La crise économique qui touche aujourd'hui le monde entier est surtout une crise de confiance. Ce paramètre est d'ailleurs central dans l'économie, et joue un rôle dans la plupart des crises, tant l'économie est dépendante des anticipations des différents acteurs. L'événement d'origine, l'écroulement des placements liés aux subprimes, n'était pas d'une taille suffisante pour mettre à mal l'économie mondiale à si grande échelle. Si les conséquences se sont diffusées, ce fut bien du fait de la suspicion qu'elle a entraînée, poussant les établissements financiers à restreindre considérablement le crédit par peur de faire face à des intervenants in fine insolvables, ou bien de vouloir augmenter la marge pour limiter une baisse des profits. Ces premiers signaux ont immédiatement indiqué au reste des agents économiques une situation grave, les poussant à leur tour à faire le dos rond et à attendre des jours meilleurs. Ce qui a entraîné une contraction forte de la demande, faisant basculer l'ensemble des secteurs économiques dans la récession. A partir de ce moment-là, le cercle est vicieux : la récession fait peur aux agents qui donc limitent leurs dépenses, ce qui accroit la la récession. En comparaison avec les crises économiques précédentes, l'aspect plus international que de coutume de celles-ci ne fait qu'ajouter à sa gravité.

Au moins peut-on espérer que l'on appris des expériences précédentes. L'Histoire économique nous a surtout appris qu'il n'y avait pas de principes simples absolus en la matière, qu'une seule recette ne pouvait servir de réponse à tout. Les situations sont diverses et demandent donc que l'on s'adapte au cas par cas. Quels sont les signaux de cette crise-ci ? Contrairement aux années 70, on ne peut parler de stagflation. En effet, l'inflation qui était jusqu'à très récemment une menace, a quasiment été effacée par la baisse brutale de la demande. Les prix des matières premières tels que le pétrole ou les céréales sont en chute libre. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui craignent une déflation, soit un excès flagrant de l'offre par rapport à la demande, forçant baisse des prix, chômage partiel et fermeture des usines. La situation peut ainsi être comparée avec la crise de 29, qui était du même type. Pour y faire face, l'économiste John Maynard Keynes a conçu des politiques économiques fondées sur l'encouragement de la demande.

Les politiques keynesiennes apparaissent comme judicieuses actuellement, mais il faut être conscient qu'elles n'ont pas vocation à être appliquées en permanence. Certains socialistes notamment font de la politique de la demande une exigence constante, principalement pour des raisons idéologiques. Cela ne doit pas être le cas. En France notamment, la persistance de déficits publics importants ont souvent été vus comme une manière de favoriser le bien être social. Cette persistance même créait une accoutumance qui finissait par rendre quasiment neutre les effets de cette politique de la demande, pour n'en conserver que les inconvénients, c'est à dire la dette publique.

Toujours est-il que les pays du monde entier adoptent logiquement des plans de relance basés sur la dépense publique pour créer de la demande. Si aux Etats-Unis, le plan de Barack Obama manque encore de précision, en Europe chaque pays est généralement un peu plus avancé dans ce processus. L'internationalisation des économies, notamment celles de l'Union Européenne, pousse naturellement les différents gouvernements à coordonner leurs efforts, à défaut de pouvoir s'entendre sur un plan global.

Dans le cas particulier de la France, il faut trouver par quels leviers l'argent public peut être à même de favoriser une reprise de la demande. L'un des premiers critères est de trouver de quelle façon l'argent dépensé peut profiter à l'économie française ou même européenne, plutôt que pousser à l'achat de biens par exemples asiatiques : de par sa structure d'échanges, la croissance française dépend de sa demande intérieur et des exportations européennes bien plus que de la demande chinoise. La relance doit pouvoir impacter autant de strates économiques françaises et européennes que possible. Le deuxième critère est celui de l'arbitrage entre la consommation, l'investissement et l'épargne. Aujourd'hui, l'épargne n'est pas quelque chose qu'il faut favoriser. La peur vis-à-vis de la situation économique pousse à épargner, d'où le cercle vicieux déjà évoqué. Les différentes banques centrales l'ont bien compris, et ont pour cela nettement diminué leurs taux d'intérêts, pour rendre le crédit plus attractif et l'épargne moins rémunératrice. Mais cette propension à épargner, facteur psychologique, doit aussi être prise en compte dans le plan de relance. Donner de l'argent aux ménages dans cette optique ne serait pas efficace de façon optimale, dans la mesure où ils risqueraient d'en épargner une bonne partie. Cela doit être pris en compte.

