Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 16 mars 2011

Quelle logique pour les participations publiques ?

Malgré les vagues de privatisations, un bon nombre d'entreprises françaises comptent toujours l'Etat au nombre de leurs actionnaires. Ces participations publiques passent par différents canaux. Il y d'abord l'Agence des Participations de l'Etat (APE), qui s'occupe des entreprises publiques. Il y aussi la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), qui n'hésite pas à prendre des participations dans des entreprises privées, selon plusieurs critères. Le but est souvent d'aider au financement de PME non cotées, mais appelées à connaître une croissance forte. Des entreprises de services d'intérêt général ou de gestion immobilière peuvent aussi être financées par la CDC... Evidemment, ces participations ont vocation à être rentable et à rapporter de l'argent via les dividendes. Depuis 2008, la CDC passe aussi par le Fonds Stratégique d'Investissement voulu par Nicolas Sarkozy, à l'origine pour aider des entreprises à stabiliser leur capitalisation pendant la crise.

Mais lorsque l'on observe la liste (longue) des entreprises dans lesquelles l'Etat est actionnaire d'une façon ou d'une autre, on peut quand même se demander si elles sont toutes bien pertinentes. Il ne s'agit pas de remettre en cause une participation majoritaire dans l'opérateur de transports en commun Transdev, puisqu'il s'agit bien d'un service d'intérêt général. Mais comment justifier la possession de 15 % du capital de Renault ? Est-ce le rôle de l'Etat de construire des voitures ? Les circonstances historiques qui avaient permis la nationalisation de cette entreprise il y a de cela 66 ans ne sont absolument plus d'actualité aujourd'hui. CNP assurances est le premier assureur aux personnes en France, quel besoin d'avoir l'Etat comme actionnaire alors que le privé pourrait s'en occuper ? Le groupe de villages de vacances Belambra fut lancé après guerre en tant qu'association pour favoriser le départ en vacances, mais maintenant que l'actionnariat est majoritairement privé, la présence de l'Etat (40 % de l'actionnariat) ne se justifie plus vraiment. De même, les participations importantes de l'Etat dans des groupes aussi énormes que Eiffage ou France Telecom peuvent poser question.

Un exemple parmi d'autres permet de cerner le problème : Quick. Depuis quatre ans, la CDC possède 94 % de ce groupe de restauration rapide. Si Quick s'est développée sous forme de franchises, il est tout de même difficile de qualifier cette entreprise de PME. Avant d'être racheté par la CDC, ce n'était même pas une entreprise française, mais belge. Auparavant propriété du financier Albert Frère, ce n'était pas non plus une entreprise familiale. Et il ne s'agit pas d'implémenter une vision stratégique profitable à l'intérêt général. En effet, le fast food à base de hamburgers et de frites n'est pas exactement le produit équilibré à promouvoir par l'Etat, et comme on l'a vu récemment, la question de l'hygiène est problématique. Enfin, la stratégie d'entreprise fondée sur le communautarisme ne ressemble en rien à ce qui peut être souhaité par un gouvernement. Posons la question clairement : qu'est-ce que la CDC fait la dedans ?

Certains peuvent penser que ces participations sont aussi une façon de financer l'Etat, via les dividendes. Il faudrait voir quel est leur flux financier global, et si c'est bien le rôle de la CDC. Mais tous ces actifs immobilisés ne le sont pas ailleurs. Il est dès lors tout à fait légitime de se demander quelle est la pertinence de chacune de ces participations, et considérer que la revente de certaines d'entre elles pourrait financer l'investissement dans des infrastructures fondamentales pour notre avenir. Ce serait une bien meilleure solution que de faire un grand emprunt qui nous handicape pour longtemps.

mardi 8 mars 2011

L'interdiction des déficits

Alors que l'Europe traverse une crise liée aux dettes publiques de plusieurs de ses pays, l'une des idées du pacte de compétitivité lancées par la France et l'Allemagne est l'interdiction des déficits. De la même manière que les décisions concernant les taux directeurs de refinancement ont été déléguées à une autorité indépendante (pour la France : la Banque Centrale Européenne) pour qu'ils ne soient pas l'objet de calculs politiciens à courts termes, inscrire dans la Constitution l'interdiction des déficits serait pour le Parlement une façon de se lier soi-même les mains. Le but serait de forcer le gouvernement et les parlementaires à davantage de responsabilité en la matière, une loi de finance qui ne respecterait pas ce critère pouvant être rejetée par le Conseil Constitutionnel.

