mercredi 22 décembre 2010
CFoot, la chaîne du bluff
Par xerbias, mercredi 22 décembre 2010 à 14:24 :: Economie
Entre CanalSat, Numéricable, ou les bouquets disponibles sur ADSL, les télespectateurs ont déjà l'embarras du choix pour élargir leur offre télévisuelle. Ces diverses options permettent d'accéder à des dizaines de chaînes supplémentaires, et sont désormais bien établies. La TNT payante fait donc face à une concurrence difficile. Au départ, il y a toujours la possibilité de s'abonner à Canal Plus en hertzien, même s'ils dont maintenant à peine un million (sur plus de quatre millions d'abonnés) à faire ce choix. Canal Plus a augmenté son offre hertzienne en proposant également en numérique ses déclinaisons Canal Plus Cinéma et Canal Plus Sport. Pour les autres chaînes payantes proposées, comme Planète, LCI ou TF6, il n'y a pas vraiment de marché. Canal Plus ne fait aucun effort pour commercialiser ces chaînes, et les autres petits opérateurs ont du mal à se faire entendre avec une offre assez faible. C'est ce qui a poussé les chaînes AB1 et Canal J à abandonner la partie, les gains étant trop importants en comparaison de coûts de diffusion énormes.
Le CSA a donc relancé un appel à candidatures pour les remplacer. Canal Plus voulait compléter son offre, en proposant Canal Plus Family à la place de Canal J, afin de continuer à proposer quelque chose pour les enfants. Mais ce fut CFoot qui fut choisie. Ce projet de chaîne est une curiosité en soi. Le président de la Ligue de Football Professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, a voulu cette chaîne pour peser sur les négociations des droits télé de la ligue 1. En résumé, la compétition entre Canal Plus et TPS avait permis de faire monter les enchères pour ces droits jusqu'à atteindre 600 millions par an. Mais TPS fusionna avec Canal Plus, et ce dernier voulu faire des économies sur ce poste. Il y a deux ans, la LFP trouva une solution inespérée avec l'arrivée d'Orange sur le marché. Canal Plus paya moins, en ne déboursant que 460 millions d'euros, pour 9 des 12 lots proposés (le détail par lot n'est pas disponible). Orange remporta le reste, dont un match de Ligue 1 chaque samedi soir, pour 208 millions. Son ambition était de créer une vraie alternative à Canal Plus/Canal Sat sur l'ADSL et se différencier des autres fournisseurs d'accès à internet, avec une chaîne dédiée au sport recrutant les abonnés en masse.
Seulement, ce coût de 208 millions d'euros est colossal, et représenta un trou financier pour Orange. Avec l'abonnement fixé à 6 euros par mois, Orange n'arriva jamais à gagner de quoi rentabiliser cet investissement. L'entreprise a donc d'ores et déjà déclaré ne plus vouloir enchérir pour le prochain appel d'offres. Ce qui pose à nouveau un gros problème pour la LFP. CFoot est donc conçu comme un concurrent créé ex nihilo par la LFP pour faire monter les enchères des droits de la Ligue 1. Sa programmation à base de football doit recruter les amateurs du ballon rond en masse et inciter Canal Plus à payer au plus cher, et ainsi permettre de payer les salaires absurdes des footballeurs.
Mais tout ce plan est assez surprenant économiquement parlant. En quoi CFoot pourrait-il réussir là où Orange, qui avait bien plus de moyens, a échoué ? Le prix de l'abonnement mensuel est à 4 euros. Dans le cas où les différents lots ne trouvaient pas d'enchérisseurs à des niveaux comparables à la dernière fois, il faudrait 668 (millions d'euros) / 12x4 euros (d'abonnement annuel) = 13,9 millions d'abonnés à la chaîne. Sur environ 25 millions de foyers en France, c'est plus de la moitié. C'est totalement délirant. Et c'est sans compter les coûts représentés par le reste de la grille des programmes, et évidemment ceux de diffusion. Et bien sûr, CFoot ne pourrait diffuser qu'un match à la fois, alors que plusieurs ont cours en même temps chaque week-end.
CFoot ne pourra donc pas diffuser seule tous les lots proposés par la LFP. La chaîne prévoit en fait d'être distribuée sur le câble, le satellite en plus de la TNT. Elle compte sur 3,2 millions d'abonnés à terme, dont 700 000 sur la TNT. Ce sont là déjà des estimations très ambitieuses, pour un chiffre d'affaires quand même insuffisant. Là encore, sans compter sur les coûts adjoints, cela représenterait un revenu de 3,2 x 48 = 153,6 millions d'euros. Ce ne serait même pas suffisant pour remplacer les 208 millions d'euros d'Orange. Et Orange n'a réussi à obtenir que 112 000 abonnés. En effet, qui veut payer deux fois, un abonnement à Canal Plus pour avoir 9 matchs par journée de championnat, et un autre pour avoir le dixième ? A ce niveau-là , autant le dire clairement, le business plan de la LFP est non-sens complet.
