Dans le parti qu'il a créé, François Bayrou est contesté. Des sénateurs ou des députés européens s'expriment dans la presse pour raconter leurs doutes vis-à-vis de la stratégie suivie par le président du Mouvement Démocrate, le parti héritier de l'UDF, auquel ils appartenaient. Afin de mettre fin aux manœuvres dont il se sentait victime, François Bayrou a décidé de lancer une consultation à l'intérieur du Modem pour vérifier l'approbation de sa ligne politique par les militants. Il semble en fait qu'il n'y ait pas d'autre alternative. Thierry Cornillet, député européen du Modem qui regrettait la disparition de l'UDF, a renoncé à présenter sa propre motion, craignant une consultation verrouillée, au vue de l'absence de campagne et des conditions du scrutin. La suite semble le confirmer. Un militant, Eric Julliard, a voulu déposer sa propre contribution en vue du scrutin. Celle-ci fut refusée par les instances du Modem, pour un vice de procédure qui n'était codifié nul part. La direction du Modem a donc soigneusement veillé à ce qu'il n'y ait qu'une seule possibilité de vote pour cette consultation. La contribution rejetée n'était pourtant pas très éloignée des prises de position nationales de François Bayrou, sur le pluralisme et la démocratie. Mais le but de la consultation est bien de donner le score le plus éclatant possible au président du mouvement, et à ce titre, il ne saurait y avoir d'opposants.

Ce qui est troublant, c'est que le pluralisme réclamé par François Bayrou n'est pas appliqué dans son propre parti. Lorsque le pluralisme risque de lui être un tant soit peu défavorable, il devient "division", un facteur honni car le Modem doit donner l'image d'un profond mouvement populaire soutenant un destin de Président de la République. La consultation organisée apparaît donc sous son vrai visage, celui d'un plébiscite forcé, sans rapport avec un véritable mécanisme démocratique. C'est une tendance de fond au Modem : seul l'avis de François Bayrou est écouté et vénéré, quiconque n'est pas d'accord avec lui est immédiatement accusé de trahison, et les militants qui sont venus pour soutenir inconditionnellement François Bayrou souhaitent rapidement le départ des voix discordantes pour éviter tout risque de miner le parti de l'intérieur.

Les adhérents du Modem sont pour l'essentiel des personnes sincères et voulant un vrai changement en politique. Elles l'ont cru possible à travers François Bayrou, mais cet espoir si fort pousse parfois jusqu'à l'aveuglement, comme souvent dans ce genre de cas. Ceux qui se rendent compte des manquements graves par rapport aux principes prônés sont terriblement déçus, quittent le mouvement ou bien tentent désespérément de remettre leur espoir sur ce qu'ils pensent être le droit chemin. Ils font alors face à la majorité des militants, qui ont un rapport à la limite du messianisme envers François Bayrou. Celui-ci ne mérite pourtant pas une telle ferveur, dans la mesure où il fait quotidiennement le contraire de ce qu'il défend. Cela se voit dans ce rejet du pluralisme et dans son instrumentalisation des apparences démocratiques, mais aussi dans ses propres compromissions, comme l'oubli du refus du cumul des mandats lorsqu'il tente la conquête de la mairie de Pau (et échoue). Il évacue ses fautes en accusant inlassablement l'UMP et tous ceux qui le trahissent, vivant ainsi dans un quasi-délire, celui d'un homme en fait à la recherche d'un pouvoir qu'il serait seul à exercer.

Evidemment, ce genre de fonctionnement n'est pas une nouveauté en soi dans le monde politique. De tels mécanismes peuvent être vus au PS ou à l'UMP. Seulement le Modem avait précisément l'objectif d'en finir avec de telles histoires, d'apporter un vrai changement. Au fond, le changement apporté par François Bayrou a un goût bien particulier lorsque l'on constate qu'il ne fait que reprendre les vieux schémas si déconsidérés par tous.