Alors que l'on pensait que l'Allemagne ratifierait sans problème le Traité de Lisbonne, l'arrêt rendu le 30 juin dernier par le Tribunal Constitutionnel allemand peut surprendre. Les juges de Karlsruhe ont en effet stipulé que si le Traité est compatible avec les institutions allemandes, il faut néanmoins se méfier de la perte de souveraineté qu'il engendre pour le peuple allemand sur des questions qui le concerne totalement. Le passage de compétences de l'échelon national à l'échelon européen est marqué par un contrôle insuffisant de la part de l'Allemagne. Le Tribunal préconise donc qu'une loi renforçant le contrôle des institutions européennes par le Parlement allemand soit votée. Il pourra alors approuver sans réserve le Traité de Lisbonne, ce qui permettra au Président de la République allemande de le ratifier à son tour. Cette étape est importante dans la mesure où le Traité fut contesté par divers groupes minoritaires allemands.

Ce n'est pas la première fois que le Tribunal de Karlsruhe s'immisce dans les affaires européennes. Cela peut paraître contrariant, car l'Allemagne est généralement très pro-européenne, et que la construction européenne n'a pas besoin d'un pays de plus qui y soit réticent. L'argument de la perte de souveraineté est courant. Il néglige généralement le fait qu'il s'agit moins d'une perte de souveraineté que d'une souveraineté partagée : le fait que d'autres pays aient voix au chapitre concernant son propre pays veut aussi dire que l'on a soi-même voix au chapitre sur les affaires des autres. Il faut bien sûr qu'en vertu du principe de subsidiarité l'échelon européen soit le plus pertinent pour le thème en question.

L'arrêt du Tribunal Constitutionnel allemand ne relève pourtant pas de cette sempiternelle objection. La perte de souveraineté s'apparenterait ici moins à un nationalisme systématique qu'à un souci de démocratie. Le problème des institutions européennes est en effet leur caractère insuffisamment démocratique. Malgré ses progrès en la matière, le Traité de Lisbonne ne permet pas un contrôle total de l'ensemble des institutions européennes par le Parlement Européen. Le Conseil Européen est une réunion de dirigeants nationaux qui ne sont contrôlés que par leurs parlements nationaux respectifs. La Commission Européenne n'est encore pas suffisamment contrôlée par le Parlement européen, puisqu'il n'en est pas issu. Il est donc normal que les Parlements nationaux puissent s'associer s'ils le souhaitent au contrôle des institutions européennes. Ils doivent néanmoins garder à l'esprit que ce contrôle ne doit pas se faire sur la défense de l'intérêt national, mais sur la recherche de l'intérêt européen de façon plus globale.