Nous y voilà. Nicolas Sarkozy vient d'être intronisé candidat de l'UMP pour la prochaine élection présidentielle, deux mois environs après Ségolène Royal pour le PS. Le début de cette confrontation apparaît bien plus tôt que lors des précédentes présidentielles. Et tout se fait dans le cadre d'une montée en puissance de la campagne, et des candidats. Cette fois-ci, le choix proposé entre les deux favoris est assez marqué, mais l'opposition droite/gauche n'est pas suffisant pour décrire les différences entre eux. Ils jouent sur des registres très différents : Nicolas Sarkozy a tenté de montrer compétence et fermeté aux ministères de l'Intérieur et des Finances, il souhaite tenir à la France un discours fort et raisonné et apparaître comme la personne solide sur laquelle la France pourrait s'appuyer dans les difficultés. Ségolène Royal se veut plus apaisante, plus éloignée des grandes questions pour favoriser un souci des petites choses, en apparaissant comme une personne peu expérimentée elle espère donner une impression de nouveauté, et n'hésite pas à jouer sur sa féminité, sa différence visible avec ses anciens opposants à l'investiture socialiste, ainsi que sur son statut de mère. En fin de compte, ce serait plutôt ça la promesse de sa campagne : le bon sens d'une mère de famille pour gérer les affaires de l'Etat.

Vu sous cette grille de lecture, les choses sont tout de suite plus saisissantes. Si Ségolène Royal n'est pas la première personnalité politique à mettre en avant le fait que ce soit une femme, c'est la première à se proclamer mère avant tout, comme elle l'avait montré en conviant les photographes à lui rendre visite à la maternité à la naissance de sa benjamine. Mais il est vrai que les valeurs associées au statut de mère sont positives : cela donne l'image d'une personne soucieuse de ses enfants et qui les console, les protège... De l'autre côté, Nicolas Sarkozy, par l'image d'homme d'Etat qu'il veut donner apparaît patriarcal. En effet, il est le père par contraste de la candidate socialiste, qui semble plus distant, mais aussi plus fort. Son ambition, mise au service de la France, "le choix d'une vie", font de lui quelqu'un qui voudrait être l'homme providentiel dont la France a besoin pour relever tous les défis.

Pour les prochains mois, une grande partie du débat présidentiel se portera sur le choix à faire entre ces deux candidats qui ont l'air suffisamment différent pour poser une vraie question à la France : Droite ou gauche ? Sarko ou Ségo ? Détermination ou douceur ? Un papa ou une maman ?

Ces cinq dernières années, le monde n'a pas tant changé que ça, il suffit de voir la presse de l'époque pour s'en rendre compte. Autour de ces deux figures polarisantes, le débat politique lui semble se clarifier, entre celui qui propose ses solutions au peuple et celle qui verra bien une fois élue ce qu'il faut faire. Il ne faudra certes pas sous-estimer les candidats outsiders : François Bayrou peut espérer facilement pouvoir faire deux fois plus de voix que lors de sa dernière tentative, et rien ne peut laisser penser que Jean-Marie Le Pen puisse avoir moins de voix que lorsqu'il est allé au second tour en 2002. Mais la différence, c'est qu'aujourd'hui les candidats des deux principaux partis semblent pouvoir faire de meilleurs scores que leurs prédécesseurs, Lionel Jospin et Jacques Chirac. Au choc du 21 avril a laissé place une action prudente du Président de la République, qui ne se démarquait pas nettement de ce que faisait Lionel Jospin en étant son Premier Ministre. Cette fois-ci, si les difficultés des Français ne sont pas réglées pour une bonne part, le choix de société est autrement différent : il engage clairement la France. Souhaitons que les Français affirment une volonté claire lors de ce scrutin.