Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 31 janvier 2007

La protection du consommateur

La loi sur la protection du consommateur, prévue de longue date par le gouvernement, ne sera pas votée sous la législature actuelle. En d'autres termes, elle vient d'être enterrée. La raison est pour le moins risible : il n'y a plus assez de temps pour qu'elle puisse être discutée. La loi en question vise à permettre des actions juridiques groupées de la part des victimes de mêmes pratiques commerciales délictueuses (les class actions à la française), de ne plus faire payer le temps d'attente des hotlines (ce qui est la moindre des choses), à améliorer l'organisation des soldes et d'autres sujets proches. Elle aurait reçu plus de 500 amendements, rendant difficile sa lecture en une quinzaine d'heures disponibles. Il est franchement étonnant que le parlement français en soit à l'heure près, et rechigne à faire des heures supplémentaires pour se pencher sur une loi qui est prête et qui a été conçue pour le bien être des Français. On reprochera difficilement à des députés d'en faire trop, c'est justement le reproche inverse qui est courant. Dès lors, il est incompréhensible qu'ils ne se soient pas débrouillés pour trouver un moyen afin de voter cette loi, y compris après amendement.

Surtout que la protection du consommateur n'est pas un thème particulièrement anodin. Alors que les entreprises sont toujours dans des fièvres de fusion afin de renforcer leur pouvoir de négociation, on se retrouve avec un nombre restreint de fournisseurs, de distributeurs, mais un nombre très élevé de clients en bout de chaîne. La force de négociation n'est pas la même, et si une pratique commerciale néfaste au consommateur prédomine, il est difficile pour celui-ci de s'adresser à un nouveau vendeur qui tenterait de se différencier en ne la pratiquant. Dans la concurrence pure et parfaite, il est censé y avoir un grand nombre tant de vendeurs que d'acheteurs dans chaque produit. En réalité, il n'y a qu'un nombre limité d'enseignes de grande distribution, de marques qui y sont présente par type de produit (la marque leader, la marque challenger, la marque distributeur, et la marque premier-prix, du distributeur également) alors qu'il y a des dizaines de millions de consommateurs. Oligopoles à tous les niveaux donc, sauf au niveau de l'acheteur final, qui passe pour le dindon de la farce.

De même manière que les syndicats d'employés sont légitimes s'ils sont représentatifs, il est nécessaire qu'il y ait des associations de consommateurs fortes, pour peser dans le débat public et avoir le même niveau d'influence sur la législation que les grandes entreprises. De ce point de vue, le retrait de cette loi de défense du consommateur est emblématique des intérêts divergents : alors que ces associations sont amères de devoir tout recommencer, le milieu entrepreneurial se félicite de l'enterrement d'une loi qui les gênait. Pour que cette loi revoie le jour, il faudrait que la prochaine législature décide de la remettre sur le grill. Nul doute que si la loi actuelle a déjà tant attendu, jusqu'à être éliminée en fin de compte, le prochain gouvernement aura bien d'autres priorités. Cette loi était pourtant bénéfique pour les Français dans leur vie quotidienne...

dimanche 28 janvier 2007

Astérix Manager

Comment faire pour qu'une équipe réussisse dans son travail ? Le professeur Yves Enrègle, psychanalyste, repreneur d'entreprise, et enseignant en management, a développé un exemple étonnant d'équipe qui fonctionne : le village gaulois d'Astérix et Obélix. Il y trouve l'inspiration pour 5 archétypes de personnalités, toutes nécessaires pour que le travail en équipe soit un succès, alors qu'il est parfois bien difficile de se supporter les uns les autres. Dans ses cours ou dans son livre (Du conflit à la motivation), ce professeur enseigne qu'une entreprise (mais l'exemple peut s'appliquer à bien d'autres situations où il faut qu'il y ait des relations humaines de collaboration) repose d'abord sur le duo Astérix et Obélix. Obélix ne se pose pas beaucoup de questions, mais il entend bien accomplir sa tâche du mieux possible, et donnera tout pour faire ce qui lui est demandé. C'est le producteur, il se distingue par sa force, traduite en capacité de travail, et son côté "rentre dedans". Il suit le plus souvent les directions données par Astérix, le stratège. Au niveau de la capacité de réalisation, celui-ci est bien inférieur que son volumineux ami, mais ses idées, sa réflexion oriente Obélix dans ce qu'il faut faire.

