Réflexions en cours

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mercredi 27 juillet 2011

Régulations financières

Le film documentaire Inside Job, oscarisé l'an dernier, cherche à expliquer les causes de la crise financière et économique de 2008. De nombreux témoins et participants ont été interrogés devant la caméra, mais la liste de ceux qui ont refusé de répondre aux questions des réalisateurs est au moins aussi longue. Surtout, on comprend rapidement où veut en venir le documentaire. On voit bien que si chaque entretien a probablement duré plusieurs dizaines de minutes, il n'en est extrait que quelques phrases, celles qui permettent aux réalisateurs d'illustrer leur propos. C'est la loi du genre, et à ce titre, le documentaire est particulièrement subjectif. Néanmoins, cela n'empêche pas de prendre cet avis en considération.

Il n'est pas particulièrement nouveau, mais il est bien expliqué. Selon Inside Job, l'origine du mal repose dans la dérégulation financière. Après le krach de Wall Street de 1929, le Congrès américain, du temps de l'administration Roosevelt, avait voté le Glass-Steagall Act, interdisant le regroupement des activités de banques de dépôt et de banques d'affaires. Cette régulation aurait limité les crises financières pendant des décennies. Mais la dérégulation qui fut mise en place à partir des années 80, et aboutit à la suppression du Glass-Steagall Act en 1999, permis une créativité sans limite en matière d'instruments financiers. Non seulement les nouveaux produits financiers devenaient de plus en plus difficiles à comprendre et à contrôler, distribuant les risques à tort et à travers, mais en plus les institutions financières devenaient obèses et dangereuses pour l'économie. Au fur et à mesure des années, les profits énormes générés par la spéculation et la mécanique financière devenaient de plus en plus déconnectés de toute réalité, d'où une bulle redoutable.

Aujourd'hui, la bulle a éclaté, les Etats ont du venir en aide à ces banques, et la seule faillite de Lehman Brothers a suffi à mettre à genou l'économie mondiale. Or rien n'a changé : les profits des banques sont retournés à des niveaux astronomiques sans que leur service à l'économie soit en proportion, les rémunérations sont exorbitantes et surtout, rien n'empêche de nouvelles déstabilisations macro-économiques semblables à celle que l'on a connu. L'aspect "toxique" de la finance telle qu'elles est pratiquée actuellement implique deux conclusions.

La première est qu'il est nécessaire de remettre en place une régulation du secteur financier. Il ne s'agit pas de faire administrer ce secteur par l'Etat, mais plutôt d'arriver au bon niveau de régulation. Les regroupements des banques d'affaires et de dépôt, la titrisation d'actifs, les produits dérivés financiers, les marchés de contrats à terme et d'option doivent être dans le collimateur des autorités. Cela implique que de telles normes réglementaires soient communes à l'Union Européenne et aux Etats-Unis. Et c'est loin d'être une question simple.

Déjà en Europe, le Royaume-Uni cherche à préserver la City de toute réglementation. Mais une réglementation de Wall Street devrait surmonter des obstacles bien plus insurmontables. Le documentaire Inside Job montre comment Brooksley Born, directrice de la Commodity Futures Trading Commission dans les années 90, ne réussit pas à réglementer le marché des produits dérivés de gré à gré, qu'elle considérait (à raison) comme particulièrement dangereux. Le lobbying sous toutes ses formes détruisit ses efforts dans l'œuf. Encore à l'heure actuelle, il n'y a aucune unanimité sur la question aux Etats-Unis. Le rapport de la Commission d'Enquête bipartisane sur la Crise Financière montra comment les experts nommés par les démocrates (dont Brooksley Born) et ceux nommés par les républicains n'arrivaient pas à se mettre d'accord ne serait-ce que sur les causes de la crise financière... Barack Obama pourrait tenter quelque chose, mais il ne l'a pas fait lorsqu'il avait une majorité au Congrès. Maintenant qu'il ne l'a plus, la probabilité en est d'autant plus réduite.

La deuxième conclusion à laquelle on arrive est particulièrement d'actualité. Si l'on considère que les marchés financiers sont si dangereux, il faut s'en tenir éloigné au maximum. Pour les Etats, cela implique de ne pas faire appel à eux pour financer les administrations publiques. Cela implique donc une rigueur budgétaire sévère, pour que les comptes publics soient au moins à l'équilibre, et que la dette reste totalement sous contrôle. Cela disqualifie alors les politiques économiques basées sur la dépense publique. Au bout du compte, cette situation apporte des leçons tant pour les libéraux que pour les interventionnistes.

mardi 19 juillet 2011

Double problème de dette

Les marchés financiers sont nerveux. Les difficultés à sécuriser la dette grecque (mais aussi irlandaise, portugaise, italienne, espagnole, etc) font redouter un risque de défaut. Cela entrainerait des dépréciations massives dans les bilans des institutions financières, ce qui créerait in fine une crise économique encore plus sévère que celle actuelle. Appelés à la rescousse, les autres pays de la zone euro peinent à s'entendre. D'un côté, l'Allemagne pense qu'il faudrait que les créanciers puissent prendre en charge une partie de la facture. Après tout, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux mêmes s'ils ont fait payer des taux d'intérêts faibles à des pays dont la dette est risquée. Les Etats ont déjà fort à faire à essayer de renflouer (par des prêts risqués) ces pays en difficultés pour avoir à tout payer. Mais de l'autre côté, où a tendance à se trouver la France, on considère que toute menace de participation des créanciers ne risque que de concrétiser le risque de défaut. En effrayant les prêteurs, les pays comme la Grèce auraient encore plus de mal à se refinancer, et les dépréciations mettraient directement à mal l'économie mondiale. Et par cette différence persistante d'opinion, la crise ne se risque pas, ce qui rend donc nerveux tout le monde.