Le plan de relance actuel a principalement été conçu sur ces bases là. L'immobilier et la construction automobile sont des secteurs limitant l'appel aux économies lointaines. Que ce soit pour des sacs de ciment ou des voitures, il y a une limite de poids qui rend le trafic de marchandises peu rentables, et pour la France, les usines peuvent difficilement être plus éloignées que l'Europe ou l'Afrique du Nord. En outre, ces deux secteurs nécessitent une main d'oeuvre importante sur le lieu de vente, et font vivre également un très grand nombre d'entreprises en rapport.

Dans le cas de l'immobilier, il est d'ailleurs à noter que la baisse des prix est faible en France : la demande de logements reste structurellement forte, et les vendeurs sont peu enclins à baisser leurs prix sachant cela. La conséquence est surtout la baisse du volume des transactions, ainsi que des mises en chantiers. Un plan de relance ambitieux peut être l'occasion de faire travailler les entreprises de BTP à des infrastructures publiques, en attendant qu'elles recommencent à construire des logements privés. De très nombreux projets d'infrastructures n'attendent qu'une ligne de financement. Ne serait-ce qu'avancer immédiatement les fonds échelonnés dans le temps est une bonne idée. Il y a par exemple beaucoup à faire en matière de transports en commun en France, et c'est actuellement la bonne période pour faire avancer ce genre de dossiers.

La construction automobile est un bon exemple de façon de contourner la propension à épargner : les fonds versés aux ménages prennent la forme d'une réduction de prix sur les voitures neuves prise en charge par l'Etat directement auprès du constructeur. Les consommateurs n'ont dès lors qu'un choix prédéfini d'utillisation avec l'argent proposé, celui jugé utile pour la collectivité. Mais tant qu'à faire, autant faire en sorte que ces véhicules subventionnés profitent également à la société. Un critère important quant aux réductions devrait être le respect de l'environnement par ces véhicules, poursuivant ainsi les objectifs du Grenelle de l'Environnement. Cela pourrait d'ailleurs être l'occasion de développer les compétences des constructeurs européens en matière de véhicules propres.

D'une manière générale, si les de relance peuvent être des opportunités à la fois économiques et publiques, il ne faut surtout pas oublier que cette crise a vocation à être temporaire. L'économie doit sentir nettement l'impact de relance, mais pas se redimensionner en incluant une dépense publique de cette ampleur. Par exemple, quand Xavier Darcos annonce le financement de l'emploi de 5 000 personnes pour mettre fin à l'absentéisme scolaire sur les fonds du plan de relance, cela ne peut qu'être mauvais à terme. Un tel objectif n'a pas un horizon final de trois ans seulement, et après la crise, la France devra toujours mettre en œuvre des politiques fortes des dépenses structurelles de l'Etat. L'argent dépensé ne peut l'être que de façon conjoncturelle. De même, la crise ne doit pas faire oublier certaines restructurations nécessaires. Ainsi, les mesures en faveur de la presse sont vouées à l'échec malgré les centaines de millions d'euros prévus. Et ce pour une simple raison : rien n'est fait pour remédier à ce qui cause vraiment problème, soit les blocages en matières d'impression et de distribution.

Au final, si la crise donne de grandes difficultés mais aussi certaines opportunités, il ne faudra pas oublier de faire preuve de discernement pour maximiser les chances de récupération rapide.