Qui a bien pu penser le premier à cette prime de 1 000 euros, et qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête à ce moment-là ? Cela reste flou, mais on peut tenter de retrouver quelques éléments de cette réflexion...
  1. Les gens se plaignent que leur pouvoir d'achat n'augmente pas.
  2. Les caisses de l'État sont vides, donc absolument aucune marge de manœuvre de ce côté-là.
  3. Si quelqu'un doit augmenter les salaires, c'est donc le privé.
  4. Seules les entreprises qui vont bien peuvent se permettre d'augmenter leur masse salariale. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'investissement.
  5. Il faut donc pousser (par des défiscalisations qui se révéleront quand même coûteuses pour les finances publiques) ou forcer les entreprises qui vont bien à rémunérer davantage son personnel.
  6. La mesure doit être spectaculaire, pour que les gens aient vraiment l'impression d'en avoir plus dans leur portefeuille.
Voilà comment on s'est retrouvé avec une annonce grandiloquente de prime à 1 000 euros pour tous les salariés travaillant dans des entreprises de plus de 50 salariés qui augmentent leurs dividendes. Les dirigeants d'entreprises sont consternés : ce n'est ni plus ni moins qu'une nouvelle usine à gaz qui se créé devant eux, et dont ils sont les dindons de la farce. Après tout, c'est bien le rôle d'une entreprise d'allier capital et travail pour permettre une production qui rémunérera tant le capital que le travail. Ce n'est pas le rôle de l'Etat de forcer l'entreprise de moins rémunérer le capital pour rémunérer davantage le travail. Normalement, il y a la négociation entre l'employeur et l'employé pour décider de ce genre de choses. Et décider d'une telle mesure à si brève échéance, alors que des plans d'affaires sont réalisés bien à l'avance, c'est vraiment se moquer du monde économique.

Mais le pire, c'est que cette mesure ne déchaîne pas l'enthousiasme des salariés non plus. Comme il s'agit d'un moule unique pour tout le monde, le nombre d'entreprises pouvant encaisser un tel coût est assez faible. Les critères décidant de ces entreprises sont réducteurs, et forcément, peu de salariés bénéficieront de cette prime à 1 000 euros. En outre, si la prime est pérenne, les entreprises sauront ce qu'une augmentation de leurs dividendes impliquera comme coûts salariaux, et préféreront peut-être ne rien augmenter, quitte à vouloir rémunérer les actionnaires par la seule augmentation de la valeur de l'action. Si la prime n'est pas pérenne, ce sera un dispositif un peu ridicule dont on ne souviendra pas. Dans les deux cas, le risque est que les entreprises prenne sur les augmentations ou autre crédits de toute façon prévue pour les salariés, ce qui n'en feront pas des gagnants.

Nous voilà donc face à cas évident de mesure gadget qui ne satisfera personne, ne réglera rien et sapera un peu plus le climat économique. Quelle nécessité d'une intervention de l'Etat à ce niveau-là ? Quelle confiance est-elle possible entre agents économiques avec de telles conceptions économiques ? Si les salariés doivent bénéficier des bénéfices par l'entreprise, les dispositifs d'intéressement qui existent déjà sont de bien meilleurs vecteurs. Moins spectaculaire que ses concepteurs l'ont cru, la prime de 1 000 euros ne leur bénéficiera probablement pas non plus.