Bien sûr, il y a régulièrement des frictions entre les deux : Obélix peut à raison se sentir mal considéré par Astérix, surtout si celui-ci change souvent de directions au gré des idées fulgurantes qui lui traverse l'esprit à un rythme soutenu. Le stratège, qui raisonne de façon abstraite, en avance, dans des idéaux, se confronte parfois au côté terre à terre du producteur, qui saura lui rappeler certaines exigences en matière de possible. Surtout si le producteur ne reconnaît qu'une légitimité limitée au stratège... Les deux évoluent ensemble, mais il ne peut y avoir un lien d'autorité entre eux, sous peine de voir l'attelage se disloquer. C'est dans ces moments qu'il est nécessaire de faire intervenir l'organisateur qui disposera lui de l'autorité. Arrive ainsi Abraracourcix, qui devra trouver des compromis rationnels entre les bonnes idées d'Astérix et les exigences d'Obélix. Il n'a pas beaucoup d'idées, n'est pas non plus au coeur de la bataille, mais par contre il a ce côté technocratique rationnel qui doit permettre de faire la part des choses, et l'autorité dont il dispose lui permet de trancher au mieux pour qu'Astérix et Obélix redeviennent bons amis (et puisse accomplir de fait les missions qu'on leur confie).

Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour que les tensions soient toutes réglées. En effet, la raison est parfois bien faible pour déminer certains conflits, et l'organisateur peut ne pas être suffisant pour régler un problème. Sa légitimité peut également être remise en cause par ses villageois, et son autorité contestée au vu de sa faible implication dans la bagarre. La raison ne suffit pas toujours, et Abraracourcix lui aussi tombe souvent du bouclier où son titre l'a érigé. Dans ces moments, l'intervention du mobilisateur positif est nécessaire. Celui-ci voit son autorité reposer davantage sur son charisme incroyable plutôt que sur la rationalité. En fait, il est même au-dessus de ce critère : il semble surnaturel dans la mesure où les autres ont foi en lui et dans les miracles qu'il réalise. C'est bien là la description de Panoramix, le druide, aux fantastiques secrets, vu comme un être de sagesse et de magie qui sera vénéré par tout à chacun. Son intervention dans le débat apaise souvent les difficultés, et chaque personne respectant religieusement l'avis du druide retourne alors sur le droit chemin que celui-ci montre.

Pourtant, Panoramix n'est qu'un homme. Sa magie repose en partie sur l'illusion, et s'il est trop souvent sollicité il encourt le risque de ne plus être vu avec autant de ferveur, surtout s'il apparaît englué comme les autres dans les basses querelles, y apportant si souvent la bonne parole qu'il semble être familier de ces scènes. Pour qu'il reste efficace, il faut qu'il demeure l'ultime recours, sous peine de voir ses décisions de plus en plus remises en cause, d'apparaître en fin de compte bien ordinaire. La force de ses interventions repose sur leur rareté, et c'est bien lorsqu'il est parti à la forêt des Carnutes que tout le monde se dit que le druide, lui, aurait la solution, et fait qu'on le croit dès son retour. Pour qu'il garde son rôle à jouer, le mobilisateur positif doit parfois se tenir en retrait et garder son aura charismatique supérieure. Il sera alors temps d'amener le mobilisateur négatif dans le débat, qui peut tout simplement être vu comme un bouc émissaire. Celui-ci fera l'unanimité... contre lui. S'il est bien un domaine où chaque villageois est d'accord, c'est qu'Assurancetourix leur casse les oreilles. Dis comme cela, il apparaît comme une nuisance, mais il est au contraire indispensable, car c'est contre lui que l'unité se reformera, et chacun sera alors rassemblé pour un combat d'une toute autre importance, la résistance face aux Romains. Le barde doit donc être scrupuleusement gardé au sein de l'équipe malgré les désagréments qu'il apporte, car il rend possible la cohésion de celle-ci.

