Le procès de Jacques Chirac pour l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris a été reporté. Un des prévenus à fait valoir une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui fut acceptée. Le but est de savoir si la jurisprudence (selon laquelle il n'y a pas prescription) ne serait pas inconstitutionnelle. La question pourrait aller jusqu'au Conseil Constitutionnel... où siège Jacques Chirac. Evidemment, dans un tel cas, il ne participerait pas à la prise de décision. Son ami Jean-Louis Debré, président de l'institution, a d'ores et déjà prévenu qu'il ne siègerait pas non plus. Jacques Chirac a aussi des liens passés avec d'autres de ses collègues, y ayant notamment nommé Pierre Steinmetz. De toute façon, qu'on en arrive là ou pas, le principal objectif de cette QPC est bien de gagner du temps, en créant une nouvelle question juridique qui suivra son propre chemin. Le procès aura lieu quand elle sera tranchée. Autant être réaliste, ce ne sera pas pour demain.

Un autre homme politique, Jean-Paul Huchon, a eu recours au même subterfuge avec succès afin d'éviter d'être condamné à de inéligibilité. C'était la sanction prévue pour avoir profité de l'argent du Conseil Régional d'Ile de France dans le cadre de sa campagne de réélection. Ce ne sont pas les premiers ennuis de Jean-Paul Huchon avec la justice. Tous les donneurs de leçons l'oublient volontairement, mais il a déjà été condamné, y compris en appel, pour prise illégale d'intérêts, des actes commis à la présidence du Conseil Régional, poste qu'il occupe encore dans l'indifférence la plus stupéfiante. Quoi qu'il en soit, si les délais de la justice n'étaient déjà pas assez longs, la possibilité de déposer une QPC peut désormais les rallonger encore plus. Mais était-ce bien nécessaire ?

Cette possibilité existe depuis un an désormais. C'était l'une des mesures prévues par la modification de la Constitution de juillet 2008, adoptée de façon assez conflictuelle. Si à l'époque on pouvait se demander quelle était l'utilité de cette mesure, quand on en voit les effets aujourd'hui, on peut difficilement échapper à la consternation. S'il faut bien vérifier de la constitutionnalité de la législation, il faut le faire a priori, avant qu'elle ne soit définitivement entérinée, plutôt qu'a posteriori, lorsqu'elle est déjà effective. La morale de cette histoire est qu'il ne faut toucher à un texte aussi fondamental que la Constitution qu'avec les plus extrêmes précaution. Ici, on aurait très bien pu se passer de cette histoire de QPC.