Réflexions en cours

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mercredi 31 août 2011

Qu'est-ce que le AAA ?

Lorsque l'agence de notation Standard & Poors a décidé de baisser d'un cran la note des Etats-Unis, nombreux ceux qui se sont insurgés, et en premier lieu bien sûr, l'administration américaine. Cela a permis de refaire le procès des agences de notation. Leur incapacité à discerner les risques des produits financiers sophistiqués qui ont permis la contagion de la dernière crise financière a été remise sur le tapis. C'est bien normal, les agences étaient alors gravement en faute, et on ne peut pas dire que la moindre leçon a été tirée. Seulement, elles sont désormais à l'affut des pays occidentaux, chacun plus ou moins englué dans des problèmes de dette. Le plus terrible est que dans ces affaires, les agences de notation agissent tels des devins aux prophéties auto-réalisatrices : si elles annoncent qu'un pays aura du mal à rembourser sa dette, les taux d'intérêts de celle-ci augmentent, et en conséquence la dette deviendra bel et bien plus difficile à rembourser. Plusieurs pays européens sont actuellement malmenés dans cette spirale destructrice.

Dans le cas des Etats-Unis, la situation est quand même moins grave. Jusqu'à présent, les bons du trésor américains étaient très recherchés pour la confiance qu'ils inspiraient. Pour comprendre les tenants et les aboutissants, il faut revenir à la façon dont on détermine un taux d'intérêt (ou de rendement) que l'on exige pour un placement. D'une façon très simplifiée, il s'agit du taux de l'argent placé sans risque plus une rémunération supplémentaire dépendante du risque du placement. Il peut s'agir d'un risque de variation du rendement, ou bien de perdre l'argent placé. Dans le cas de la dette (qui demande les capitaux de prêteurs), le risque est que l'argent ne soit pas remboursé comme prévu, c'est-à-dire une situation de défaut.

Chacun détermine en fonction de ses propres critères quel est cette rémunération supplémentaire demandée liée au risque pour ses placements. Il regardera alors le marché, et placera son argent sur les placements qui correspondent à son opinion. L'un des rôles des analystes financiers est bien de faire ces évaluations pour aider les prises de décisions des institutions financières. Dans le cas des agences de notation, il s'agit alors en quelque sorte de sous-traiter l'analyse du risque de défaut d'emprunts. Normalement, les investisseurs ne sont pas obligés de suivre aveuglément les notes données par ces agences, mais elles gardent une influence certaine.

Dans le cas de pays, le AAA, la meilleure note possible, indique une certitude de remboursement. Les Etats-Unis était considéré comme un pays très sûr car malgré sa dette importante, son économie était dynamique et le taux de prélèvements obligatoires relativement bas. Logiquement, le pays pouvait donc encore considérablement augmenter les impôts au besoin pour se servir sur l'économie pour rembourser d'éventuelles nouvelles dettes. Seulement, la division idéologique au centre du débat politique américaine est désormais béante, et une telle perspective n'est plus si certaine. En effet, les impôts sont là-bas considérés comme un totalitarisme insupportable, presque vol contraire au droit à la liberté et à la propriété. Les républicains, à la suite de Ronald Reagan, sont très nombreux à s'appuyer sur un tel sentiment. L'association Americans for Tax Reform demande aux politiciens de s'engager à ne jamais augmenter les impôts, quelques soient les circonstances. Et c'est pris très au sérieux. En 1988, le candidat à la présidentielle George H. W. Bush s'était formellement engagé à ne pas augmenter les impôts en cas de victoire. A l'élection suivante, de nombreux électeurs le repoussèrent pour ne pas avoir tenu sa promesse.

