A l'heure où Jacques Chirac fait ses adieux, où Dominique de Villepin pense à l'avenir, et où toute la droite est engagée dans l'élection présidentielle à venir, il est peut-être temps de faire le bilan de la législature passée. Certes, au bout du compte, ce sera bien l'Histoire qui jugera. Mais on peut déjà tenter d'esquisser ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années. Si l'on en juge aux côtes de popularité et aux élections perdues par la droite, c'est peu de dire que les Français n'ont pas entièrement satisfaits de leurs gouvernements. Il faut dire que certaines choses n'ont pas été faites, et que d'autres étaient impopulaires. Par exemple, le CPE, tentative maladroite de remédier au chômage des jeunes, a été rejeté violemment. D'une manière général, tout ce qui a touché à l'éducation, que ce soit au secondaire ou au supérieur, a été l'occasion de grands mouvements de protestations. Même la réforme LMD, qui visait à réorganiser les diplômes pour leur donner une signification au niveau européen, fut à l'origine de manifestations étudiantes.

Pourtant, si certaines réformes furent impopulaires, il faut quand même en mettre une bonne partie au crédit des gouvernements Raffarin et de Villepin. Le meilleur exemple est bien sûr la réforme des retraites, un dossier explosif qui n'a pas manqué de provoquer de l'agitation dans la service public, puisqu'il était question d'allonger la durée de cotisation (pour que les fonctionnaires passent de 37 ans et demi à 40 ans comme tout le monde, puis à 42 comme tout le monde aussi, mais dans l'avenir). Quelques voix s'élèvent parfois pour dire qu'elle n'allait pas assez loin, mais elle avait le mérite de faire une grande avancée. Surtout que lors de la précédente législature Lionel Jospin, qui avait pourtant bien conscience de l'urgence et de la gravité de la situation à régler, n'avait strictement rien fait par pure peur. La lutte contre l'insécurité, et notamment celle routière, a également été l'occasion de mettre en place des mesures impopulaires mais nécessaires. Ainsi, l'installation de radars un peu partout a été mal vécue par bon nombre d'automobilistes, vu les amendes qui tombaient régulièrement voire les permis qui sautaient, mais les résultats sont là en matière de réduction du nombre de morts et d'accidents, et cela grâce à la baisse de la vitesse sur la route.

D'autres dossiers portent moins à la controverse : la politique étrangère de la France a, sous Jacques Chirac, été dans la tradition de celle appliquée par la France depuis de Gaulle pour l'essentiel. Il y a une grosse différence sur l'engagement européen, Jacques Chirac en étant un fervent partisan. Et si la politique étrangère de la France a été plutôt couronnée de succès (comme l'a montré les crises irakiennes ou libanaises), l'échec en matière de politique européenne est tout aussi clair : le non au traité constitutionnel européen a été un échec majeur. En matière de politique sociale, l'action de Jean-Louis Borloo est reconnue. Il a en effet relancé la construction de logements en doublant pratiquement le nombre de mises en chantier en cinq années. De plus, la baisse du chômage enregistrée ces deux dernières années sont également positives, même s'il reste évidemment beaucoup à faire en la matière. Après des résultats mitigés, le déficit budgétaire semble enfin diminuer. Et bien que contesté, Nicolas Sarkozy peut se targuer de résultats positifs en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité : la baisse du nombre des délits a été forte, et même la hausse des violences faites aux personnes est bien moindre que celle enregistrée par Jean-Pierre Chevénement et Daniel Vaillant lorsqu'ils étaient au ministère de l'Intérieur.

D'un autre côté, on peut regretter fortement que Jacques Chirac n'ait pas tenu certaines de ses promesses de 2002, avec en premier lieu la mise en place du service minimum dans les services publics et la hausse de l'effort de recherche à 3 % du PIB qui n'ont pas eu lieu, malgré la nécessité évidente de telles mesures. Conséquence : elles se retrouvent telles quelles dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce n'est pas prendre un grand risque non plus que de dire que la fracture sociale n'a pas été résorbée, la situation dans les banlieues pauvres étant toujours très difficile. Mais ce n'est pas que l'échec de cette législature, c'est l'échec de la présidence Chirac depuis 1995.

Il faut tout de même reconnaître également l'action de plusieurs ministres moins importants, qui ont oeuvré de manière plus discrète dans leur domaine. Par exemple, François Baroin a mené une action vis-à-vis des DOM TOM peu spectaculaire vue de la métropole, mais qui fut appréciée dans les territoires concernés. Au final, c'est bien un bilan en contraste qu'il faut voir, avec ses réussites et ses échecs. Une bonne part des regrets qu'il y a avoir viennent notamment que les gouvernements de la législature qui s'achèvent n'ont pas réussi à battre les conservatismes à chaque fois qu'il le fallait et n'ont pas trouvé le moyen de les dépasser. Bien sûr, il est difficile de dire à ceux qui souffrent que l'action publique a été un succès ces cinq dernières années, et on ne peut pas vraiment dire que c'était le cas. Mais on ne peut pas se permettre de dire que ce fut un échec complet. En fin de compte il y a un bilan marqué par ce qui a été fait, et les dossiers où la volonté a manqué pour faire ce qu'il fallait. De toutes les manières, la prochaine législature se devra d'être plus efficace, de ramener sur le devant de la scène les thèmes où il faut agir, et adopter une méthode d'action forte et exigeante, où l'intérêt général devra primer.