Vous l'avez peut-être vous-même remarqué. En lisant certains tracts ou certains sites, on rencontre des textes à la grammaire un peu curieuse. Les accords entre les mots n'y suivent pas les règles de grammaire du français. On pourrait soupçonner une ignorance de la part de leur auteur, mais il est plus probable que ces libertés prises avec notre langue soit volontaires. Pour se rendre compte facilement de quoi il s'agit, voici quelques exemples : "les indigné(e)s", "les étudiant-e-s", "les révolté/e/s", "les instituteurs(trices)... Le principe est donc, pour les mots au pluriel pouvant être soit au masculin, soit au féminin, de ne pas choisir et de marquer les deux genres à la fois. C'est bien évidemment contraire à la grammaire française. Dès l'école primaire, on apprend ainsi que lorsqu'il y a un rassemblement comportant des êtres ou des objets des deux genres, il est adressé en utilisant les règles du masculin. Tout simplement car dans ce cas, le masculin assume un statut de neutre qui n'existe pas indépendamment.

C'est un principe de base du français, mais il est combattu. Les tracts et les sites en question ont tous quelque chose en commun mis à part leur grammaire déviante : leur coloration politique. Ils sont tous de gauche, et généralement, pas à moitié. Les textes subissant ce genre de traitement deviennent pénibles à lire mentalement, et à l'oral, on ne sait pas vraiment comment prononcer ces mots aux marques féminines hypothétiques. Mais pour les promoteurs d'un tel langage, le but est de féminiser le langage pour mettre fin à son horrible sexisme. La règle selon laquelle le masculin pluriel peut englober à la fois le masculin et le féminin est pour eux la preuve du sexisme du langage, qui conditionnerait les discriminations dont souffriraient les femmes.

Cette pensée est en soi assez drôle, car parfaitement ridicule. Pour commencer, on pourrait dire qu'il y a des mots féminins qui sont également sexistes, car n'acceptant pas de masculin. Par exemple, le mot tortue est féminin pour tout le monde, y compris les tortues mâles... Il n'y a pas de quoi crier au scandale. Ensuite, cette particularité de la langue française n'a aucune conséquence sur les schémas de pensées. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer avec les langues étrangères. L'anglais ne connaît pas d'accords en genre. En allemand, le pronom personnel de la troisième personne du pluriel est le même que celui de la troisième personne du singulier féminin. En japonais, il n'y d'accords ni en genre, ni au nombre, évitant cette complexité grammaticale (mais rendant plus flou le discours). Eh bien il est impossible de dire que dans les peuples utilisant ces trois langues, le sort des femmes soit significativement meilleur que chez les peuples francophones. Au Japon et en Allemagne, l'insertion des femmes dans la vie active est même moins importante qu'en France.

Les règles de grammaire ne jouent donc aucun rôle sur les différences hommes/femmes, et cette grammaire gauchiste n'est donc qu'un nouvel exemple de la volonté de ses promoteurs de prouver leurs indignations qui tournent à vide. En dehors des aspects purement littéraires, si chacun devient libre de respecter les règles de grammaire qu'il estime justifiées, alors on peut croire que de nombreux écoliers commenceraient par remettre en cause l'accord du participé passé avec le complément d'objet direct si celui-ci est placé avant l'auxiliaire avoir !