Le mauvais état global des universités françaises est un fait peu contestable. Le sujet se rapproche de la question de l'effort fait en matière de recherches et développement : il y a unanimité à reconnaître que l'investissement dans la recherche est nécessaire pour construire l'activité économique de demain, et la classe politique s'exprime avec constance pour que les dépenses en recherche et développement atteignent les 3 % du PIB. C'était l'un des engagements de Jacques Chirac en 2002, et aujourd'hui encore, c'est une proposition qui figure en bonne place dans les contributions des socialistes en préparation de leur prochain congrès. L'une des solutions du gouvernement pour renflouer les universités fut de prendre le parti-pris d'en privilégier quelques unes, pour que l'investissement soit plus conséquent. Le but est de créer quelques pôles universitaires d'excellence plutôt que de donner des miettes à tout le monde. Le financement est obtenu par la vente de 3 % du capital d'EDF (soit 5 milliards d'euros), une solution peu pérenne, mais envisageable dans le cadre d'une dépense d'investissement et non de fonctionnement. Ce plan, baptisé "Opération Campus", vise à réhabiliter les campus universitaires via un influx d'argent sur 10 projets déposés par les universités, si possibles regroupées pour permettre des projets transversaux.

A peu près toutes les universités ont été candidates, d'une manière ou d'une autre, attirées par la perspective de financements qui leur font cruellement défaut. Autour de chacune d'elle, les collectivités locales les ont encouragées dans ce processus, étant toujours attachées à l'idée d'avoir un pôle d'université à proximité. Mais il faut reconnaître que les universités ne sont pas égales entre elles, non seulement en terme de moyens, mais aussi en terme de résultats. Les diplômes, bien que nationaux et d'une même valeur théorique, ne sont pas de valeur égale dans les faits. Universitaires et personnalités politiques locales doivent accepter que des petites universités locales ne soient pas au niveau de grands pôles d'excellence. Il y a de la place pour une douzaine de ces pôles en France, mais cet effort financier ne sera pas encore suffisant pour mettre l'enseignement supérieur français au niveau des meilleurs mondiaux.

Pour bien il faudrait faire en sorte que les pôles de compétitivité correspondent à ces pôles universitaires d'excellence. Les pôles de compétitivité sont déjà liés à la recherche universitaire, mais ils sont trop nombreux pour bénéficier d'un financement conséquent chacun. L'idée serait donc de faire coïncider les deux mouvements. Les partenariats avec le secteur privé devraient pouvoir être envisagés sans immédiatement soulever des soupçons irrationnels de privatisation de l'université. Les difficultés dans la mise en place de nouvelles gouvernances dans des universités devenues autonomes illustrent d'ailleurs une politisation forte qui nuit grandement à l'efficacité de leur gestion. Enfin, comment vouloir des pôles universitaires d'excellence s'il n'y a aucune sélection à l'entrée des facultés ? Celles-ci se trouvent condamnées à gérer les conséquences de nombreuses erreurs d'orientations et d'échecs de la part des étudiants. Cette sélection à l'entrée avait pourtant évoquée par Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, en 2007. Les immobilismes de la part des étudiants ont empêché cela. Si l'Opération Campus va donc dans la bonne direction, elle doit donc être accompagnée d'autres mesures fortes sous peine de n'être qu'un pansement temporaire.