Lors de l'élection régionale en Rhénanie du Nord Westphalie, il y a une semaine, 7,8 % des voix sont allées au "parti pirate" allemand. Peu de temps auparavant, ce parti était également parvenu à un résultat similaire en Schleswig-Holstein. En Suède, où le premier "parti pirate" a été créé, des tels résultats ont permis à cette mouvance d'avoir deux députés européens, grâce à la proportionnelle. De tels partis se répandent en Europe. Ainsi, plusieurs dizaines de candidats devraient être alignés sous cette étiquette en France, à l'occasion des élections législatives.

En tant que tel, il est difficile de dire que la création d'un nouveau mouvement politique est une mauvaise chose. En effet, l'un des principes de base des démocraties représentatives, c'est que si l'on pense pouvoir faire mieux que les élus actuels, on n'a qu'a se présenter soi-même pour voir si l'on trouve l'assentiment de ses concitoyens, et ce que l'on donne si on est élu. C'est strictement ce que font les militants des partis pirate. La vraie question à se poser est plutôt : "faut-il voter pour un parti pirate ?" Chacun répondra à cette question en son âme et conscience (s'il se la pose), mais l'étude des propositions du parti force quelques observations.

En premier lieu, il s'avère que c'est un parti monothématique. C'est encore pire que les partis écologistes ou de défense de la chasse : la seule question que les "pirates" se posent, c'est, comme leur nom l'indique, celle du piratage sur internet. Et leur réponse est sans ambiguïté : ils sont pour. En revanche, pour tout le reste, ce ne sera pas à eux à qui il faudra s'adresser. L'emploi ? Le pouvoir d'achat ? Le logement ? La pérennité des retraites ? Les crises financières actuelles ? La productivité des entreprises françaises ? Ce sont les problèmes les plus importants en France de nos jours, ceux qui demandent de vraies réponses, réponses que seraient bien incapables de donner les pirates. Ils s'adressent avant tout à un public de personnes s'intéressant peu à la politique en particulier et à l'actualité en général, et ils espèrent recueillir les suffrages de personnes qui, comme eux, font du téléchargement illégal un vrai mode de vie.

Car au fond, en défendant le "partage" systématique de tous les contenus intellectuels, ils cherchent surtout à échapper aux sanctions pénales luttant contre les infractions au code de la propriété intellectuelle. Dans leur logique, toute oeuvre doit pouvoir être partagée, donc téléchargeable gratuitement, facilement et sans risque, ce qui suppose la fin des organismes de lutte contre le piratage, la fin des protections anti-piratage, la fin des législations dédiées... C'est donc le loup qui réclame la fin des clôtures autour des bergeries, le libre accès au mouton, et la fin des chiens de garde. Il n'est pas difficile d'imaginer ce qui se passerait dans un tel cas. Le parti pirate français critique le système économique actuel de la propriété intellectuelle, affirme qu'il se portera mieux si ses propositions sont adoptées, mais ne semble pas comprendre que l'adoption de telles propositions rendrait à peu près vain toute tentative de se faire de l'argent en créant de nouvelles œuvres. Pour filer la métaphore, qui se donnerait la peine de s'occuper d'une bergerie, si le bénéfice irait exclusivement aux loups, et non au berger ?

En fin de compte, la lutte du parti pirate, c'est celle de pouvoir télécharger le dernier film des Transformers alors qu'il est encore au cinéma, sans risquer de se faire couper sa connexion à Internet en représailles. Est-ce vraiment la question majeure de notre époque ? Pas du tout. En conséquence, la pertinence d'un parti pirate dans notre débat politique est nulle.