa, arrêta de prétendre gouverner toute la Chine et n'aspire plus désormais qu'à s'occuper de la population insulaire.

Du côté chinois, ce territoire, bien petit par rapport au reste du pays, représente la sensation désagréable d'un travail mal fini. En effet, la révolution communiste chinoise n'est pas complète, dans la mesure où une partie de l'ancienne Chine... résiste encore et toujours à l'envahisseur (rouge). Pour une Chine habituée à défendre rageusement ce qu'elle considère être ses intérêts vitaux, l'indépendance de fait de Taïwan est comme le cailloux dans la chaussure. Elle n'a jamais donc caché son aspiration à en reprendre le contrôle. Et si elle l'a souvent répété, il se pourrait bien qu'un jour cela devienne vrai. Taïwan, de son côté, n'a aucune envie de passer sous le système politique totalitaire de la Chine, et s'est donc armé en conséquence pour pouvoir se défendre en cas d'attaque.

En fin de compte, les positions ont bien changé d'un point de vue idéologie. La Chine est bien peu communiste aujourd'hui, elle a par contre tous les traits d'une dictature nationaliste. Taïwan, à l'origine nationaliste, est désormais démocrate. L'hostilité entre les deux populations demeure, et les puissances occidentales ne savent pas très bien quel comportement adopter en cas de déflagration. Mais est-ce qu'il doit forcément y avoir un conflit armé ? Ethniquement, ce sont des Chinois des deux côtés. Des décennies de séparation ont évidemment produit des différences culturelles, mais cela ne pose problème que si Pékin essaie d'obtenir le contrôle totale sur la population taïwanaise.

Il y aurait bien une solution. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les exemples de Hong Kong et de Macao. Ces villes étaient des protectorats de pays européens, et avaient échappé elles aussi à la révolution communiste. Leur rétrocession à la Chine était prévue de longue date, et pour lever les difficultés, le leader chinois des années 80 Deng Xiaoping avait proposé que ces villes gardent leur propre système politique. Cela crée donc des provinces autonomes, mais non indépendantes. Le gouvernement central chinois ne se réserve que la diplomatie et la défense. Ce serait possible également pour Taïwan. L'île pourrait donc être contrôlée démocratiquement par la population pour ses affaires intérieures. Elle n'a pas grand chose à préserver en diplomatie, vu qu'elle n'est pas formellement reconnue. Quant à sa défense, sa raison d'être est justement de tenir éloignée l'armée chinoise...

En Chine, tout est question de rapports de force. Elle n'est pas encore passé à l'action sur Taïwan car il n'y a pas d'urgence et que le conflit pourrait être difficile. Mais si réunification il doit y avoir un jour, autant qu'elle se passe sans verser de sang, et en préservant les droits des Taïwanais. Ceux-ci refusent cette possibilité, étant désormais attachés à leur indépendance, ce qui est parfaitement légitime. L'ironie du sort est que de l'autre côté de la Chine, le Tibet, par la voix du Dalaï Lama, serait particulièrement favorable à une telle solution. Il faut dire qu'il est lui déjà envahi...