La loi sur la protection du consommateur, prévue de longue date par le gouvernement, ne sera pas votée sous la législature actuelle. En d'autres termes, elle vient d'être enterrée. La raison est pour le moins risible : il n'y a plus assez de temps pour qu'elle puisse être discutée. La loi en question vise à permettre des actions juridiques groupées de la part des victimes de mêmes pratiques commerciales délictueuses (les class actions à la française), de ne plus faire payer le temps d'attente des hotlines (ce qui est la moindre des choses), à améliorer l'organisation des soldes et d'autres sujets proches. Elle aurait reçu plus de 500 amendements, rendant difficile sa lecture en une quinzaine d'heures disponibles. Il est franchement étonnant que le parlement français en soit à l'heure près, et rechigne à faire des heures supplémentaires pour se pencher sur une loi qui est prête et qui a été conçue pour le bien être des Français. On reprochera difficilement à des députés d'en faire trop, c'est justement le reproche inverse qui est courant. Dès lors, il est incompréhensible qu'ils ne se soient pas débrouillés pour trouver un moyen afin de voter cette loi, y compris après amendement.

Surtout que la protection du consommateur n'est pas un thème particulièrement anodin. Alors que les entreprises sont toujours dans des fièvres de fusion afin de renforcer leur pouvoir de négociation, on se retrouve avec un nombre restreint de fournisseurs, de distributeurs, mais un nombre très élevé de clients en bout de chaîne. La force de négociation n'est pas la même, et si une pratique commerciale néfaste au consommateur prédomine, il est difficile pour celui-ci de s'adresser à un nouveau vendeur qui tenterait de se différencier en ne la pratiquant. Dans la concurrence pure et parfaite, il est censé y avoir un grand nombre tant de vendeurs que d'acheteurs dans chaque produit. En réalité, il n'y a qu'un nombre limité d'enseignes de grande distribution, de marques qui y sont présente par type de produit (la marque leader, la marque challenger, la marque distributeur, et la marque premier-prix, du distributeur également) alors qu'il y a des dizaines de millions de consommateurs. Oligopoles à tous les niveaux donc, sauf au niveau de l'acheteur final, qui passe pour le dindon de la farce.

De même manière que les syndicats d'employés sont légitimes s'ils sont représentatifs, il est nécessaire qu'il y ait des associations de consommateurs fortes, pour peser dans le débat public et avoir le même niveau d'influence sur la législation que les grandes entreprises. De ce point de vue, le retrait de cette loi de défense du consommateur est emblématique des intérêts divergents : alors que ces associations sont amères de devoir tout recommencer, le milieu entrepreneurial se félicite de l'enterrement d'une loi qui les gênait. Pour que cette loi revoie le jour, il faudrait que la prochaine législature décide de la remettre sur le grill. Nul doute que si la loi actuelle a déjà tant attendu, jusqu'à être éliminée en fin de compte, le prochain gouvernement aura bien d'autres priorités. Cette loi était pourtant bénéfique pour les Français dans leur vie quotidienne...