René Rémond a brillamment exposé les différences entres les différentes familles de la droite française, en opposant notamment la droite bonapartiste à la droite orléaniste, la première se retrouvant d'une façon contemporaine dans le gaullisme, la deuxième dans le libéralisme. La création de l'UMP a pourtant mis une fin à la logique d'affrontement qui prévalait entre les différentes composantes du centre droit français. Mais les traditions de ces pensées politiques subsistent : ainsi, Nicolas Sarkozy est souvent considéré comme un libéral, ce qui a tendance à déplaire à ceux qui se considèrent chiraquiens, ou de façon plus noble gaulliste. Le désir de Michelle Alliot-Marie de se présenter à l'élection présidentielle relève d'une volonté de proposer une offre authentiquement gaulliste aux Français. Le RPR s'était d'ailleurs fondé en se considérant explicitement héritier du gaullisme, qui promeut une vision sociale de l'économie, ainsi qu'un fort attachement à l'intérêt national français. Ainsi, Michelle Alliot-Marie représenterait une forme plus interventionniste de la droite que celle de Nicolas Sarkozy, suspecté d'être libéral, et donc favorable à la loi de la jungle de l'offre et de la demande. Si Nicolas Sarkozy n'hésite pas en effet à en appeler à l'effort individuel pour l'amélioration des conditions de vie, il serait difficile de dire qu'il est un libéral pur et dur, à tel point que la presse étrangère le voit comme à peine différent sur ce plan des autres hommes politiques français. En effet, son passage par le Ministère de l'économie et des finances aura été marqué par un interventionnisme assumé en matière économique, comme lorsqu'il décida d'épauler temporairement Alstom, l'un des champions industriels français, le temps de ses difficultés.

En fusionnant avec une partie de l'UDF et avec Démocratie Libérale, il est difficile de dire que l'âme du RPR existe encore, même si tous ses anciens ténors sont encore aux hauts niveaux de la politique actuelle. En fait, l'UMP représente le centre et la droite française, avec une orientation républicaine et pro-européenne. Dès lors, le gaullisme est une des pensées de l'UMP, ce n'est pas la seule pour autant. La différence entre l'UMP et les alliances électorales précédentes est le fait qu'il n'y a plus vraiment de "vrai" gaulliste ou de "vrai" libéral : une personnalité politique ne se définit plus comme cela, car elle doit intégrer les différentes pensées de sa famille politique dans son raisonnement. Loin d'être un effort à faire, il s'agit d'une conséquence naturelle de l'union. Ainsi, si Michelle Alliot-Marie a de grands mérites et une vision claire de politiques à appliquer, en se définissant comme gaulliste uniquement il lui manque de nombreux angles d'analyses disponibles à la droite ou au centre-droit français. Et ce d'autant plus que certaines familles de pensée, certes plus modestes, mais dignes d'intérêts comme le radicalisme représenté par le Parti Radical Valoisien, participent aussi à cette union.

D'une façon plus générale, on peut s'interroger sur la signification concrète du gaullisme aujourd'hui. Si cette famille politique tournée vers l'interventionnisme, le souci social, l'exception française a une longue histoire relevant d'une tradition bonapartiste, il faut bien comprendre que le principal mérite du vrai gaullisme, c'était De Gaulle. C'est en effet par son talent, ses convictions, sa façon de faire et sa personnalité que les principes qu'il énonçait étaient applicables. Sa pensée politique était naturellement taillée sur mesure pour qu'elle soit appliquée par lui, et ce d'autant plus qu'elle pouvait surtout suivre ses actions comme des justifications a posteriori. En somme, il est bien dur d'être gaulliste sans De Gaulle. Le terme gaulliste valait surtout comme partisan du Général dans sa conduite des affaires, mais en fin de compte il n'y a pas de lignes claires sur la façon de gérer les affaires en son absence. Et ce d'autant plus qu'il savait lui-même être très pragmatique, acceptant ainsi la construction européenne tout simplement parce qu'il en était de l'intérêt de la France. Sa méfiance occasionnelle pour elle ne saurait être transformée comme une ligne de conduite par des héritiers obnubilés par le monument politique qu'il représentait. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan se montre particulièrement dogmatique lorsqu'il attaque l'Union Européenne en invoquant un gaullisme figé depuis plus de 35 ans. C'est pour cela que si un héritage de la pensée politique demeure, il ne saurait y avoir de gaullisme "pur" dans un monde qui a changé sans la pierre angulaire de cette pensée, le Général De Gaulle lui-même. Pour combler les failles ainsi crées, la possibilité de se pencher sur des analyses différentes permet d'offrir un éventail de possibilités élargi, et donc d'avoir une vision plus fine du monde actuel. Et c'est ce dont aura besoin le prochain Président ou la prochaine Présidente de la République française.