La parution du nouveau Livre blanc sur la Défense l'année dernière a été accompagnée par l'annonce d'une vaste restructuration des forces armées françaises, amenant in fine la suppression de 54 000 postes, ainsi que la dissolution ou le transfert géographique de nombreuses unités. Cela peut paraître étonnant, dans la mesure où les missions assignées à la Défense Nationale ne semblent pas si différentes de celles prévues par le précédent Livre blanc, datant de 1994. Ces missions sont le renseignement, la prévention, la dissuasion, la protection et l'intervention. Tout cela est fort compatible avec le modèle envisagé lors de la professionnalisation des armées françaises. Comme à l'époque, l'accent est mis sur la menace de chocs asymétriques, demandant plus d'expertise de la part des militaires, tout en ne négligeant pas la possibilité de conflits entre Etats. Surtout, le nouveau Livre blanc ne minimise en aucune façon l'évolution des menaces dans la dernière quinzaines d'années. Elles sont reconnues comme plus importantes, les situations dangereuses se multipliant. Faut-il vraiment alors diminuer les effectifs des armées françaises ?

Ce n'est pas l'idée qui s'impose tout au long de la lecture de l'ouvrage. L'accent mis sur le besoin stratégique de six sous-marins d'attaques et de quatre sous-marins lanceurs d'engins (ce qui correspond à l'équipement français actuel) laisse au moins présager la reconduction des forces présentes. La logique des diminutions d'effectifs se comprend mieux avec le chapitre consacré à l'effort financier. Il apparaît que les lois de programmations militaires de 1997 à 2003 et de 2003 à 2008 n'ont pas été suivies du financement prévu. Dans la première période, c'est au final 13 milliards d'euros qui ont manqué, par choix budgétaires effectués par le gouvernement de l'époque. Dans la deuxième, les crédits ont été nettement réévalués, mais un milliard d'euro manquait tout de même au bout du compte. A cela s'ajoutait une sous-estimation régulière des besoins de fonds, ainsi que le financement nécessaire d'opérations extérieures (Kosovo, Afghanistan, Côte d'Ivoire...). Dans le cadre de la politique de sécurité prévue sur le territoire français, 6 500 postes de gendarmes ont également été créés, ce qui n'avait pas été prévu.

Tous ces soucis budgétaires ont poussé à des sacrifices en matières de dépenses d'entretien et d'équipements. Des échos ont appris au grand public que le matériel militaire était parfois en très mauvais état, en laissant une portion congrue d'opérationnel pour les entrainements (les opérations extérieures étant correctement dotées). En outre, la lutte contre les déficits budgétaires n'épargne pas le ministère de la Défense, et pousse à une augmentation assez modérée en valeur de ses dépenses, même si elles ne diminuent pas.

La restructuration doit en fait être suivie d'une augmentation nette du budget de la Défense, ne serait-ce que pour pouvoir l'effectuer. Les crédits d'équipement devraient donc en être les grands gagnants. Les économies réalisées par la suite permettront ensuite de les maintenir, malgré la quasi-stabilisation du budget global. Celui ne devrait pas augmenter autant que la croissance française, d'où un niveau estimé à 2 % du PIB en 2020, contre 2,3 % à l'heure actuelle. Et avec cela, la question du deuxième porte avions n'est pas tranchée, le coût important faisant oublier la véritable nécessité stratégique. S'il est souhaitable que les armées françaises soient correctement équipées, et si l'on ne peut éloigner d'un revers de main la question de la maîtrise des dépenses publiques, la circonspection pointe tout de même vis-à-vis du choix de la diminution du nombre de militaire alors que la France et l'Europe font face à de si grands dangers.