Le refus du gouvernement d'accorder un "coup de pouce" au SMIC (qui va quand même augmenter) fut critiqué, comme il est de tradition. Mais il n'y a pas que le salaire qui rentre en compte dans l'évolution du budget d'un ménage. Il y a aussi les taxes et les dépenses. Pour ces dernières, la marge du gouvernement s'avère souvent limitée. Il peut évidemment influer sur certains prix, notamment ceux des entreprises publiques telles que l'EDF. Mais pour les produits gérés par le secteur privé, la non intervention est la règle. Or le fait que les entreprises d'assurance vont toutes augmenter le tarif de leurs primes (d'une hausse bien supérieure à l'inflation) ne peut laisser indifférent. Le motif indiqué est particulièrement risible. La "sinistralité" serait en hausse. La tempête Xinthia et l'augmentation du nombre d'accidents de la route sont notamment pointés du doigt. L'argument est un peu court : les assureurs n'auraient pas prévus qu'il y ait des sinistres ? C'est pourtant leur métier. Les primes d'assurance versées les années précédentes visaient justement à nous couvrir de telles éventualités, et lorsqu'elles ont lieu, les assureurs sont pris au dépourvu. C'est à se demander pourquoi il font ce métier.

Surtout que les sinistres en question ne sont pas si extraordinaires que ça. Aucune tempête n'a été aussi importante que celles de décembre 1999, et cela n'a pas poussé les assureurs à baisser leurs tarifs entretemps. De même, les accidents de la route sont bien moins nombreux qu'il y dix ans, une hausse de leur nombre sur une année n'efface pas des années de baisse. Et même si le montant global des indemnisations augmentait, il ne devrait pas y avoir forcément répercussion sur les clients. Une entreprise peut jouer sur plusieurs aspects autre que l'augmentation de ses prix, elle peut par exemple réduire sa marge. Les entreprises d'assurance sont bien loin d'être déficitaires, et le jeu normal de la concurrence devrait inciter à garder ses prix sous contrôle. Mais y a-t-il concurrence ? Les signaux envoyés depuis des mois sur l'augmentation prochaine des prix a un intérêt : celui de faire passer le message que tout le monde va pouvoir augmenter ses prix, sans qu'il y ait d'incertitude sur le comportement du concurrent. Cela s'apparente au mieux à une entente implicite sur les prix, et il serait intéressant de savoir s'il n'y en a pas une d'explicite qui soit à l'oeuvre.

L'employé peut faire face à son employeur pour déterminer son salaire, le contribuable est l'électeur de celui qui fixe le montant des impôts, mais pour défendre son pouvoir d'achat, le particulier ne doit pas oublier son pouvoir de consommateur face aux fournisseurs de biens et de services. De même, l'entreprise doit déterminer la distribution de la valeur entre ses actionnaires, ses employés... mais aussi ses clients. A l'heure actuelle, le pouvoir du consommateur n'est pas suffisamment pris en compte. Il peut être défendu par des associations ou par les autorités. Dans le premier cas, l'UFC Que Choisir et d'autres associations dénoncent des augmentations non justifiées pour bénéficier aux actionnaires. Dans le second, Christine Lagarde, la ministre de l'économie, a annoncé le lancement d'une enquête menée par la direction du Trésor et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. C'est déjà une bonne chose. Mais individuellement, ce genre de pratique est également un appel à ce que chaque consommateur soit particulièrement vigilant, pour qu'il n'hésite pas à résilier un contrat, faire jouer la concurrence, et récompenser des acteurs peut-être plus petits, mais qui ont tout à gagner en proposant des prix plus modérés que les mastodontes du marché.