Au ministère de la relance

Par xerbias, vendredi 22 octobre 2010 à 18:57 :: Faits politiques :: #500 :: rss

Si le prochain remaniement gouvernemental est une source de spéculations sans fin de la part du microcosme politico-médiatique, il peut être également l'occasion de se débarrasser d'un ministère qui n'avait pas de vraie raison d'être dès le départ. Le ministère de la relance est en effet né d'un coup politique, et non d'une nécessité. Coup politique à deux titres : d'une part, la création d'un ministère dédié permettait un coup de communication, faisant comprendre que le gouvernement prenait la crise au sérieux et agissait pour en réduire ses conséquences via une politique volontariste. D'autre part, ce nouveau poste permettait d'exfiltrer Patrick Devedjian de l'UMP, pour que Xavier Bertrand en devienne secrétaire général à sa place comme l'avait décidé l'Elysée. Et tout cela, alors qu'il existe déjà une administration complètement dévouée à l'économie française. Et elle est bien peu cachée sous le titre de "ministère de l'économie", il est donc surprenant qu'on l'ait oubliée.

Il ne s'agit pas de nier qu'une politique de relance était nécessaire. La prime à la casse a permit au secteur automobile d'amortir le choc, et de nombreuses opérations d'entretien des infrastructures ont enfin pu avoir lieu grâce aux crédits subitement développé. Il n'aura probablement pas in fine un impact aussi fort qu'on aurait pu le souhaiter, mais le but était bel et bien de limiter la casse. Entre la relance institutionnelle et les mécanismes ordinaires de solidarité, l'Etat a été pleinement mis à contribution pour que la France ne plonge pas autant que ses voisins. Cet effort se constate d'ailleurs dans l'énorme déficit qui en a résulté. Mais tout cela aurait pu être orchestré par la seule Christine Lagarde. Surtout que Nicolas Sarkozy avait autrefois mis en avant son souhait d'un gouvernement resserré, il n'est donc nul besoin de doublons.

Aujourd'hui, la poursuite du plan de relance peut également être mené par le ministère des finances. Il n'est d'ailleurs plus question de dépenses supplémentaires, l'humeur est plutôt à la chasse aux déficits. Nul doute que l'on trouvera bien une meilleure place pour Patrick Devedjian. Lui a toujours rêvé de la Chancellerie...

Commentaires

1. Le dimanche 24 octobre 2010 à 13:30, par Le Cri du Contribuable

« Il ne s'agit pas de nier qu'une politique de relance était nécessaire. »

Il eût été possible de relancer l'économie par la baisse des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires. Au lieu de cela, on a relancé l'économie par l'endettement (public), alors même que la crise financière résultait de l'endettement (privé). Il faudra bien en payer la facture...

2. Le dimanche 24 octobre 2010 à 15:39, par xerbias

C'eut été possible en effet, mais la question est de savoir dans quelle proportion l'argent libéré par cette baisse des prélèvements obligatoires se serait retrouvé injecté dans l'économie (via la consommation et l'investissement) plutôt qu'épargné (un comportement habituel lorsque l'on prévoit des périodes difficiles). Et quand bien même cela aurait favorisé la consommation, il serait préférable que cet argent soit dépensé dans des produits ou services qui contribuent rapidement et directement au maintien de la production au moins européenne. Une augmentation des importations chinoises ne nous aurait pas beaucoup aidé. C'est comme cela que des mécanismes comme la prime à la casse se justifient : orienter de quelle façon le déficit public contribue à l'économie. Evidemment, ça ne peut qu'avoir un temps très limité (le risque est que l'économie s'habitue à ce "shoot", et que ça ne serve plus à rien).

3. Le lundi 25 octobre 2010 à 10:02, par Le Cri du Contribuable

« la question est de savoir dans quelle proportion l'argent libéré par cette baisse des prélèvements obligatoires se serait retrouvé injecté dans l'économie (via la consommation et l'investissement) plutôt qu'épargné »

Si l'argent libéré est épargné, il sera tout autant injecté dans l'économie que s'il avait été directement consommé ou investi. Pourquoi ? Parce que l'épargne n'est jamais dormante : l'épargnant est rémunéré grâce aux intérêts payés par les emprunteurs. Ainsi, dès qu'un euro est épargné dans une banque, il est prêté (d'ailleurs, les banques prêtent beaucoup plus qu'elles n'ont de fonds propres, puisque les récents Accords de Bâle imposent des fonds propres de 7 %) à un emprunteur qui se servira de cet argent pour consommer, ou investir. Une fois que ce dernier remboursera son crédit, la banque pourra rémunérer l'épargnant. Le rôle de la banque est de faire se rencontrer l'épargnant et l'emprunteur. Il n'y a pas à forcer l'injection de l'argent dans l'économie, elle se fait naturellement.

4. Le lundi 25 octobre 2010 à 11:18, par xerbias

En économie, on considère qu'un prêt bancaire est une création monétaire, car l'argent prêté par une banque n'est pas enlevé à l'épargnant. Il existe ainsi bien des établissements de crédits qui n'ont pas besoin d'épargnants pour prêter de l'argent. En l'occurrence, dans la crise financière où nous étions, les banques ne prêtaient plus, non pas parce qu'elles manquaient de liquidités, mais tout simplement par crainte de n'être pas remboursé (ce qui était un comportement rationnel).

