En France, on n'a pas de pétrole. On n'a peut-être pas d'idées non plus. Mais on a des grévistes. Certaines activités, habituées à une présence importante des pouvoirs publics, en sont de grandes habituées. C'est par exemple le cas au port de marchandises de Marseille. Des syndicats fortement marqués idéologiquement, rétifs à l'idée de profit et de compétitivité y font la loi. Cela se traduit certes par une situation enviable pour ceux qui y travaillent, mais aussi par une productivité faible lorsque le port fonctionne. Et encore faut-il qu'il fonctionne. Car la grève y est très fréquente. Encore à l'heure actuelle, la CGT bloque le port. Pour les clients du port (les compagnies de transport maritimes et les industriels qui ont besoin des marchandises acheminées), ce genre de situation est particulièrement frustrante. L'idée de ne pouvoir profiter de sa propriété du fait de la volonté illégitime d'autrui est particulièrement révoltante. C'est surtout dommageable pour l'activité de ces entreprises qui en dépendent. Mais progressivement, elles s'adaptent. Elles font transiter de plus en plus de marchandises par d'autres ports, notamment étrangers. Même si Marseille, de par sa proximité avec le canal de Suez, est bien situé, il est plus sûr et plus rentable de passer par les ports d'Anvers ou de Rotterdam. Le port de Marseille perd ainsi des contrats, et sa santé économique n'en finit plus de décliner. Mais les syndicats bloquent toute évolution, préférant visiblement la mort de l'activité plutôt qu'un quelconque compromis avec les réalités économiques.

La situation est exactement la même sur le dossier du ferroutage. A l'intérieur de la France, les marchandises transitent quasiment toutes par camions. Au final, c'est lourd et polluant. Le ferroutage pourrait être une solution frappée du coin du bon sens : les conteneurs transitent par trains électriques, les sociétés de camionnage ne s'occupant plus que du dernier maillon, entre le centre de transit et la destination (ou le lieu d'expédition). Dans d'autres pays, ce mode de transport des marchandises a une part notable du marché. En France, il est au mieux anecdotique. Là encore, on sait pourquoi le ferroutage ne se développe pas en France : la SNCF, monopole d'Etat sur le chemin de fer, est percluse de grèves chroniques. A tel point que mettre un conteneur sur des rails, c'est n'avoir aucune idée de quand on le reverra. Tous ceux qui s'y sont risqués en reviennent. Aujourd'hui, le ferroutage est quasi mort, et lorsque la SNCF veut en tirer les conséquences, elle doit faire face à de nouvelles grèves.

Ces deux exemples sont malheureusement révélateurs de la situation globale de la France. L'irrationalité la plus complète domine. Il n'est jamais question de compétitivité, de productivité, d'efficacité, mais toujours de lutte sociale, d'acquis à défendre et de grèves à mener. Le conflit actuel le montre parfaitement. Il s'est facilement transformé en opportunité pour toutes sortes de dérives visant à plomber l'économie française. Non seulement les trains et les administrations publiques succombent une fois de plus à la grève, mais aussi elle donne l'occasion de scènes d'émeutes ou de blocages de raffineries. Lorsque la Grèce a connu cela au printemps dernier, bien des touristes français ont renoncé à y voyager cet été. Il faut bien se dire que l'effet produit par nos habituels "conflits sociaux" donnent également ce genre d'impressions.

La France est-elle vraiment un pays mature, où l'on peut créer ou gérer une activité ? Les années passent, et il est parfois permis d'en douter. Elle est handicapée par les mêmes services publics qui devraient la servir, elle souffre d'un climat malsain où le progrès économique est tout simplement mal vu. De la même façon que le port de Marseille ou le ferroutage français ne sont plus considérés comme des partenaires fiables, beaucoup de gens dans le monde considère d'ores et déjà que la France est un pays avec lequel on ne peut pas travailler. Cela nous fait déjà du mal actuellement, et si l'on continue de si belle façon, cela ne pourra que nous en faire encore plus.