Dans le Congrès actuel, avec la dernière victoire des républicains, pas moins de 235 représentants (sur 435) et 41 sénateurs (sur 100) ont signé le pacte de Americans for Tax Reform. Du coup, Barack Obama ne put obtenir une solution équilibrée entre baisses de dépenses et hausses de revenus pour permettre une hausse du plafond de la dette dernièrement. Et à cette occasion, on s'est rendu compte qu'il était bien moins probable que les institutions politiques américaines acceptent d'augmenter les impôts s'il fallait rembourser la dette plus rapidement. La croyance sur laquelle reposait le AAA américain fut donc ébréchée, et la conséquence fut la dégradation. Evidemment, pour éviter ce genre de soucis, mieux vaut émettre le moins de dettes possibles, et équilibrer ses comptes publics.

dimanche 7 août 2011

Hausse du déficit : où est passée la différence ?

Alors que Martine Aubry déclare vouloir augmenter le budget public de la culture de 50 %, le reste des pays occidentaux se préoccupe surtout de la gestion de la dette publique. L'Amérique a peiné pour augmenter le plafond de sa dette et ne pas faire défaut, alors qu'en Europe, chacun ne se soucie plus désormais que de réduction de déficits. En France, la présidence de Jacques Chirac s'est terminée sur une baisse des déficits, alors que ceux-ci ont augmenté avec la présidence de Nicolas Sarkozy. Nombreux sont ceux qui n'ont pas compris comment cela s'est passé. Sur son blog, Le Chafouin se demande ainsi : "Nicolas Sarkozy a réussi le tour de force de doper le déficit public, tout en taillant dans les services publics et en ne diminuant pas les impôts. C’est à se demander où est passée la différence."

La question est intéressante. On peut essayer de trouver la réponse en auscultant les budgets votés, ainsi que les rapports d'exécution de la Cour des Comptes. Celle-ci a été présidée dernièrement par Philippe Séguin et Didier Migaud, deux personnalités que l'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard du pouvoir en place. En 2008, le solde budgétaire s'est bien plus dégradé que ce qui n'était prévu par le budget voté par le Parlement (une différence de 14,5 milliards d'euros). C'est le résultat de dépenses publiques plus fortes que prévues, et surtout, d'une hausse tant des transferts de l'Etat vers d'autres administrations publiques que des allègements d'impôts.

En 2009, le déficit de l'Etat s'est aggravé de façon spectaculaire, passant de 56 à 138 milliards. C'est le montant exécuté, dans le budget voté, il était encore plus important, visiblement le gouvernement a réussi à faire quelques économies au cours de l'année. Dans ce bond, on peut distinguer plusieurs causes : 22,9 milliards dues à des mesures fiscales anciennes et nouvelles, 24,3 milliards de recettes manquantes du fait de la dégradation brutale de l'économie, et 15,7 milliards de dépenses dues au plan de relance de l'économie. C'est une somme conséquente, et l'on se souvient qu'à cette époque, Barack Obama faisait pression sur les pays européens pour qu'ils mettent en œuvre une relance encore plus importante (le plan de relance américain fut bien plus massif en proportion).

L'année suivante, tant les recettes que les dépenses ont augmenté. L'augmentation des recettes de 2010 vient notamment des intérêts des prêts accordés aux banques. L'augmentation des dépenses provient du programme d'investissements d'avenir, ce qui correspond aux dépenses engendrées par le grand emprunt (qui n'est pas comptabilisé comme une recette à proprement parler). Au bout du compte, c'est quand même 10 milliards de déficits en plus.

C'est ainsi qu'on peut répondre à la question initiale. Si on a l'impression que le gouvernement taille dans les services publiques, les charges de fonctionnement courant ne sont toujours pas maîtrisées, ce qui montre que l'effort est insuffisant à ce niveau là. Contrairement à ce que l'on peut penser également, les impôts ont été diminués, avec toutes les mesures mises en places ces dernières années. D'après l'INSEE, le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques a constamment diminué depuis 2006, passant de 44 % du PIB à 41,6 %. En outre, la crise économique mondiale a eu un effet très réel sur les finances publiques, d'abord sur le manque à gagner colossal au niveau des recettes, ensuite sur les charges plus importantes, qu'elles soient mécaniques (augmentation des indemnisations de chômeurs) ou bien par politique contra-cyclique (le plan de relance).

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