Les élections de mi-mandats aux Etats-Unis ont vu les républicains défaits par les démocrates, qui ont repris le contrôle du Sénat comme de la Chambre des représentants, ce qui n'était pas arrivé depuis 1994. Les motifs de mécontentement des électeurs américains étaient nombreux : guerre en Irak évidemment, mais aussi scandales sexuels, corruption, débats moraux sur les cellules souches, usage de la torture, respect des libertés individuelles, économie et thématiques locales... tout cela a favorisé un vote démocrate fort, qui s'apparentait davantage à une sanction de pouvoir en place. La législature précédente avait failli à contrôler efficacement l'exécutif, alors que c'est précisément son travail. Les représentants s'étaient d'ailleurs faits remarquer par leur faible présence au Congrès ces deux dernières années.

Mais il n'y avait pas que des représentants et des sénateurs à élire, chaque électeur pouvait voter pour un bon nombre de décisions à prendre, comme les éventuelles élections de gouverneurs, de maires, de députés ou sénateurs d'état, ainsi que de nombreux postes plus ou moins locaux, sans oublier les nombreux référendums sur lesquels les citoyens avaient à se prononcer. A ce titre, il faut remarquer la façon dont s'est déroulée la campagne électorale. Aux Etats-Unis, elle est longue, précédée plusieurs mois en avance par la campagne des primaires entre les différents candidats aux investitures démocrates ou républicaines pour un même poste. Mais elle est surtout complètement dominée par des questions d'argent, vu les sommes folles nécessaires pour financer chaque campagne si jamais elle est disputée. La compétition se transforme souvent en une épreuve de levée de fonds, ce qui l'éloigne des électeurs.

En effet, si elle a une influence énorme sur le monde entier, les Américains se désintéressent beaucoup de la politique de leur pays. Les taux d'abstentions sont bien pires qu'en France, surtout pour les élections de mi-mandats, où il n'y a pas l'enjeu de la présidentielle pour attirer les électeurs. En conséquence, la politique n'attire pas forcément les téléspectateurs, et dans leurs tranches d'informations, elle est traitée de façon assez distante par les grands réseaux de chaînes télévisés. Certes, la politique est bien plus présente sur les chaînes continues d'informations, mais on est plus dans le cadre de l'information généraliste. De ce fait, pour apparaître à la télévision devant le plus grand nombre, les candidats doivent dépenser des sommes immenses en publicités télévisées, pratique autorisée outre Atlantique au nom de la liberté d'expression. Avant même les primaires, la viabilité d'un candidat est donc mesurée aux sommes qu'il arrive à lever par divers moyens : riches particuliers, petits dons d'anonymes, dîners avec des personnalités, ou bien financement par des lobbys. Cette dernière possibilité est la plus navrante, mais c'est pourtant la plus efficace : de nombreux groupes de pressions font le maximum pour faire passer leurs vues et les intérêts de leurs clients dans la législation américaine. La frontière avec la corruption n'est vraiment pas loin, mais c'est comme cela que ça marche là bas.

Dans ces publicités, les candidats font d'abord la promotion de leur personne, pour se faire connaître et apprendre aux électeurs les qualités qui les caractérisent. Des sondages serrés ou franchement mauvais incitent ensuite à adopter un autre angle, celui de l'attaque personnelle envers le concurrent. A ce titre, à peut prêt toutes les accusations sont permises : soumission aux lobbys justement, incompétence, irrésolution, absence de service dans l'armée, mensonges, le fait d'être proche d'une personnalité impopulaire (en l'occurrence cette année, les républicains essayaient de se distancer de George Bush), petite vertu, infidélité au sein du mariage, racisme... la liste est vraiment sans fin. Et ce sont ces attaques que les candidats s'échangent par publicités interposées, à une fréquence qui devient infernale plus les élections approchent, rendant rares les publicités pour les produits de grande consommation. Cette année, les dépenses engagées dans les publicités télévisées pour les campagnes électorales ont battu les records précédents.

Le procédé est d'ailleurs tout aussi vicieux pour les référendums au niveau des états. En Californie, les manufacturiers de tabac ont dépensé des millions en publicités vraiment vicieuses pour convaincre avec succès les électeurs de rejeter une mesure qui les taxerait pour financer des programmes de santé, dont la lutte anti-tabac. De même, les compagnies pétrolières ont réussi à faire rejeter par ce moyen une mesure analogue finançant la recherche en énergies renouvelables. Les publicités laissaient entendre que cette mesure engendrerait un moindre financement des écoles, avec l'argument tordu et non énoncé que les taxes permettraient feraient baisser le bénéfice de ces sociétés, l'impôt sur les bénéfices serait donc moins élevé et les rentrées d'argent de l'état seraient donc moins importantes, d'où des difficultés à financer les écoles, la police ou les pompiers. Bref, ce fût presque une campagne uniquement constituée de coups bas et de malhonnêteté intellectuelle, et même s'il restait des sources d'informations rigoureuses qui parlaient de politique, elles semblaient bien loin du grand public.