Nestor Kirchner, artisan de la renaissance de l'Argentine
Par xerbias, vendredi 29 octobre 2010 à 17:05 :: Monde :: #503 :: rss
Le décès de l'ancien Président argentin Nestor Kirchner est une surprise pour tous. Non seulement il n'était pas très âgé (60 ans), mais encore il restait entièrement impliqué dans la vie politique argentine. Sa femme est actuellement à la tête de l'Etat, et il s'apprêtait lui-même à revenir au pouvoir en préparant sa candidature pour l'élection présidentielle de l'année prochaine. Il y aurait retrouvé son propre prédécesseur, Eduardo Duhalde, dans un duel un peu surprenant. Ce fut en effet par leurs actions combinées que l'Argentine retrouva le chemin de la croissance économique, et pu se sortir d'une crise économique d'une gravité extrême.
Malmené par plusieurs dictatures, l'économie argentine était déjà mal en point dans les années 80. L'inflation était son mal principal. Héritant d'une telle situation, les gouvernements démocrates peinaient à assainir la situation. Leur solution fut la création d'une monnaie indexée directement sur le dollar en 1991, avec un peso = 1 dollar. Dès lors, les prêts n'étaient plus consentis qu'en fonction de la quantité de dollars possédée par l'Argentine. Cela introduisit un facteur liant la possibilité de prêter à l'arrivée de dollars, limitant sérieusement la création monétaire, et donc l'inflation. Pour une économie reposant largement sur les échanges dans la zone dollar telle que l'Argentine, le mécanisme pouvait avoir une certaine logique : son économie exportatrice pouvait profiter de l'afflux de devises, et l'indexation au dollar rassurait les investisseurs souhaitant y investir.
Mais malgré le programme de privatisations du Président Carlos Menem dans les années 90, l'Etat argentin continua d'être lourdement en déficits et d'emprunter de l'argent. Le FMI a notamment largement financé le pays à cette époque, qui vivait alors à crédit. Lorsqu'à la fin des années 90, les Etats-Unis connurent un boom économique, ils devinrent le réceptacle de beaucoup de placements financier. Le dollar s'apprécia largement, et notamment par rapport aux autres monnaies sud américaines. A ce moment-là , l'Argentine, voyant sa propre monnaie s'apprécier d'autant, se trouva en difficulté : ses exportations coûtaient de plus en plus cher, et il lui était possible d'importer à très faible prix. L'Argentine avait la monnaie américaine, mais pas sa croissance. Dépendante de son commerce extérieure, elle n'était plus en mesure d'y participer de façon compétitive. La crise économique commença alors.
En temps normal, l'issue aurait du être une dévaluation rapide. A l'époque des taux de changes fixes (sous le système monétaire international de Bretton Woods ou dans le système monétaire européen), une dévaluation aurait été menée. Mais l'épargne de tous les agents économiques (y compris les investisseurs étrangers) étant comptée directement en dollar, cela promettait d'être douloureux. Pire, privée de son apports de dollars de par la dégradation de ses comptes extérieurs, les banques argentines ne pouvaient plus prêter, renforçant la crise. L'Etat lui même, ayant de facto entraîné une création monétaire en empruntant à l'étranger, ne pouvait plus emprunter pour payer ses dépenses courantes, et encore moins rembourser. A la violence de la crise économique s'ajouta une crise financière et monétaire. Perdant confiance dans les institutions, tous les acteurs voulurent récupérer leurs avoirs en dollar, favorisant un cercle vicieux plombant le peso.
Cela se traduit évidemment par une crise politique très grave, provoquant la démission de deux Présidents successifs. Il revint donc à Eduardo Duhalde, devenu Président par intérim, d'acter la faillite de l'Etat argentin, et d'accomplir une dévaluation de fait, en mettant fin à l'indexation du peso avec le dollar. Ce fut, comme on pouvait s'y attendre, extrêmement violent pour les épargnants et les créanciers de l'Argentine. A partir de ce moment-là , l'Argentine est de fait repartie à zéro. Eduardo Duhalde organisa alors des élections présidentielles, où Nestor Kirchner fut élu. Celui-ci continua l'œuvre de son prédécesseur, et garda le même ministre des finances. L'Argentine revint à ses fondamentaux : l'exportation de matières premières, et en premier lieu de viandes animales. Les investissements nécessaires étaient réduits, peu affectés par la crise. Le peso, devenu bien meilleur marché, favorisa une reprise des exportations. L'Argentine se comporta au cours des années 2000 comme un pays en reconstruction, connaissant une croissance forte. En termes de politique économique, Nestor Kirchner fit notamment le choix de maintenir le peso à des niveaux bas, malgré le retour d'une économie en meilleure santé. Une inflation toujours importante en fut le prix à payer.
