Réflexions en cours

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mardi 30 novembre 2010

Le 7 décembre prochain, journée faste pour les voleurs

L'ancien footballeur Eric Cantona a une idée brillante pour faire la révolution sans verser de sang. Considérant que les problèmes du monde proviennent du système financier, il propose que chacun retire tout son argent de sa banque. Si plusieurs millions de personnes le font d'un seul coup, cela entraînera effondrement du système bancaire. Des internautes ont pris cette idée au mot, et se sont mis à faire campagne pour qu'un maximum de personnes retire son argent le 7 décembre prochain, dans l'espoir de réaliser enfin cette révolution contre le système, attendue depuis si longtemps. Interrogé, Eric Cantona affirme qu'il retirera bien son argent de la banque la semaine prochaine. Cela peut déjà paraître surprenant, vu que l'ancienne idole de Manchester a jusqu'à présent eu un comportement bien peu anticapitaliste. A l'heure actuelle, il passe encore dans des publicités pour lesquelles il a vendu chèrement son image, l'une pour les rasoirs Bic, l'autre pour les déodorants L'Oréal... où il apparaît barbu.

En tant que telle, la manipulation peut réussir. Une sortie massive d'argent du système bancaire peut effectivement le mettre à genou, comme ce fut le cas lors de la crise de 1929 aux Etats-Unis. Les banques doivent toujours avoir une certaine proportion des capitaux qu'elles prêtent, et leurs liquidités en monnaie fiduciaire ne sont pas à la hauteur des dépôts depuis que la monnaie scripturale règne en maître. Comme on l'a vu avec la crise actuelle, il suffit qu'une banque fasse défaut pour que les autres soient instantanément mises en difficulté. Voilà pourquoi les Etats ont volé si rapidement à leur secours, et assuré les agents économiques que leurs dépôts n'étaient pas menacés, de peur de voir une panique qui les aurait poussés à retirer leur argent. Mais une crise financière se répercute fatalement sur l'ensemble de l'économie. Et en guise de révolution, on aurait surtout une crise économique encore plus épouvantable que celle actuelle, dont le seul effet serait de réduire la plus grande partie de la population à une misère noire.

Attaquer le système bancaire de la sorte aiderait moins à ce qu'il soit plus sain qu'à faire une belle tentative de suicide. Le procédé est donc totalement irrationnel, pour ne pas dire profondément stupide. Heureusement, il y a peu de chances pour que ça ait lieu le 7 décembre prochain. Déjà, dans de nombreuses banques, il faut demander à l'avance lorsque l'on veut retirer des sommes importantes en liquide. Généralement, lorsqu'on clôture un compte, c'est pour envoyer l'argent sur un autre compte, par un simple jeu d'écriture puisque la monnaie reste scripturale. Là, il s'agit bien de retirer tout sous forme de pièces et de billets. Pour que ce soit possible, les petits malins devront au moins prévenir à l'avance.

Ensuite, il est peu probable qu'un très grand nombre de personnes s'engage dans cette voie. Tout le monde n'a pas envie de voir notre civilisation prendre fin, et de façon plus immédiate, que feraient les gens de tout leur argent mis dans une valise ? Du point de vue de la sécurité, c'est une hérésie. Et de fait, le comportement le plus rationnel serait pour les voleurs d'attendre les inconscients à la sortie des banques, les poches remplies de leurs milliers d'euros fraichement sortis de leur compte, et de leur prendre. Avec toute la publicité faite autour du 7 décembre, ils ne pourront pas ignorer cette opportunité. Chaque révolutionnaire d'opérette pourra donc à bon droit se sentir menacé de perdre tout leur pécule en étant à peine sorti de la banque. Le plus connu et le plus riche d'entre eux, Eric Cantona, serait alors particulièrement attendu au tournant... de la rue. Le 7 décembre ne sera donc certainement pas le jour de la fin des escrocs de la finance, mais il pourrait bien être une journée particulièrement faste pour les voleurs.

jeudi 25 novembre 2010

Décentralisation et loyers

Deux députés ont récemment rendu un rapport sur les autorités administratives indépendantes au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée Nationale. Ils les trouvent coûteuses, et proposent des regroupements pour en diminuer les frais. Les loyers sont particulièrement élevés. L'Etat n'est pas un bon gestionnaire immobilier, et louer dans Paris est de toute façon couteux. Mais se pose alors une question : pourquoi louer dans Paris ? La raison est souvent la recherche d'une adresse prestigieuse, mais ce qui est compréhensible pour une entreprise l'est beaucoup moins pour une administration publique. En effet, son premier souci doit être l'efficacité, et non la recherche d'un statut social particulier. Le critère le plus important pour le placement d'une organisation est la proximité de voies de communication. Un bâtiment doit être bien desservi en routes et en transports en commun pour qu'il soit simple de s'y rendre. C'est une nécessité pour ceux qui y travaillent comme pour les visiteurs occasionnels.