D'habitude, dans une telle situation, la monnaie concernée serait un véritable repoussoir et plongerait rapidement. Mais à plus de 1,40 $ pour 1 €, l'euro reste à un cours élevé. C'est parce qu'après tout, personne n'est vraiment incité à acheter des dollars également. Les Etats-Unis se trouvent dans leur propre crise de la dette, un problème financier qui peine également à se régler à cause de désaccords politique. La dette américaine est à des niveaux très élevés. La nouvelle majorité républicaine du Congrès ne veut pas augmenter le plafond légal de la dette. Ce plafond a été augmenté de façon quasi systématique au cours des dernières décennies. Mais les républicains, qui se recentrent sur la rigueur budgétaire, ne veulent plus continuer cette fuite en avant. Ils veulent donc des coupes budgétaires massives pour désendetter le pays.

De son côté, Barack Obama considère que ces réductions de dépenses toucheraient surtout les défavorisés (puisque ce sont eux qui bénéficient le plus des services publics), et qu'il faut qu'il y ait donc aussi des augmentations d'impôts sur les plus hauts revenus. Or la plupart des républicains se sont engagés à ne jamais augmenter les impôts, sous aucune circonstance. Il y a donc très peu d'espace pour un compromis. Seulement, début août, l'Etat fédéral américain devra emprunter pour payer ses dépenses courantes, et donc augmenter sa dette au delà du plafond légal actuel. Dans le cas contraire, les Etats-Unis seraient également en situation de défaut, une crise qui pourrait autant endommager l'économie mondiale que les cas européens.

Résultat de ce double problème de dette simultané : ni le dollar ni l'euro ne sont attaqués. La livre britannique reste à ses niveaux bas, auxquels elle est arrivée après le début de la crise financière qui handicapa la City. En fait, la monnaie qui devrait vraiment augmenter, c'est le yuan chinois. Les déséquilibres commerciaux entre la Chine d'un côté, l'Europe et les Etats-Unis de l'autre, devraient pousser à acheter de la monnaie chinoise. Mais le gouvernement chinois ne laisse pas sa monnaie s'affaiblir, envers et contre tout. Donc rien ne se passe d'un point de vue monétaire. Au niveau du cours des actions, c'est une autre histoire. Le CAC 40 n'arrive pas à dépasser les 4000 points, mais c'est un niveau qui finit par devenir assez courant depuis une bonne dizaine d'années. Au final, tant qu'il n'y a pas un défaut avéré d'un pays, toutes ces inquiétudes n'handicapent pas vraiment le reste de l'économie. C'est pour ça que ces risques colossaux passent à peu près inaperçus à la plus grande partie de la population...

lundi 18 juillet 2011

Rupert Murdoch attaqué

Qui se souvient de Robert Maxwell ? Dans les années 80, il était un magnat de la presse et des médias, à l'égal de Silvio Berlusconi et de Rupert Murdoch. Parti de rien, il avait bâti un empire de la presse après la seconde guerre mondiale. Propriétaire du quotidien britannique Daily Mirror, il était pour la gauche ce que News Corp était pour la droite en Grande Bretagne. Mais sa mort brutale en 1991 révéla de graves malversations financières qui aboutirent à l'écroulement rapide et spectaculaire de son empire. Vingt ans après, son vieux concurrent Rupert Murdoch est toujours en vie, mais certains parlent déjà de la chute de son propre empire. Les révélations les plus récentes sur le piratage de téléphones portables perpétré par l'hebdomadaire News of the World donnent lieu à un scandale qui n'a eu que peu d'équivalents dans l'histoire.

Si News of the World a d'ores et déjà été fermé, c'est tout News Corp qui se retrouve désormais menacé. Le groupe a du retirer sa proposition de rachat des actions manquantes du bouquet satellitaire BSkyBe. Les enquêteurs commencent à s'inquiéter des méthodes d'autres tabloïds du groupe, comme The Sun. Et aux Etats-Unis aussi, on cherche désormais à savoir si le groupe y a commis des actes semblables. Le coup est rude pour News Corp, mais vu les lignes éditoriales de certains de ses titres, on pouvait s'attendre à ce que leurs façons de faire soient sérieusement remises en cause. News Corp édite certes des titres et des chaînes qui font un travail respectable (comme The Times, The Wall Street Journal ou Sky News), mais d'autres sont vraiment honteux (voir The Sun, The New York Post ou Fox News).

Le point commun de la plupart de ces médias est leur ligne éditoriale conservatrice, conformément aux idées politiques de Rupert Murdoch. A l'instar de Robert Maxwell, celui-ci cherche à acheter autant de l'influence que des sources profits lorsqu'il acquiert un titre. En conséquence, Rupert Murdoch est aujourd'hui l'un des hommes les plus puissants du monde, sa puissance étant donc à la fois éditoriale et politique que financière. L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair se montrait ainsi ouvertement soumis au Sun, ayant mal vécu les nombreuses campagnes du quotidien contre les travaillistes.

Rupert Murdoch est donc d'autant plus attaqué actuellement qu'il est très mal vu par un très grand nombre de gens. Mais là où Robert Maxwell était un roublard, Rupert Murdoch s'est montré tout au long de sa vie implacable. En outre, il y a toujours une clientèle pour cette presse de caniveau. Les journaux de News Corp ne sont peut-être pas ceux qui servent le mieux la cause de l'information : le Daily Telegraph, qui avait révélé le scandale des notes de frais du parlement britannique, n'appartient pas à ce groupe. Mais on peut penser qu'il y a encore loin avant qu'ils ne soient abattus d'un bloc.

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