Lorsque l'agence de notation Standard & Poors a décidé de baisser d'un cran la note des Etats-Unis, nombreux ceux qui se sont insurgés, et en premier lieu bien sûr, l'administration américaine. Cela a permis de refaire le procès des agences de notation. Leur incapacité à discerner les risques des produits financiers sophistiqués qui ont permis la contagion de la dernière crise financière a été remise sur le tapis. C'est bien normal, les agences étaient alors gravement en faute, et on ne peut pas dire que la moindre leçon a été tirée. Seulement, elles sont désormais à l'affut des pays occidentaux, chacun plus ou moins englué dans des problèmes de dette. Le plus terrible est que dans ces affaires, les agences de notation agissent tels des devins aux prophéties auto-réalisatrices : si elles annoncent qu'un pays aura du mal à rembourser sa dette, les taux d'intérêts de celle-ci augmentent, et en conséquence la dette deviendra bel et bien plus difficile à rembourser. Plusieurs pays européens sont actuellement malmenés dans cette spirale destructrice.

Dans le cas des Etats-Unis, la situation est quand même moins grave. Jusqu'à présent, les bons du trésor américains étaient très recherchés pour la confiance qu'ils inspiraient. Pour comprendre les tenants et les aboutissants, il faut revenir à la façon dont on détermine un taux d'intérêt (ou de rendement) que l'on exige pour un placement. D'une façon très simplifiée, il s'agit du taux de l'argent placé sans risque plus une rémunération supplémentaire dépendante du risque du placement. Il peut s'agir d'un risque de variation du rendement, ou bien de perdre l'argent placé. Dans le cas de la dette (qui demande les capitaux de prêteurs), le risque est que l'argent ne soit pas remboursé comme prévu, c'est-à-dire une situation de défaut.

Chacun détermine en fonction de ses propres critères quel est cette rémunération supplémentaire demandée liée au risque pour ses placements. Il regardera alors le marché, et placera son argent sur les placements qui correspondent à son opinion. L'un des rôles des analystes financiers est bien de faire ces évaluations pour aider les prises de décisions des institutions financières. Dans le cas des agences de notation, il s'agit alors en quelque sorte de sous-traiter l'analyse du risque de défaut d'emprunts. Normalement, les investisseurs ne sont pas obligés de suivre aveuglément les notes données par ces agences, mais elles gardent une influence certaine.

Dans le cas de pays, le AAA, la meilleure note possible, indique une certitude de remboursement. Les Etats-Unis était considéré comme un pays très sûr car malgré sa dette importante, son économie était dynamique et le taux de prélèvements obligatoires relativement bas. Logiquement, le pays pouvait donc encore considérablement augmenter les impôts au besoin pour se servir sur l'économie pour rembourser d'éventuelles nouvelles dettes. Seulement, la division idéologique au centre du débat politique américaine est désormais béante, et une telle perspective n'est plus si certaine. En effet, les impôts sont là-bas considérés comme un totalitarisme insupportable, presque vol contraire au droit à la liberté et à la propriété. Les républicains, à la suite de Ronald Reagan, sont très nombreux à s'appuyer sur un tel sentiment. L'association Americans for Tax Reform demande aux politiciens de s'engager à ne jamais augmenter les impôts, quelques soient les circonstances. Et c'est pris très au sérieux. En 1988, le candidat à la présidentielle George H. W. Bush s'était formellement engagé à ne pas augmenter les impôts en cas de victoire. A l'élection suivante, de nombreux électeurs le repoussèrent pour ne pas avoir tenu sa promesse.

Dans le Congrès actuel, avec la dernière victoire des républicains, pas moins de 235 représentants (sur 435) et 41 sénateurs (sur 100) ont signé le pacte de Americans for Tax Reform. Du coup, Barack Obama ne put obtenir une solution équilibrée entre baisses de dépenses et hausses de revenus pour permettre une hausse du plafond de la dette dernièrement. Et à cette occasion, on s'est rendu compte qu'il était bien moins probable que les institutions politiques américaines acceptent d'augmenter les impôts s'il fallait rembourser la dette plus rapidement. La croyance sur laquelle reposait le AAA américain fut donc ébréchée, et la conséquence fut la dégradation. Evidemment, pour éviter ce genre de soucis, mieux vaut émettre le moins de dettes possibles, et équilibrer ses comptes publics.