En région parisienne, c'est le cas de nombreuses zones de la petite couronne. Au nord et à l'est de Paris, certains endroits sont mêmes particulièrement intéressants : ils sont encore peu encombrés, et ils permettraient d'accueillir les emplois de toute une population qui y vit, mais est actuellement obligée de passer beaucoup de temps chaque jour à se rendre à un travail éloigné. Mais rien n'oblige une administration à se trouver forcément en Ile de France. Quelque soit son emplacement, une administration centrale unique sera plus difficilement atteignable pour une grande partie de la population, qui devra prendre trains ou autoroutes pour s'y rendre. Que ce soit à proximité de Paris ou non ne change pas grand chose à l'affaire. Il est donc envisageable de délocaliser ce type d'administration dans des villes importantes, très bien connectées au TGV et au réseau d'autoroutes, mais où les coûts seraient moins importants. Des villes comme Bordeaux ou Nantes n'ont pas les loyers stratosphériques de Paris, mais en ont la plupart des atouts, notamment en terme de main d'œuvre. Et si les délocalisations peuvent s'avérer difficiles, notamment pour les familles des employés, il faudrait au moins que les nouvelles administrations soient dès le départ créées en dehors de la région parisienne. La Halde ou Hadopi auraient très bien pu commencer leurs activités ailleurs.

Ce serait non seulement une politique de réduction des coûts, mais aussi une politique d'aménagement du territoire. En Allemagne, le pays est pour des raisons historiques peu centralisé autour d'une ville en particulier. Administrations et grandes entreprises sont présentes de façon assez homogène, au moins à l'ouest. Vu comment Paris est congestionné à l'heure actuelle, avec des implications pour tous en terme de marché de l'immobilier ou de transports, il serait bon que l'Etat fasse sa part pour mieux occuper l'ensemble du territoire français.

lundi 15 novembre 2010

Impôt sur la fortune et bouclier fiscal

L'impôt sur la fortune (ISF) est un impôt stupide. Mieux vaut le dire d'entrée. Son montant est calculé en proportion d'un capital, et non sur un quelconque flux d'argent. Un particulier devra payer la même somme s'il possède une maison coûteuse, mais inerte, quelques soient ses revenus. Si ceux-ci sont peu élevés, la logique est même qu'il devra la revendre au final pour payer l'impôt. L'ISF ne prélève pas un revenu, il punit la propriété. La logique n'est plus que sur un gain d'argent, une partie est partagée avec l'Etat pour le faire fonctionner, mais son but est tout simplement d'appauvrir ceux qui y sont assujettis. Mis en place par la gauche en 1981 pour des raisons idéologiques, la droite n'en a jamais supporté l'existence. Quand à la fin du quinquennat précédent, le projet de la prochaine législature fut en discussion au sein de l'UMP, l'opportunité d'y mettre fut mise sur la table. Craignant de se voir reprocher de faire une politique dédiée aux plus fortunés, le candidat Nicolas Sarkozy a préféré proposer un autre mécanisme : le bouclier fiscal à 50 % des revenus.

Le but est que personne n'ait à perdre aux impôts plus de la moitié de l'ensemble de ses revenus. Ainsi, un individu pourra garder au moins la moitié de son salaire net, malgré tous les impôts se rajoutant les autres. C'est un principe moral : des prélèvements confiscatoires sont injustes pour ceux qui font un effort pour augmenter leurs revenus, et peuvent décourager la croissance de l'activité économique en en diminuant l'intérêt. Déclarer que personne n'ait à se voir prélever plus de 50 % de ses revenus permet d'introduire au moins une certitude, celle de l'individu de savoir dans quel proportion il travaille pour lui-même au final.

Mais le bouclier fiscal ne résultat pas d'une restructuration de l'imposition faisant qu'il soit impossible d'être imposable au-delà de 50 % des revenus. Le processus n'intervient pas en amont, mais bien a posteriori du calcul d'imposition. Il consiste en un chèque de remboursement (une sorte de "trop perçu") de l'administration fiscale aux contribuables concernés. L'image est évidemment désastreuse. L'idée que l'on donne de l'argent à ceux qui sont déjà généralement les plus aisés ne passe pas. Le coût de 500 millions d'euros de tels remboursements n'est pas négligeable. L'opposition ne parle que de cela depuis trois ans, à chaque fois qu'il est question d'une limitation budgétaire. Comme si ces 500 millions auraient pu tout financer... Il reste que la mesure est majoritairement impopulaire.

Au sein de la majorité, la question de la suppression du bouclier fiscal a alors fait son apparition. Et dans des termes semblables qu'auparavant : s'il n'y a pas de bouclier fiscal, alors il faudrait supprimer l'ISF. Mais encore une fois, une telle suppression serait également impopulaire. Et l'ISF rapporte 3 milliards d'euros, ce troc entre deux mesures coûterait donc 2,5 milliards d'euros. Vu la taille de nos déficits, on peut difficilement se permettre de les augmenter encore davantage. Et tant que l'on n'aura pas d'excédents budgétaires, il n'y a aucune solution claire. Il est, paraît-il, question d'un grenelle de la fiscalité à venir. Ces thèmes en seront au centre, et l'une de ses premières missions pourrait être de refondre tous les impôts sur les particuliers pour qu'ils soient plus simples, plus efficaces et peut-être plus justes.

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