Il aurait donc été intéressant de voir Eduardo Duhalde et Nestor Kirchner, les deux artisans de la renaissance argentine, s'affronter. Aujourd'hui, l'Argentine est membre du G20, et aspire à davantage prendre part à la régulation économique internationale. Son expérience récente représente un cas d'école pour ces institutions, une leçon pour elle-même et pour le reste du monde.
Malmené par plusieurs dictatures, l'économie argentine était déjà mal en point dans les années 80. L'inflation était son mal principal. Héritant d'une telle situation, les gouvernements démocrates peinaient à assainir la situation. Leur solution fut la création d'une monnaie indexée directement sur le dollar en 1991, avec un peso = 1 dollar. Dès lors, les prêts n'étaient plus consentis qu'en fonction de la quantité de dollars possédée par l'Argentine. Cela introduisit un facteur liant la possibilité de prêter à l'arrivée de dollars, limitant sérieusement la création monétaire, et donc l'inflation. Pour une économie reposant largement sur les échanges dans la zone dollar telle que l'Argentine, le mécanisme pouvait avoir une certaine logique : son économie exportatrice pouvait profiter de l'afflux de devises, et l'indexation au dollar rassurait les investisseurs souhaitant y investir.
Mais malgré le programme de privatisations du Président Carlos Menem dans les années 90, l'Etat argentin continua d'être lourdement en déficits et d'emprunter de l'argent. Le FMI a notamment largement financé le pays à cette époque, qui vivait alors à crédit. Lorsqu'à la fin des années 90, les Etats-Unis connurent un boom économique, ils devinrent le réceptacle de beaucoup de placements financier. Le dollar s'apprécia largement, et notamment par rapport aux autres monnaies sud américaines. A ce moment-là , l'Argentine, voyant sa propre monnaie s'apprécier d'autant, se trouva en difficulté : ses exportations coûtaient de plus en plus cher, et il lui était possible d'importer à très faible prix. L'Argentine avait la monnaie américaine, mais pas sa croissance. Dépendante de son commerce extérieure, elle n'était plus en mesure d'y participer de façon compétitive. La crise économique commença alors.
En temps normal, l'issue aurait du être une dévaluation rapide. A l'époque des taux de changes fixes (sous le système monétaire international de Bretton Woods ou dans le système monétaire européen), une dévaluation aurait été menée. Mais l'épargne de tous les agents économiques (y compris les investisseurs étrangers) étant comptée directement en dollar, cela promettait d'être douloureux. Pire, privée de son apports de dollars de par la dégradation de ses comptes extérieurs, les banques argentines ne pouvaient plus prêter, renforçant la crise. L'Etat lui même, ayant de facto entraîné une création monétaire en empruntant à l'étranger, ne pouvait plus emprunter pour payer ses dépenses courantes, et encore moins rembourser. A la violence de la crise économique s'ajouta une crise financière et monétaire. Perdant confiance dans les institutions, tous les acteurs voulurent récupérer leurs avoirs en dollar, favorisant un cercle vicieux plombant le peso.
Cela se traduit évidemment par une crise politique très grave, provoquant la démission de deux Présidents successifs. Il revint donc à Eduardo Duhalde, devenu Président par intérim, d'acter la faillite de l'Etat argentin, et d'accomplir une dévaluation de fait, en mettant fin à l'indexation du peso avec le dollar. Ce fut, comme on pouvait s'y attendre, extrêmement violent pour les épargnants et les créanciers de l'Argentine. A partir de ce moment-là , l'Argentine est de fait repartie à zéro. Eduardo Duhalde organisa alors des élections présidentielles, où Nestor Kirchner fut élu. Celui-ci continua l'œuvre de son prédécesseur, et garda le même ministre des finances. L'Argentine revint à ses fondamentaux : l'exportation de matières premières, et en premier lieu de viandes animales. Les investissements nécessaires étaient réduits, peu affectés par la crise. Le peso, devenu bien meilleur marché, favorisa une reprise des exportations. L'Argentine se comporta au cours des années 2000 comme un pays en reconstruction, connaissant une croissance forte. En termes de politique économique, Nestor Kirchner fit notamment le choix de maintenir le peso à des niveaux bas, malgré le retour d'une économie en meilleure santé. Une inflation toujours importante en fut le prix à payer.
Il aurait donc été intéressant de voir Eduardo Duhalde et Nestor Kirchner, les deux artisans de la renaissance argentine, s'affronter. Aujourd'hui, l'Argentine est membre du G20, et aspire à davantage prendre part à la régulation économique internationale. Son expérience récente représente un cas d'école pour ces institutions, une leçon pour elle-même et pour le reste du monde.
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