L'actualité donne de bonnes raisons de penser que l'euro n'est pas dans une bonne passe. La quasi-faillite de la Grèce, la déroute de l'Irlande, les unes alarmistes sur une contagion de ces problèmes à d'autres pays... Autant d'épisodes qui peuvent rendre nerveux. Alors on peut suivre l'attitude de la presse, et s'interroger sur la catastrophe qui nous attend tous. On peut ensuite suivre l'attitude des marchés financiers, et se laisser aller à la psychose en faisant n'importe quoi. Certains seront tentés d'en profiter pour tirer individuellement leur épingle du jeu. Mais on peut aussi tenter de voir ce que tout cela peut donner de bon.

Pour cela, inutile de nier les aspects négatifs de la crise actuelle. Les incertitudes rendent nerveux les créanciers, ce qui renchérit les taux d'intérêt et alourdit les difficultés des différents États, dans un tragique cercle vicieux. Pourtant, il ne saurait être véritablement question de la fin de l'euro. Déjà, sa fin générerait une crise économique pire que celle actuelle, et serait tragique pour les pays les plus faibles. Ensuite, les raisons qui ont poussé à la création de la monnaie unique demeureraient. Si actuellement le monde subit une guerre de monnaies entre l'euro, le dollar ou le yuan, sans l'euro, on aurait aussi le retour de celle entre le Franc, le Mark ou la Lire. Le passé nous l'a appris, à ce petit jeu là, les seuls gagnants étaient les Allemands. D'où la leçon qui en a été tirée, celle de devoir s'aligner sur eux.

La monnaie unique épargne aux particuliers et aux entreprises européennes des risques énormes de change. Le gain est donc clair. Comme la situation actuelle, il y a tout de même des problèmes. Hors l'euro est un projet ambitieux, il n'est donc pas scandaleux qu'il y ait des ajustements, de nouvelles actions à entreprendre. Et même si les dirigeants européens peuvent souvent se montrer lents à se coordonner entre eux, ils restent toujours conscients de leurs devoirs. Et il y a d'ores et déjà une leçon manifeste à tirer de tout cela. C'est celle qu'un pays ne doit pas avoir de déficits publics structurels. En effet, le recours à l'endettement le met à la merci de marchés financiers erratiques. Et lorsque l'endettement est si habituel qu'il est vital pour faire tourner l'administration courante, la menace de ne pas trouver de préteurs devient immédiatement gravissime.

Dès lors, la volonté de l'Allemagne que différencier les taux d'intérêts de la dette pour chaque pays va dans le bons sens. Il n'était pas normal que la Grèce puisse emprunter au même taux que les pays les plus vertueux, l'encourageant ainsi à vivre à crédit. La France elle-même est forcée à rétablir des comptes publics rigoureux. Auparavant, la Commission Européenne faisait les gros yeux lorsque les objectifs de déficits publics n'étaient pas tenus. Mais la meilleure motivation pour changer est celle qui vient de soi-même. Le spectacle d'économies menacées de faillite est suffisamment convaincant pour que le plus grand nombre comprenne spontanément les raisons qui poussent à une politique raisonnable en la matière.

Et puis ne négligeons pas un autre aspect immédiat : ces incertitudes font baisser le cours de la monnaie unique. Alors que la Fed américaine en est réduite à faire tourner la planche à billets, ces mésaventures nous permettent de ne pas voir le cours de notre monnaie s'envoler. C'est donc une chance de préserver notre croissance économique. On est encore bien loin d'un euro vraiment faible, en terme de parité de pouvoir d'achat, l'euro est même encore largement surévalué. Nous n'avons donc pas à nous en faire de ce côté là. Un euro entre 1 et 1,20 dollar serait même très bien pour permettre à nos économies de respirer davantage, pendant que les Etats devront les sevrer de l'argent public encore trop facilement dépensé.