5. Le lundi 25 octobre 2010 à 11:36, par Le Cri du Contribuable

Ce que vous dites est juste mais ne contredit pas mon propos. Pour mieux vous le faire comprendre, je vous invite à lire un extrait de « Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » (1850), de l'économiste Frédéric Bastiat :

« Épargner, c’est dépenser.

Quel est le but d’Ariste, en économisant dix mille francs? Est-ce d’enfouir deux mille pièces de cent sous dans une cachette de son jardin? Non certes, il entend grossir son capital et son revenu. En conséquence, cet argent qu’il n’emploie pas à acheter des terres, une maison, des rentes sur l’État, des actions industrielles, ou bien il le place chez un négociant ou un banquier. Suivez les écus dans toutes ces hypothèses, et vous vous convaincrez que, par l’intermédiaire des vendeurs ou emprunteurs, ils vont alimenter du travail tout aussi sûrement que si Ariste, à l’exemple de son frère, les eût échangés contre des meubles, des bijoux et des chevaux.

Car, lorsque Ariste achète pour 10 000 fr. de terres ou de rente, il est déterminé par la considération qu’il n’a pas besoin de dépenser cette somme, puisque c’est ce dont vous lui faites un grief.

Mais, de même, celui qui lui vend la terre ou la rente est déterminé par cette considération qu’il a besoin de dépenser les dix mille francs d’une manière quelconque.

De telle sorte que la dépense se fait, dans tous les cas, ou par Ariste ou par ceux qui se substituent à lui.

Au point de vue de la classe ouvrière, de l’encouragement au travail, il n’y a donc, entre la conduite d’Ariste et celle de Mondor, qu’une différence; la dépense de Mondor étant directement accomplie par lui, et autour de lui, on la voit; Celle d’Ariste s’exécutant en partie par des intermédiaires et au loin, on ne la voit pas. Mais, au fait, et pour qui sait rattacher les effets aux causes, celle qu’on ne voit pas est aussi certaine que celle qu’on voit. Ce qui le prouve, c’est que dans les deux cas les écus circulent, et qu’il n’en reste pas plus dans le coffre-fort du sage que dans celui du dissipateur.

Il est donc faux de dire que l’Épargne fait un tort actuel à l’industrie. »

6. Le lundi 25 octobre 2010 à 12:05, par xerbias

J'entends bien, mais d'une part mon propos concerne les banques, et non les prêts directs, et d'autre part, les choses ont un peu changé depuis Bastiat. Plutôt que de me lancer dans ma propre explication qui pourra paraître obscure, je vais me contenter de recopier un morceau de l'article Banque d'un dictionnaire d'économie Hatier que j'ai sous la main :

"Les banques collectent des fonds (elles en empruntent elles-mêmes parfois) pour les prêter ensuite. Mais de nos jours, ce ne sont pas les dépôts qui font les crédits car les banques prêtent à l'économie beaucoup plus de ressources financières que n'en apportent les déposants. Les sommes supplémentaires ainsi prêtées proviennent de la création de monnaie que réalisent les banques."

D'où la conclusion : une hausse des dépôts ne se traduit pas forcément par une hausse des crédits. Aujourd'hui, le critère important pour déterminer le montant des emprunts accordés, outre la confiance faite aux créanciers, c'est le taux de refinancement de la Banque Centrale (qui essaie d'encadrer le niveau de création monétaire).

7. Le lundi 25 octobre 2010 à 13:52, par Le Cri du Contribuable

Justement, même la jusqu'ici très rigoureuse BCE a fini par imiter la Fed, avec la monétisation de la dette grecque au printemps dernier. La création monétaire de la Banque centrale, ce n'est rien d'autre que la spoliation de l'épargnant par l'inflation. Or, c'est notamment par l'épargne que se financent les projets d'investissement durables, facteurs de croissance elle aussi durable...

Une vidéo « Hayek VS Keynes » qui résume bien tout cela :

www.dailymotion.com/video...

8. Le lundi 25 octobre 2010 à 16:04, par xerbias

Cette vidéo est excellente !

On ne va pas refaire tout le débat sur les politiques monétaires (après tout, il y a des libertariens qui souhaitent le retour à la convertibilité or), ce serait dévier fortement du sujet. Je ne faisais que mettre en avant qu'épargner, à l'heure actuelle, ne signifie pas à court terme dépenser. Et la crise actuelle doit être traitée à court terme, quitte à couper les robinets assez tôt. C'est évidemment un débat keynésien/néo-classiques. Pour ma part, j'ai tendance à penser que c'est une question de dosage entre les deux pratiques qui ont chacun leurs avantages et inconvénients. Je juge personnellement que l'on avait besoin d'un peu de relance keynésienne pour limiter les dégâts, mais le risque (et en France on est bien placé pour le savoir), c'est de ne plus pouvoir se passer de l'intervention étatique si elle dure trop.

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