Astérix, Obélix, Abraracourcix, Panoramix et Assurancetourix ont donc chacun un rôle à jouer, et c'est leur travail en équipe qui a permis au village gaulois de garder son indépendance. Ainsi, une équipe forte et soudée devra avoir en son sein un producteur, un stratège, un organisateur, un mobilisateur positif et un mobilisateur négatif pour pouvoir faire face à toutes les situations. L'exemple est amusant et bien plus intéressant lorsque l'on pense à tous les schémas où cette structure se révèle pertinente, pour analyser un succès ou un échec.

vendredi 26 janvier 2007

Décroissance

Nicolas Hulot a eu le mérite d'avoir mis la défense de l'environnement au devant de la campagne présidentielle. Son pacte écologique était surtout remarquable pour son réalisme. Car un bon écologiste est un écologiste qui essaie de concilier écologie et développement économique. On entend parfois parler d'écologistes bien plus extrémistes, qui se veulent être les apôtres de la décroissance. Leur constat part du fait que les ressources naturelles de la planète sont bien trop exploitées et que l'on remet en cause les équilibres de la Terre. Il serait d'ailleurs déjà trop tard dans la mesure où le rythme économique actuel serait dès maintenant disproportionné par rapport à ce que la planète serait capable de supporter. A effort constant, on continuerait de piller les ressources. D'où la décroissance qu'il faudrait suivre.

Le mot paraît étonnant, dans une société où la croissance est nécessaire. En effet, chaque année, le nombre d'emplois doit croître de manière importante, pour accueillir l'augmentation naturelle de la population active et compenser les emplois qui disparaissent par les gains de productivité. A croissance nulle, ou même trop faible, pas de nouveaux emplois créés. D'où le chômage, la pauvreté et la misère. Les récessions sont dans nos économies extrêmement douloureuses, car elles créent un chômage de masse qui minent le tissu social. 1993, année de la dernière diminution du PIB français, reste une année noire à ce niveau. Les dépressions sont, elles, catastrophiques, il suffit de voir l'entre deux guerres et ses conséquences pour s'en apercevoir. Pour que la décroissance soit possible, il faudrait donc qu'il n'y ait aucun progrès technique. A ce niveau là, ceux qui adoptent ce mode de vie se félicitent de vivre dans des conditions de vie dignes des siècles passés. Vouloir que tout le monde les accompagne dans ce registre spartiate parait pour le moins exagéré. Mais pire encore, la décroissance demande à ce que la population humaine ne s'accroisse pas du tout. Si les politiques malthusiennes peuvent être nécessaires pour faciliter le développement, leur usage parait plus troublant lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre du retour en arrière. Car c'est bien une logique de mort qui domine dans l'idée de la décroissance, d'absence de foi dans le progrès...

La notion s'oppose frontalement au développement durable, où la croissance nécessaire doit être faite de façon à ne pas heurter l'environnement, et qu'ainsi le développement (bien être humain et écologique) puisse se faire de façon soutenable, sans qu'il soit nécessaire d'arrêter la marche d'un progrès devenu sain. Les partisans de la décroissance, favorables au néant, s'attaquent naturellement à la publicité qu'ils voient comme corruptrice, poussant à la consommation, un terme qu'ils exècrent. C'est oublier que le progrès peut aussi fournir les clés pour réparer les torts que l'on fait à l'environnement, et permettre une consommation renouvelée. C'est en fait renoncer à l'espoir.

free hit counter