La proposition a déjà été faite à plusieurs reprises, notamment par des personnalités centristes ou l'ancien ministre des finances Thierry Breton. Elle reste controversée. Pour les communistes, c'est évidemment une hérésie. Du côté des partis modérés, les avis sont partagés. La nécessité de rétablir l'équilibre des comptes publics est reconnue, mais on s'inquiète beaucoup de ne pas pouvoir financer les investissements uniquement sur fonds propres. Les dépenses de fonctionnement en revanches sont condamnées, il est vrai que les financer par déficit est particulièrement malsain. C'est en fait ce qu'il se passe en France depuis bien longtemps, on en est même arriver à financer les intérêts de la dette par l'emprunt, faisant un effet boule de neige désastreux.

Resterait à distinguer ce qui relève du fonctionnement et de l'investissement. Un premier critère serait de dire qu'un investissement ne peut être que matériel, avec des dépenses ne concernant que des infrastructures pouvant être amorties. Les salaires ou une campagne d'information ne peuvent qu'être des dépenses de fonctionnement, quelque soient les retombées attendues. De même, les dépenses d'enseignement ne peuvent être considérées comme un investissement. La distinction est de toute façon difficile, et il n'est pas certain qu'en autorisant les dépenses d'investissement on arrive à l'équilibre budgétaire. Le "grand emprunt", réalisé totalement en dehors de ces considérations, tend à le montrer.

On peut en revanche essayer de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. L'Allemagne est la grande championne de la rigueur budgétaire, mais a connu elle aussi des déficits publics ces dernières années. A la faveur du retour de la croissance outre Rhin, la situation s'améliore néanmoins. Nos voisins ont déjà eu l'occasion en 2009 d'introduire cette clause d'interdiction des déficits dans leur Loi Fondamentale. L'objectif est de respecter cette clause d'ici 2016. Les détails de cette interdiction se retrouvent dans l'article 115-2 de la Loi Fondamentale allemande :
  1. Recettes et dépenses doivent être équilibrées sans recettes provenant d’emprunts.
  2. Ce principe est satisfait si les recettes provenant d’emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut nominal.
  3. De plus, en cas d’évolution de la conjoncture s’écartant de la situation normale, les effets sur le budget en période de croissance et de récession doivent être traités de façon symétrique.
  4. Lorsque les opérations effectives d’emprunt s’écartent de la limite maximale fixée par les phrases 1 à 3 , elles doivent être inscrites sur un compte de contrôle ; les endettements qui dépassent le seuil de 1,5 pour cent du produit national brut nominal doivent être réduits conformément à la conjoncture.
  5. La loi fédérale fixe les modalités, en particulier l’apurement des recettes et des dépenses relatives aux transactions financières et la procédure de calcul de la limite supérieure du montant net des emprunts annuels à la lumière de l’évolution de la conjoncture sur la base d’une procédure d’apurement conjoncturel ainsi que le contrôle et la réduction des écarts entre les opérations effectives d’emprunt et la limite fixée.
  6. En cas de catastrophe naturelle ou de situation d’urgence exceptionnelle qui échappent au contrôle de l’État et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l’emprunt peuvent être dépassées sur décision de la majorité des membres du Bundestag. La décision doit être liée à l’établissement d’un plan d’amortissement.
  7. Le remboursement des emprunts contractés en application de la phrase 6 doit intervenir dans un délai raisonnable.
Le but est donc que le déficit public (partie du budget financée par l'emprunt) soit limité à 0,35 % du PNB. Cela s'ajoute à la disposition du Traité de Maastricht stipulant que le déficit public ne peut excéder 3 % du PIB. Mais la Loi Fondamentale allemande introduit des marges de manœuvre liée à la conjoncture. Le budget fédéral doit donc être à peu près à l'équilibre lorsque l'économie allemande va bien. Il y a une distinction entre le déficit structurel qui est celui qui reste dans les périodes normales, et le déficit conjoncturel, induit par les dépenses sociales supplémentaires ou les faibles rentrées d'impôts lorsque le pays subit une récession. Dans ce deuxième cas, une marge supplémentaire est prévue, à condition évidemment que cela ne dure pas. En outre, une autorisation supplémentaire de déficits est prévue en cas de situation exceptionnelle. Si par exemple un tremblement de terre frappait Munich, l'équilibre budgétaire serait forcément remis en cause sans que le gouvernement ne puisse être critiqué à ce sujet.

Il faudra attendre 2016 pour voir quels seront les effets concrets de ces dispositions. Mais la France ne peut pas attendre 5 ans pour s'emparer sérieusement du sujet, et l'exemple allemand est déjà une bonne base de réflexion.

free hit counter