Alors que Martine Aubry déclare vouloir augmenter le budget public de la culture de 50 %, le reste des pays occidentaux se préoccupe surtout de la gestion de la dette publique. L'Amérique a peiné pour augmenter le plafond de sa dette et ne pas faire défaut, alors qu'en Europe, chacun ne se soucie plus désormais que de réduction de déficits. En France, la présidence de Jacques Chirac s'est terminée sur une baisse des déficits, alors que ceux-ci ont augmenté avec la présidence de Nicolas Sarkozy. Nombreux sont ceux qui n'ont pas compris comment cela s'est passé. Sur son blog, Le Chafouin se demande ainsi : "Nicolas Sarkozy a réussi le tour de force de doper le déficit public, tout en taillant dans les services publics et en ne diminuant pas les impôts. C’est à se demander où est passée la différence."

La question est intéressante. On peut essayer de trouver la réponse en auscultant les budgets votés, ainsi que les rapports d'exécution de la Cour des Comptes. Celle-ci a été présidée dernièrement par Philippe Séguin et Didier Migaud, deux personnalités que l'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard du pouvoir en place. En 2008, le solde budgétaire s'est bien plus dégradé que ce qui n'était prévu par le budget voté par le Parlement (une différence de 14,5 milliards d'euros). C'est le résultat de dépenses publiques plus fortes que prévues, et surtout, d'une hausse tant des transferts de l'Etat vers d'autres administrations publiques que des allègements d'impôts.

En 2009, le déficit de l'Etat s'est aggravé de façon spectaculaire, passant de 56 à 138 milliards. C'est le montant exécuté, dans le budget voté, il était encore plus important, visiblement le gouvernement a réussi à faire quelques économies au cours de l'année. Dans ce bond, on peut distinguer plusieurs causes : 22,9 milliards dues à des mesures fiscales anciennes et nouvelles, 24,3 milliards de recettes manquantes du fait de la dégradation brutale de l'économie, et 15,7 milliards de dépenses dues au plan de relance de l'économie. C'est une somme conséquente, et l'on se souvient qu'à cette époque, Barack Obama faisait pression sur les pays européens pour qu'ils mettent en œuvre une relance encore plus importante (le plan de relance américain fut bien plus massif en proportion).

L'année suivante, tant les recettes que les dépenses ont augmenté. L'augmentation des recettes de 2010 vient notamment des intérêts des prêts accordés aux banques. L'augmentation des dépenses provient du programme d'investissements d'avenir, ce qui correspond aux dépenses engendrées par le grand emprunt (qui n'est pas comptabilisé comme une recette à proprement parler). Au bout du compte, c'est quand même 10 milliards de déficits en plus.

C'est ainsi qu'on peut répondre à la question initiale. Si on a l'impression que le gouvernement taille dans les services publiques, les charges de fonctionnement courant ne sont toujours pas maîtrisées, ce qui montre que l'effort est insuffisant à ce niveau là. Contrairement à ce que l'on peut penser également, les impôts ont été diminués, avec toutes les mesures mises en places ces dernières années. D'après l'INSEE, le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques a constamment diminué depuis 2006, passant de 44 % du PIB à 41,6 %. En outre, la crise économique mondiale a eu un effet très réel sur les finances publiques, d'abord sur le manque à gagner colossal au niveau des recettes, ensuite sur les charges plus importantes, qu'elles soient mécaniques (augmentation des indemnisations de chômeurs) ou bien par politique contra-cyclique (le plan de relance).