L'ambition de son architecte, Frédéric Thiriez, est de faire peur à Canal Plus pour qu'elle propose un montant conséquent pour la Ligue 1. Mais il faudrait que les dirigeants de Canal Plus ignorent totalement les données très simples du problème, et le fait qu'ici, c'est la LFP qui a tout à perdre, quand bien même Canal Plus perdrait les droits. Et si son seul risque est de perdre un match sur dix, comme actuellement, celui de la LFP est de devoir financer un investissement à perte, ce qui est pire qu'une non rentrée d'argent. A l'heure des paris sportifs et du poker en ligne, CFoot est donc la chaîne du bluff sur le foot. Paradoxalement, pour elle, obtenir des matchs en direct de Ligue 1 représenterait une malédiction. Le CSA a favorisé cette chaîne pour que Canal Plus ne soit pas en situation dominante sur la TNT payante. Mais s'est-elle vraiment intéressé à sa viabilité, ou bien est-il heureux d'attribuer un canal de diffusion à une simple manœuvre de négociation ?
Le CSA a donc relancé un appel à candidatures pour les remplacer. Canal Plus voulait compléter son offre, en proposant Canal Plus Family à la place de Canal J, afin de continuer à proposer quelque chose pour les enfants. Mais ce fut CFoot qui fut choisie. Ce projet de chaîne est une curiosité en soi. Le président de la Ligue de Football Professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, a voulu cette chaîne pour peser sur les négociations des droits télé de la ligue 1. En résumé, la compétition entre Canal Plus et TPS avait permis de faire monter les enchères pour ces droits jusqu'à atteindre 600 millions par an. Mais TPS fusionna avec Canal Plus, et ce dernier voulu faire des économies sur ce poste. Il y a deux ans, la LFP trouva une solution inespérée avec l'arrivée d'Orange sur le marché. Canal Plus paya moins, en ne déboursant que 460 millions d'euros, pour 9 des 12 lots proposés (le détail par lot n'est pas disponible). Orange remporta le reste, dont un match de Ligue 1 chaque samedi soir, pour 208 millions. Son ambition était de créer une vraie alternative à Canal Plus/Canal Sat sur l'ADSL et se différencier des autres fournisseurs d'accès à internet, avec une chaîne dédiée au sport recrutant les abonnés en masse.
Seulement, ce coût de 208 millions d'euros est colossal, et représenta un trou financier pour Orange. Avec l'abonnement fixé à 6 euros par mois, Orange n'arriva jamais à gagner de quoi rentabiliser cet investissement. L'entreprise a donc d'ores et déjà déclaré ne plus vouloir enchérir pour le prochain appel d'offres. Ce qui pose à nouveau un gros problème pour la LFP. CFoot est donc conçu comme un concurrent créé ex nihilo par la LFP pour faire monter les enchères des droits de la Ligue 1. Sa programmation à base de football doit recruter les amateurs du ballon rond en masse et inciter Canal Plus à payer au plus cher, et ainsi permettre de payer les salaires absurdes des footballeurs.
Mais tout ce plan est assez surprenant économiquement parlant. En quoi CFoot pourrait-il réussir là où Orange, qui avait bien plus de moyens, a échoué ? Le prix de l'abonnement mensuel est à 4 euros. Dans le cas où les différents lots ne trouvaient pas d'enchérisseurs à des niveaux comparables à la dernière fois, il faudrait 668 (millions d'euros) / 12x4 euros (d'abonnement annuel) = 13,9 millions d'abonnés à la chaîne. Sur environ 25 millions de foyers en France, c'est plus de la moitié. C'est totalement délirant. Et c'est sans compter les coûts représentés par le reste de la grille des programmes, et évidemment ceux de diffusion. Et bien sûr, CFoot ne pourrait diffuser qu'un match à la fois, alors que plusieurs ont cours en même temps chaque week-end.
CFoot ne pourra donc pas diffuser seule tous les lots proposés par la LFP. La chaîne prévoit en fait d'être distribuée sur le câble, le satellite en plus de la TNT. Elle compte sur 3,2 millions d'abonnés à terme, dont 700 000 sur la TNT. Ce sont là déjà des estimations très ambitieuses, pour un chiffre d'affaires quand même insuffisant. Là encore, sans compter sur les coûts adjoints, cela représenterait un revenu de 3,2 x 48 = 153,6 millions d'euros. Ce ne serait même pas suffisant pour remplacer les 208 millions d'euros d'Orange. Et Orange n'a réussi à obtenir que 112 000 abonnés. En effet, qui veut payer deux fois, un abonnement à Canal Plus pour avoir 9 matchs par journée de championnat, et un autre pour avoir le dixième ? A ce niveau-là , autant le dire clairement, le business plan de la LFP est non-sens complet.
L'ambition de son architecte, Frédéric Thiriez, est de faire peur à Canal Plus pour qu'elle propose un montant conséquent pour la Ligue 1. Mais il faudrait que les dirigeants de Canal Plus ignorent totalement les données très simples du problème, et le fait qu'ici, c'est la LFP qui a tout à perdre, quand bien même Canal Plus perdrait les droits. Et si son seul risque est de perdre un match sur dix, comme actuellement, celui de la LFP est de devoir financer un investissement à perte, ce qui est pire qu'une non rentrée d'argent. A l'heure des paris sportifs et du poker en ligne, CFoot est donc la chaîne du bluff sur le foot. Paradoxalement, pour elle, obtenir des matchs en direct de Ligue 1 représenterait une malédiction. Le CSA a favorisé cette chaîne pour que Canal Plus ne soit pas en situation dominante sur la TNT payante. Mais s'est-elle vraiment intéressé à sa viabilité, ou bien est-il heureux d'attribuer un canal de diffusion à une simple manœuvre de négociation ?